L'agriculteur à la retraite regarde impuissant les excavatrices qui ont commencé à creuser le futur canal Funan Techo, soulevant de la poussière qui retombe en partie dans son jardin.
La date correspond à l'anniversaire de Hun Sen, l'ancien homme fort du royaume d'Asie du Sud-Est qu'il a dirigé d'une main de fer durant plus de 30 ans, avant de laisser les rênes à son fils, Hun Manet, l'an dernier.
Le canal Funan Techo, estimé à 1,7 milliard de dollars, s'insère dans sa stratégie de développement d'infrastructures à tout-va, souvent avec un appui chinois, pour moderniser l'un des pays les plus pauvres d'Asie du Sud-Est, qui se relève de décennies de guerre civile.
Le futur tracé doit permettre aux navires naviguant sur le Mékong de rejoindre le golfe de Thaïlande en évitant de passer par le Vietnam, où se trouve l'embouchure du plus long fleuve d'Asie du Sud-Est.
Hun Sen a loué les "avantages énormes" de l'infrastructure, comparée à un "nez pour respirer", qui limitera la dépendance du Cambodge envers son voisin vietnamien, bien plus influent, et créera des dizaines de milliers d'emplois.
Mais les bénéfices économiques vantés se heurtent à un flot d'incertitudes sur l'usage du canal, son financement et son impact sur le débit du Mékong.
Les autorités cambodgiennes ont suggéré que China Road and Bridge Corporation (CRBC) paierait pour une partie de l'infrastructure, or l'entreprise chinoise n'a pas encore officialisé sa participation.
Bien que le Cambodge soit un allié de la Chine, Hun Sen a réfuté que le projet entrait dans le cadre des "Nouvelles routes de la soie" promu par Pékin.
Des questions subsistent aussi autour du coût du chantier.
Des experts soulignent la menace supplémentaire que représente le canal pour le débit du Mékong, déjà soumis à la pression de la pollution, du minage de sable, du changement climatique et d'infrastructures mal conçues.
Une étude commandée par l'État cambodgien a estimé que l'impact du canal allait être minime sur le débit du fleuve en saison sèche, selon un responsable gouvernemental, mais le document n'a pas été rendu public.
Phnom Penh a aussi nié des allégations sur l'utilisation du canal par l'armée chinoise, et des analystes ont assuré que les routes maritimes et terrestres existantes restent plus simples à emprunter.