Corée du Sud: bien qu'ignorée, la jeunesse se mobilise à l'approche des législatives

12:339/04/2024, Salı
AFP
Sur cette photo prise à Séoul le 3 avril 2024, lors d'un événement où de jeunes électeurs ont échangé leurs idées sur l'importance du vote des jeunes et sur la politique sud-coréenne, Yu Jung, 26 ans, qui a perdu sa jeune sœur dans la cohue d'Itaewon, pose lors d'un entretien avec l'AFP.
Crédit Photo : ANTHONY WALLACE / AFP
Sur cette photo prise à Séoul le 3 avril 2024, lors d'un événement où de jeunes électeurs ont échangé leurs idées sur l'importance du vote des jeunes et sur la politique sud-coréenne, Yu Jung, 26 ans, qui a perdu sa jeune sœur dans la cohue d'Itaewon, pose lors d'un entretien avec l'AFP.

Ils votent moins, sont sous-représentés au Parlement et ignorés lors des campagnes électorales : bien que délaissés par le système politique sud-coréen, certains jeunes se mobilisent à l'approche des élections législatives dans le pays.

Le scrutin du 10 avril doit renouveler la composition du Parlement sud-coréen et une chose est sûre, la jeunesse brillera encore une fois par son absence. Parmi les candidats aux élections de mercredi, seuls 5,6 % ont moins de 40 ans.


En outre, la politique sud-coréenne est un milieu très masculin. Plus de 75 % des députés du Parlement sortant sont des hommes âgés de plus de 50 ans.

Sous-représentés, les moins de 40 ans seront par ailleurs bien moins nombreux à voter mercredi que leurs compatriotes de plus de 60 ans, selon des données officielles.


Ce déséquilibre dans les urnes est notamment lié à la démographie, en plein déclin, de la Corée du Sud : le pays a le taux de natalité le plus bas au monde, sa société est vieillissante, les couples se marient peu et les foyers d'une personne sont devenus la norme.

Malgré ce déficit de représentation, une partie de la jeunesse sud-coréenne se mobilise à l'approche du scrutin pour dénoncer un système politique qui la néglige. Comme Lee Min-ji, étudiante à l'université âgée de 23 ans, qui a confectionné ces dernières semaines des affiches appelant les jeunes à se rendre aux urnes.


Ses affiches dénoncent une série de scandales qui ont récemment ébranlé la confiance des jeunes Coréens dans les autorités, tels que la bousculade meurtrière qui a fait 159 morts, en majorité des jeunes, lors des festivités d'Halloween à Séoul le 29 octobre 2022.

"Je ne sais pas quand ils (les autorités) cesseront de considérer comme un problème le fait que des bébés ne naissent pas, alors même que les enfants et les jeunes qui sont en vie aujourd'hui (...) ne peuvent pas être protégés"
, dit-elle à l'AFP.

Abstention


Comme ailleurs dans le monde, la jeunesse sud-coréenne est également plus abstentionniste que les autres classes d'âge : aux législatives de 2020, seulement 57,9 % des 20-39 ans ont voté, contre 79,3 % des 60-79 ans, selon des statistiques officielles.


Un peu plus de 50 % des 18-29 ans ont déclaré avoir l'intention de voter mercredi
"quoi qu'il arrive"
, selon un dernier sondage de l'institut Gallup Korea.

Cette faible participation traduit le mécontentement et le désarroi des jeunes sud-coréens qui subissent une forte pression scolaire pour réussir alors que les perspectives d'emplois diminuent et la hausse du prix des logements les pénalise, selon des experts.


Le suicide, en Corée du Sud, est la première cause de décès chez les 10-39 ans.

Selon Gi-Wook Shin, professeur de sociologie à l'université de Stanford, les autorités ne perçoivent pas cette précarité qui affecte la jeunesse sud-coréenne, ce qui alimente un
"conflit générationnel".

Et le vieillissement du pays et de ses classes dirigeantes
"continuera d'éloigner les jeunes de la politique et du vote",
estime Linda Hasunuma, politologue à l'université de Temple.
"Beaucoup (de jeunes) ont déjà le sentiment qu'un changement de fond n'est pas possible avec le système actuel"
, insiste-t-elle.


La politique tue


Pour Yu Jung, 26 ans, qui a perdu sa petite sœur dans la bousculade meurtrière d'Halloween, les jeunes sud-coréens n'ont en outre pas le temps de s'engager en politique.


Sa sœur décédée, Yeon-ju, menait de front ses études et plusieurs jobs étudiants. Elle ne dormait que six heures par nuit.


"La politique qui tue n'est pas un concept abstrait"
, estime Yu Jung.
"Les catastrophes (...) surviennent lorsque l'État ne fait pas ce qu'il devrait faire".

D'autres affiches confectionnées par de jeunes sud-coréens en amont du scrutin évoquent le décès l'an dernier d'un jeune homme de 20 ans pendant son service militaire, lors d'une opération de secours après des inondations, alors qu'il n'aurait pas reçu de gilet de sauvetage.

"Quand vous êtes appelés sous les drapeaux, vous êtes un fils de la nation. Lorsque le moment vient pour eux de prendre leur responsabilité, on vous demande : Qui es-tu ?"
, peut-on lire sur une de ces affiches.

Lee Cheol-bin, 30 ans, a perdu toutes ses économies après avoir été victime d'une escroquerie au
"jeonse"
, un système d'accès au logement typique du pays qui voit un locataire verser à un propriétaire une somme importante à la prise du bail, et qui a conduit à quatre suicides en 2023.

"Cela n'a pas de sens pour nous de vivre une vie où nous pouvons littéralement disparaître à tout moment",
a déclaré Lee Cheol-bin, lors d'un évènement à Séoul, appelant les jeunes à se rendre massivement aux urnes.

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