Crédit Photo : FAROOQ NAEEM / AFP
Écran montrant les résultats en direct au bureau de la Commission électorale à Islamabad le 9 février 2024, un jour après les élections nationales au Pakistan.
Faux appels au boycott, soupçons de bourrage d'urnes, candidats accusés de blasphème : les élections législatives et provinciales au Pakistan ont été accompagnées d'un déluge de fausses informations pointé par les observateurs et militants de l'internet libre.
"Tous les partis ont fait en sorte de participer"
au flot de désinformation, juge ainsi Shahzad Ahmed, directeur de l'organisation pakistanaise Bytes for All, qui défend la liberté sur internet.
"Plutôt qu'endiguer la désinformation, ils ont essayé de l'encourager"
pour créer une confusion servant leurs intérêts, a-t-il déclaré à l'AFP.
Peu avant le scrutin, l'AFP a démontré que des publications sur Facebook et TikTok prétendant que le parti de l'ex-Premier ministre en disgrâce Imran Khan (le Pakistan Tehreek-e-Insaf, PTI) et celui de la famille Sharif (la Ligue musulmane du Pakistan, PML-N) avaient appelé à un boycott, étaient mensongères.
L'ancien Premier ministre Nawaz Sharif, qui semble jouir du soutien de l'armée, est considéré comme le favori de ce scrutin, disputé aussi par un troisième parti représentant l'autre grande dynastie politique du pays, le Parti du peuple pakistanais (PPP) de Bilawal Bhutto Zardari.
Les élections de jeudi au Pakistan ont été ternies comme jamais par des soupçons de manipulations, renforcés par la décision du gouvernement de couper les services de téléphonie mobile pour la journée.
Cette mesure a eu pour effet d'accélérer les spéculations sur les réseaux sociaux.
"La censure et le manque d'accès à l'information vont forcément renforcer la désinformation",
observait ainsi auprès de l'AFP Usama Khilji, un militant des libertés dans l'espace numérique.
Une vidéo publiée sur le réseau social X et vue près de 130.000 fois pouvait ainsi faire croire qu'un candidat soutenu par le PTI, Raja Basharat, relayait un appel d'Imran Khan à boycotter l'élection en raison du harcèlement de ses sympathisants.
Un faux grossier contesté par M. Basharat qui a souligné qu'il s'agissait d'un
réalisé avec de l'intelligence artificielle et non pas d'un communiqué officiel.
L'AFP n'a pas été en mesure de vérifier s'il s'agissait d'un deepfake mais un responsable du PTI, Raoof Hasan a précisé à l'AFP jeudi n'avoir jamais appelé au boycott et bien au contraire, incité les électeurs à se rendre aux urnes.
Une autre vidéo, de Nawaz Sharif appelant prétendûment à un boycott, a aussi circulé sur TikTok. Elle est authentique mais date de 2007. Il n'a pas appelé au boycott pour ce scrutin.
D'autres publications ont assuré que la Commission électorale avait fait imprimer beaucoup plus de bulletins de vote que nécessaire, et présentaient cette information comme la preuve d'un projet de bourrage des urnes pour influencer le résultat de l'élection.
"La Commission électorale dépasse toutes les limites pour battre le PTI"
, prétendait l'une de ces vidéos postée sur TikTok et saluée par un
près de 50.000 fois.
Or, les Pakistanais étaient appelés à voter jeudi pour les élections législatives et provinciales, ce qui signifie que chaque électeur avait deux bulletins.
Historiquement, les élections au Pakistan ont régulièrement été soupçonnées de manipulations au profit de l'establishment militaire.
"Les tactiques sont passées du grossier bourrage des urnes aux fraudes pré-électorales",
aboutissant à ce que
"les candidats n'ayant plus les faveurs de l'armée ne puissent pas faire campagne librement"
, a estimé avant le scrutin Farzana Shaikh, du groupe de réflexion britannique Chatham House.
La désinformation a aussi pris un tour plus personnel, avec notamment une vidéo sur Facebook de la Ligue musulmane du Pakistan (PML-N) modifiée et sortie de son contexte pour donner l'impression qu'un responsable du parti avait comparé Nawaz Sharif à Dieu.
Une manipulation pas anodine dans un pays où la peine capitale est prévue quiconque est reconnu coupable d'insulte à l'islam ou au prophète Mohamed, et où même des allégations de blasphème non prouvées peuvent entraîner assassinats et lynchages.
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