Loi contre l’antisionisme: le politologue François Burgat pointe l’aveuglement français envers Israël

15:067/11/2023, Salı
MAJ: 7/11/2023, Salı
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Crédit photo: JULIEN DE ROSA / AFP
Crédit photo: JULIEN DE ROSA / AFP

Le 10 octobre dernier, alors qu’Israël bombardait déjà aveuglément la Bande de Gaza en représailles de l’attaque du 7 octobre perpétrée par le Hamas, plusieurs sénateurs de droite déposaient une proposition de loi visant à "compléter le cadre pénal sanctionnant l’antisionisme".

Dans le détail, trois mesures pénales sont proposées, dont la possibilité de punir d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ceux qui auront contesté l’existence de l’État d’Israël, de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, l’injure commise envers l’État d’Israël, et de cinq ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende ceux qui auront directement provoqué à la haine ou à la violence à l’égard de l’État d’Israël.


Dans le texte tel qu’il est soumis par les sénateurs à l’origine de la proposition de loi, il n’existe pourtant aucune mention de l’antisionisme mais bien des faits qui pourraient être assimilés à un rejet de la politique menée par Israël.

Pour le politologue français François Burgat,
"ce projet de loi aggrave l’un des deux volets étroitement complémentaires de l’aveuglement français - envers toute rationalité, envers toute humanité - à l’égard d’Israël".

Le directeur de recherche au CNRS (centre national de la recherche scientifique) note, par ailleurs, dans un entretien à Anadolu que
"cette nouvelle offensive n’intervient pas n’importe quand"
et
"voit le jour alors que la limite des crimes d’Israël est quotidiennement repoussée. Pas seulement à Gaza, d’ailleurs".

"Le prétexte de la dernière vague de massacres est la répression indistincte de toute une population au lendemain de la violente insurrection des prisonniers de Gaza contre leurs geôliers"
, poursuit François Burgat.

Pointant
"une punition collective"
des populations palestiniennes, le politologue considère qu’elle "
génère très logiquement une vague de protestations dans le monde entier, y compris en France"
, où les manifestations propalestiniennes ont été systématiquement interdites dans un premier temps, sur ordre du ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, avant qu’il ne soit finalement rappelé à l’ordre par le Conseil d’État.

Pour le politologue,
"l’unilatéralisme aveugle de la politique française s’est toujours exprimé de deux manières"
avec d’un côté
"un soutien actif et inconditionnel au gouvernement de l’État hébreu même après son ultime basculement au-delà de la frontière de l’extrême-droite"
, puis s’est
"toujours doublé ensuite et s’est toujours aggravé par la criminalisation de toute critique d'Israël".

"Cette volonté s’est, en effet, déjà manifestée de plusieurs façons. D’abord, depuis plusieurs années, par la répression de tout appel au boycott comme les promeut la campagne BDS (boycott désinvestissement sanction)"
et
"plus récemment l’interdiction des manifestations pro-palestiennes"
, souligne-t-il.

Selon lui,
"ce dernier projet de loi va donc encore plus loin dans cette ancienne direction"
et
"aujourd’hui comme hier, il ne trouve d’argument autre que la vieille rhétorique parfaitement éculée de la "lutte contre l’antisémitisme”".

Comme la plupart des observateurs politiques, François Burgat relève un deux poids deux mesures dans le traitement des faits liés au conflit au Proche-Orient.

"Sur le terrain de la Palestine, l’heure des débats rationnels et argumentés, si tant est qu’elle ait jamais été de mise, semble aujourd’hui parfaitement étrangère à l’agenda d’une écrasante majorité de la classe politique",
grince l’expert en conclusion.

Mais dans les faits, la proposition de loi visant à pénaliser l’antisionisme pourrait aboutir à une impossibilité d’opposer toute critique à la politique d’Israël et conduire à des atteintes à la liberté d’expression.

Le sénateur Stéphane Le Rudulier, signataire du texte, a en effet adressé un courrier à la première ministre Élisabeth Borne, lui demandant la dissolution de plusieurs mouvements ou partis politiques dont LFI (La France Insoumise), le NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste), la Jeune Garde ou encore le Parti des Indigènes de la République.


Le point commun de ces quatre formations est d’avoir martelé haut et fort leur attachement aux droits des palestiniens et leur opposition à la politique coloniale israélienne.


Interpellé par le roi de Jordanie Abdallah II et le président égyptien AbdelFattah Al-Sissi sur la dérive française lors de sa tournée au Proche-Orient fin octobre, Emmanuel Macron s’est ardemment défendu en assurant que la France ne pratiquait pas
"de double standard"
dans son approche du conflit.

Si, à ce stade, la proposition de loi contre l’antisionisme a effectivement été déposée, aucune date n’a été fixée quant à un éventuel examen du texte par le Parlement.


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