Gaza: "Les universitaires perdent leur crédibilité et objectivité"
10:0322/02/2024, jeudi
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Crédit Photo : SAID KHATIB / AFP / Archive
De la fumée s'échappe suite à un bombardement israélien sur Khan Younes dans le sud de la bande de Gaza.
Le fait que des universitaires et des institutions académiques condamnent le Hamas pour les attentats du 7 octobre sans réagir aux attaques israéliennes beaucoup plus destructrices pour les civiles nuit à l'objectivité et font perdre au monde universitaire sa prétention à être une autorité scientifique.
Le philosophe soudano-britannique Abdelwahab Al-Affendi, directeur de l'Institut des études supérieures de l'université de Doha, a évalué au micro d'Anadolu l'attitude des universitaires pro-israéliens qui étudient les génocides.
Affendi a déclaré qu'Israël essayait de confirmer son immunité liée à l'Holocauste contre les accusations de génocide dans le monde universitaire.
"Le traitement de l'Holocauste en tant que paradigme du génocide et événement unique et non reproductible a compliqué le champ académique (des études sur le génocide), car un paradigme ne peut pas être unique. Dans le même temps, l'appropriation de l'Holocauste par Israël a été utilisée pour confirmer l'immunité d'Israël contre les accusations de génocide et pour empêcher l'application du prisme du génocide au cas palestinien, ou, comme l'ont fait certains auteurs, pour caractériser la Nakba (Grande Catastrophe) comme un génocide à évolution lente"
, a-t-il expliqué.
Affirmant qu'il n'est pas difficile pour les universitaires de rester objectifs sur des questions sérieuses telles que le conflit israélo-palestinien et que prendre
"parti"
est une chose inévitable dans des études sur le génocide,
Affendi a souligné qu'il est impensable pour ceux qui travaillent dans ce domaine de mener des recherches qui
"soutiennent le génocide ou encouragent le négationnisme".
Il a par ailleurs souligné que les chercheurs sur le génocide dont l'objectif principal est de nier ce qui s'est passé perdent leur crédibilité et leur statut de chercheurs.
"Les atrocités et les crimes de guerre sont suffisamment graves. C'est un crime de les soutenir par la pensée et les médias, et c'est encore plus grave de voter pour leur maintien aux Nations unies. Il est également criminel de nier ou d'encourager un génocide. Surtout après que la Cour internationale de justice (CIJ) a reconnu qu'il était hautement probable qu'ils aient eu lieu",
a-t-il souligné.
Notant que certains universitaires continuent de défendre Israël tout en reconnaissant partiellement l'existence d'actes génocidaires commis par Israël à Gaza, l'académicien a déclaré que la décision de la CIJ supprimait cette excuse et donnait un sens aux
"études sur l'Holocauste et le génocide".
Affendi a rappelé qu'un grand nombre d'universitaires et de centres de recherche ont publié des communiqués de presse condamnant l'attaque du Hamas du 7 octobre comme un génocide, malgré le nombre relativement faible de victimes et le déséquilibre évident des forces en faveur d'Israël.
"(Les mêmes personnes et organisations) sont restées silencieuses sur l'attaque plus importante et bien plus dévastatrice d'Israël contre les civils. Ainsi, la communauté universitaire a perdu sa prétention à être l'autorité scientifique et l'arbitre de tels différends, plutôt que de faire partie de la machine de propagande de l'un ou l'autre camp",
a-t-il indiqué avant de poursuivre:
"Le point principal du débat est de savoir s'il faut approuver ou rejeter les actions génocidaires d'Israël à Gaza. Les deux parties s'accordent à dire que les attaques aveugles contre les civils, la destruction des infrastructures, des installations médicales, des moyens de subsistance et le blocage de l'aide constituent au minimum des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité. La plupart s'accordent à dire qu'elles relèvent de la convention sur le génocide. Les universitaires et les propagandistes pro-israéliens soutiennent cependant qu'il ne s'agit que de dommages collatéraux dans une guerre juste et qu'ils ne peuvent donc pas être considérés comme un génocide".
"Si une série d'actes se rapproche suffisamment d'un génocide pour susciter un débat sur la question de savoir s'il s'agit ou non d'un génocide, alors c'est déjà assez grave pour être condamné sans "si" ou "mais"
a rappelé avoir écrit Affendi dans un article publié dans le Journal of Genocide Research (JGR) avant de conclure :
"Je pense que la recherche sur les génocides perd toute raison d'être et tout son sens lorsque les soi-disant grandes démocraties ne se contentent pas d'être de connivence et de nier les atrocités, mais participent en fait à des meurtres et à des massacres".
Le JGR organise depuis le mois dernier une conférence intitulée
"Israël-Palestine: Atrocity Crimes and the Holocaust Crisis and Genocide Studies"
, est un bon début pour rétablir la raison et l'autorité dans le domaine universitaire et pour le libérer du labyrinthe de la propagande et de l'esprit partisan. Cette tendance doit se poursuivre.