Célébrée pendant des siècles par les poètes de toute l'Asie du Sud, langue nationale du Pakistan voisin, le ourdou fait partie intégrante de la culture riche et tourmentée de l'Inde.
Mais depuis l'indépendance du géant à majorité hindoue (1947), sa littérature n'a pas résisté longtemps au raz-de-marée du hindi.
Les conversations enflammées qui agitaient les librairies du quartier ont désormais laissé la place à l'odeur entêtante des kebabs. Seule une poignée de librairies ont réussi à survivre.
Protégé par la Constitution, le ourdou n'est plus aujourd'hui parlé en Inde que par 50 millions d'habitants du pays le plus peuple de la planète. Mais pendant des siècles, il fut l'un des langages privilégiés des maîtres du pays.
La librairie Maktaba Jamia a vendu ses premiers livres il y a un siècle. Mohammed Mahfooz Alam en a pris la destinée en main il y a quelques mois, par amour de la langue.
Ses prédécesseurs se sont installés à "Old Delhi" dans les années 1920, proposant aussi bien des ouvrages en ourdou qu'en arabe ou en perse.
Mais dès les années 1980, ils ont vu éclore autour d'eux les premiers restaurants de fast-food, bien plus lucratifs, et ont commencé à fermer leurs portes. Plus d'une douzaine ont définitivement tiré leur rideau de fer depuis.
Et à partir de 2014, le ourdou s'est retrouvé dans la ligne de mire du parti et du gouvernement ultranationalistes hindous du Premier ministre Narendra Modi, rapidement considérée comme une langue de la minorité musulmane.
Tout à leur oeuvre de réécriture de l'histoire indienne dans un sens exclusivement hindou, les partisans du Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP) se sont largement mobilisés contre l'utilisation de l'ourdou.
Déterminé à enrayer son déclin, Sikander Mirza Changezi, dont la librairie abrite des milliers d'ouvrages et quelques rares manuscrits, multiplie initiatives et promotions.