Le retour du milliardaire de 74 ans, au pouvoir entre 2001 et 2006 avant d'être renversé par l'armée lors d'un putsch qui a provoqué de violentes manifestations, annonce un énième épisode de tensions dans le royaume d'Asie du Sud-Est, habitué aux crises cycliques.
Le pays traverse une période de turbulences depuis que l'establishment militaro-royaliste a bloqué l'alternance incarnée par le parti Move Forward, vainqueur des élections législatives du 14 mai, dont le programme de réformes est jugé trop radical par les franges conservatrices.
Plus de trois mois après le vote qui a infligé une défaite cinglante aux généraux au pouvoir depuis 2014, une alliance controversée s'est dessinée ces dernières semaines autour de Pheu Thai, deuxième du scrutin, qui a relégué Move Forward dans l'opposition.
Le mouvement contrôlé par la famille Shinawatra a joint ses forces avec des formations pro-armée, en revenant sur ses promesses de campagne de ne pas s'unir avec les militaires.
Députés et sénateurs doivent se réunir mardi pour désigner un Premier ministre avec pour seul candidat, Srettha Thavisin, un homme d'affaires novice en politique, issu de Pheu Thai, qui propose un gouvernement d'union capable de sortir le pays de l'impasse.
Mais le vote le deuxième après celui qui a rejeté en juillet Pita Limjaroenrat, le chef de file de Move Forward pourrait être éclipsé par le retour de Thaksin Shinawatra, dont la figure polarise la vie politique thaïlandaise depuis plus de vingt ans.
L'ancien dirigeant, populaire auprès des milieux ruraux du Nord et du Nord-Est à travers une série de politiques sociales pionnières, fait l'objet de plusieurs procédures judiciaires qu'il estime motivées politiquement.
Vainqueur des élections en 2001 et 2005, Thaksin a conservé de l'influence en Thaïlande bien que vivant à l'étranger pour échapper à la justice.
Sa soeur Yingluck Shinawatra a été cheffe du gouvernement entre 2011 et 2014, avant d'être renversée à son tour par l'armée. Sa fille Paetongtarn, 37 ans, a effectué sa première campagne électorale au printemps dernier.
Longtemps considéré comme la bête noire des militaires, Thaksin pourrait avoir acquis les faveurs de l'armée et de la monarchie, qui le préfèrent à Pita Limjaroenrat, favorable à une refonte des institutions pour plus de démocratie, selon des experts interrogés par l'AFP.
L'analyste politique Jade Donavanik a déclaré:
Si l'establishment doit choisir entre ces deux maux, elle choisira le moins virulent des deux.
Pour des militants pro-démocratie, le retour de Thaksin ne va pas changer le cours d'un royaume marqué par le recul des libertés fondamentales ces dernières années, malgré des manifestations massives en 2020 pour plus de transparence et d'égalité.