Une source judiciaire libanaise et une source proche du dossier ont annoncé à l'AFP la convocation de celui qui est soupçonné d'avoir acquis un riche patrimoine immobilier et bancaire en Europe via un montage financier complexe et un détournement massif de fonds publics libanais.
Selon la source libanaise, ce pays ne peut pas forcer le gouverneur à se rendre en France et il est toujours sous le coup d’une interdiction de voyage décidée par une juge, Ghada Aoun, qui peut toutefois être levée.
L'avocat du gouverneur de 72 ans, Me Pierre-Olivier Sur, a indiqué
"examiner la faisabilité"
de se rendre à une telle convocation, dont il confirme l'existence.
Outre la question de la
"possibilité laissée ou non à Riad Salamé de quitter"
le Liban, l'avocat conteste la régularité de la procédure, et notamment l'audition comme
de son client mi-mars au Liban alors que le code pénal français
"interdit strictement d'entendre"
sous ce statut
"une personne contre laquelle pèsent des indices graves ou concordants de participation à l'infraction"
visée.
Me Sur conteste par ailleurs en appel les importantes saisies de mars 2022 visant son client. L'audience du 4 avril a été renvoyée au 23 mai.
La mise en examen de M. Salamé serait une avancée majeure dans cette information judiciaire ouverte depuis juillet 2021 en France, parallèle à d'autres procédures européennes ou suisse.
Selon la source proche du dossier et une source judiciaire libanaise, l'Etat libanais s’est récemment constitué partie civile en France, la seconde indiquant que l'Etat
"veut ainsi se réserver le droit de récupérer d’éventuels fonds ou biens qui seraient acquis illégalement par M. Salamé pour le compte du trésor libanais, dans le cas où ils sont gelés".
Contacté, l'un des avocats du Liban en France n'a pas répondu.
Pour Me William Bourdon, avocat de l'association Sherpa et du Collectif des victimes des pratiques frauduleuses et criminelles au Liban (CPVCL), parties civiles, c'est la loi française d'août 2021 sur la restitution des biens mal acquis
"qui s'appliquera dans la mesure où un ou plusieurs fonctionnaires publics libanais seraient mis en examen".
En cas de condamnation définitive, l'avocat estime que
"les avoirs définitivement confisqués ne reviendront ainsi pas à l’Etat libanais mais financeront des projets en faveur de l’intérêt général"
dans le pays du Cèdre.
Pour Me Sur, cette récente constitution de partie civile a été
"le prétexte opportun du renvoi"
de l'audience sur les saisies du 4 avril à la cour d'appel de Paris, dont il interroge aussi la régularité. Elle doit d'après lui être formalisée au Liban par un décret gouvernemental. Si celui-ci était absent,
"nous déposerions une plainte pénale pour faux et tentative d’escroquerie à jugement"
, dit l'avocat.
Fin mars, la juge d'instruction financière Aude Buresi chargée de ce dossier a mis en examen à Paris Marwan Kheireddine, le directeur de la Banque privée al-Mawarid, pour association de malfaiteurs, notamment en vue de commettre des détournements de fonds publics par un agent public au préjudice de l'Etat du Liban, des abus de confiance aggravés, de la corruption active et passive d'agent public.
Cet homme de 55 ans, déjà entendu par les enquêteurs européens au Liban en janvier, est aussi poursuivi pour blanchiment en bande organisée.
Selon la source proche du dossier, celui qui a été ministre au début des années 2010 a été placé sous contrôle judiciaire avec un cautionnement bancaire d'un million d'euros et l'obligation de rester en France.
Son établissement est soupçonné de n'avoir pas normalement contrôlé les comptes dont M. Salamé était le bénéficiaire, en contrepartie d'avantages divers pour sa banque.
Sollicité, l'avocat de M. Kheireddine n'a pas répondu dans l'immédiat.
Pour Me Bourdon, cela souligne que
"les opérations de blanchiment du clan Salamé n'ont été possibles que par le concours de banquiers en France et ailleurs".
Le 14 juin, une personne très proche de Riad Salamé, Anna K., soupçonnée d'être l'une de ses prête-noms en France, avait été la première à être mise en cause dans ce dossier.