
Une enquête de Mediapart, journal d'information numérique et indépendant, menée avec huit médias européens dans le cadre du projet "Israël Files" et publiée dimanche, met en lumière les pressions exercées par les autorités israéliennes pour préserver en France, la pénalisation des appels au boycott d’Israël, en dépit d’une jurisprudence européenne favorable aux militants du mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS).
Le contentieux français autour du boycott d’Israël ne débute pas avec l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) de juin 2020. Dès la fin des années 2000, des actions militantes ciblant la commercialisation de produits israéliens avaient lieu dans des hypermarchés, notamment dans l’est de la France.
Mediapart rappelle ainsi que, en septembre 2009 puis en mai 2010, des militants du collectif Palestine 68 avaient mené des opérations non violentes dans un hypermarché Carrefour d’Illzach (Haut-Rhin), appelant les clients à boycotter des produits israéliens à l’aide de tracts et de tee-shirts militants. Si l’enseigne avait retiré sa plainte, plusieurs organisations dont la Licra et le Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA) s’étaient constituées parties civiles.
Ces actions ont débouché sur l’affaire dite “Baldassi”, du nom de l’un des militants poursuivis. En 2015, la Cour de cassation avait confirmé la condamnation pénale de onze militants pour provocation à la discrimination, faisant de la France l’un des pays européens les plus répressifs à l’égard du mouvement BDS.
Le tournant de 2020 et l’inquiétude israélienne
Tout bascule en juin 2020, lorsque la CEDH juge que l’appel au boycott de produits israéliens relève de la liberté d’expression, tant qu’il ne s’accompagne pas d’incitation à la haine. La Cour condamne la France pour violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Pressions et relais en France
Une circulaire française au cœur des critiques
Le 20 octobre 2020, le ministère français de la Justice publie une circulaire demandant aux procureurs de continuer à poursuivre les appels au boycott lorsqu’ils peuvent être qualifiés de provocation à la discrimination, tout en tenant compte de la décision de la CEDH.
Des poursuites qui perdurent
Si les militants de l’affaire Baldassi ont été définitivement relaxés, Mediapart constate que des procédures judiciaires continuent d’être engagées contre des militants pro-palestiniens, notamment en Alsace, dans la continuité des actions menées auparavant dans des espaces commerciaux.
Le journal évoque une continuité des stratégies judiciaires, portée par certaines organisations déjà impliquées dans les poursuites antérieures.
Un débat toujours ouvert
Ni le ministère français de la Justice ni les autorités israéliennes n’ont répondu aux questions de Mediapart. Le Crif (conseil représentatif des institutions juives de France) , pour sa part, récuse toute accusation d’ingérence et affirme agir uniquement dans le cadre de la lutte contre l’antisémitisme.
L’enquête "Israël Files" relance néanmoins un débat sensible en France sur les limites de la liberté d’expression, l’indépendance de la justice et l’influence d’acteurs étrangers dans le traitement judiciaire du mouvement BDS.













