Nouvelle barrière israélienne dans la vallée du Jourdain: des Palestiniens privés de terres agricoles et d’eau

La rédaction avec
16:0415/12/2025, lundi
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Les vestiges d'un campement démantelé jonchent une colline à Ras Ein Al-Auja, en Cisjordanie, le 28 novembre 2025.
Crédit Photo : Wahaj Bani Moufleh / Middle East Images / AFP
Les vestiges d'un campement démantelé jonchent une colline à Ras Ein Al-Auja, en Cisjordanie, le 28 novembre 2025.

Un nouveau projet israélien visant à ériger un mur de séparation entre le nord de la vallée du Jourdain et la Cisjordanie suscite de vives inquiétudes palestiniennes. Les habitants redoutent l’isolement de leurs communautés et de leurs terres agricoles, ainsi que la consolidation d’une annexion de facto du territoire occupé.

Israël a déjà construit en 2002 un mur de séparation entre son territoire et la Cisjordanie, qualifié par les Palestiniens de "mur d’apartheid". En 2004, la Cour internationale de Justice avait rendu un avis consultatif condamnant cette barrière et la déclarant illégale.


Aujourd’hui, selon le quotidien israélien Haaretz, l’armée israélienne prévoit la construction d’un nouveau mur à l’intérieur même de la vallée du Jourdain nord. Long d’environ 22 kilomètres et large de 50 mètres, l’ouvrage viserait à couper les communautés palestiniennes de leurs terres agricoles et de leurs zones de pâturage.


Baptisée "Fil écarlate" (Scarlet Thread), cette barrière entraînerait la démolition de nombreuses structures palestiniennes situées sur son tracé: habitations, enclos pour le bétail, serres, entrepôts, réseaux d’eau, puits et terres cultivées.


Selon Haaretz, ce mur s’inscrit dans un plan plus vaste visant à isoler les Palestiniens dans l’ensemble de la vallée du Jourdain, bien qu’aucune feuille de route complète n’ait encore été rendue publique.


Un document militaire israélien publié en août dernier précise que l’infrastructure comprendra une route militaire, des remblais de terre et des canaux, ainsi qu’une
"zone de sécurité"
de 20 mètres de large de chaque côté. Officiellement, il s’agirait de protéger les colons illégaux et d’empêcher la contrebande d’armes. Les constructions palestiniennes avoisinantes y sont qualifiées de
"failles sécuritaires"
devant être éliminées. Ce document émane du commandant du Commandement central de l’armée, Avi Bluth, et a été relayé par les médias israéliens.

Une annexion assumée


À Atouf, dans la vallée du Jourdain, le fermier palestinien Khairallah Bani Ouda observe sa plaine avec angoisse.
"Cette route ne sera pas une simple voie de passage, mais le début d’un mur qui nous séparera de nos terres"
, confie-t-il à Anadolu.

Propriétaire de 80 000 mètres carrés de terres qui assurent la subsistance de sa famille de 27 personnes, il affirme vivre sur ces terres depuis 2017.
"C’est ma terre"
, insiste-t-il.

Selon lui, le mur amputera la moitié de la plaine.
"Je me retrouverai de l’autre côté du mur. Où irai-je ? Existe-t-il une autre planète pour moi ?"
, s’interroge-t-il avec amertume.

"Si l’occupation construit ce mur, cela signifie nous chasser de nos terres. C’est une annexion pure et simple"
, dénonce-t-il.
"Ce n’est pas un projet sécuritaire, mais une expansion territoriale : ils veulent la terre sans ses habitants."

Une perte massive de terres


Non loin de là, Jamal Bani Ouda partage le même constat.
"Contrairement aux affirmations de l’armée israélienne, il ne s’agit pas d’une route militaire, mais de la première ligne d’un processus d’annexion silencieuse, mené à travers des ordres militaires et des avant-postes pastoraux",
explique-t-il.

Il pointe du doigt les activités quotidiennes des colons illégaux.
"Devant nous, un colon, accompagné de son bétail, a clôturé plus de 10 000 dunams. Ces terres sont les nôtres, elles font partie de notre vie et de notre histoire."

Selon lui, les conséquences du projet seraient désastreuses : perte de terres, chômage massif et destruction des moyens de subsistance de centaines de familles palestiniennes.


À Atouf seulement, les agriculteurs estiment que plus de 30 000 dunams (1 dunam équivalant à 1 000 m²) sont menacés. À l’échelle de la vallée du Jourdain nord, le projet toucherait près de 190 000 dunams de terres agricoles.


Menace sur l’existence palestinienne


Moataz Bisharat, responsable palestinien chargé du dossier de la vallée du Jourdain, explique que le mur de 22 kilomètres s’étendrait d’Ein Shibli, où un nouveau site militaire est en cours de transformation en poste de passage permanent, à l’est de Tayasir, en traversant la plaine d’Al-Baqi’a ainsi que les terres de Tamun et de Tubas.


"Il ne s’agit pas d’une route militaire, mais d’un tracé destiné à ériger un mur séparant totalement le nord de la vallée du Jourdain du reste de la
Cisjordanie"
, affirme-t-il.

Le danger majeur, selon lui, réside dans l’isolement total de plus de 190 000 dunams situés à l’est du mur, y compris des milliers de dunams cultivés en légumes, oliviers et bananiers, ainsi que des réseaux hydrauliques menacés de démantèlement.


Bisharat avertit que ce projet dépasse la simple confiscation de terres et constitue une menace directe contre l’existence palestinienne. Le mur mettrait en péril 22 communautés résidentielles regroupant environ 600 familles, dont les maisons et les enclos à bétail font déjà l’objet d’avis de démolition.


"Cela signifie l’effacement de la présence palestinienne et la destruction du panier alimentaire palestinien"
, affirme-t-il.

La vallée du Jourdain abrite le bassin aquifère oriental, la deuxième plus grande source d’eau en Cisjordanie. Sa séparation priverait les Palestiniens de l’ensemble de leurs ressources hydriques.


Comme beaucoup d’autres, Bisharat risque de perdre près de 200 dunams plantés d’oliviers, de vignes et de légumes.
"Le mur empêchera totalement ma famille d’accéder à nos terres"
, déplore-t-il.

"Il ne peut y avoir d’État palestinien sans la vallée du Jourdain. Aujourd’hui, on prive la Palestine de frontières, d’eau et de sécurité alimentaire. Ce qui se passe est une guerre contre l’existence même du peuple palestinien, dans un silence international incompréhensible."

Ce projet intervient alors que la Cisjordanie connaît une escalade sans précédent des violences menées par l’armée israélienne et les colons illégaux. Depuis octobre 2023, au moins 1 093 Palestiniens ont été tués et près de 11 000 blessés.


En juillet dernier, la Cour internationale de Justice a rendu un avis historique déclarant illégale l’occupation israélienne des territoires palestiniens et appelant à l’évacuation de toutes les colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.


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