Rwanda: l'opposant Frank Habineza prêt à une présidentielle "déséquilibrée"

11:098/03/2024, vendredi
AFP
Le président du Parti démocratique vert du Rwanda et chef de file de l'opposition, Frank Habineza.
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Le président du Parti démocratique vert du Rwanda et chef de file de l'opposition, Frank Habineza.

Chef du seul parti autorisé critique du pouvoir au Rwanda, Frank Habineza se présente pour la deuxième fois à l'élection présidentielle en juillet, candidat minoritaire d'un scrutin qu'il sait "déséquilibré" face au tout-puissant président Paul Kagame, affirme-t-il dans un entretien.

Durant son parcours d'opposant entamé en 2009 après son départ du Front patriotique rwandais (FPR), cet homme politique de 47 ans a été menacé, emprisonné, contraint à l'exil puis est revenu en 2012 dans ce petit pays d'Afrique de l'Est
"pour (se) confronter au pire".

"Vous ne pouvez rien changer en restant assis à faire de la politique de salon",
affirme celui qui a réuni 0,45% des voix en 2017.
"Vous devez être à l'intérieur du système, combattre le système"
.

Le Rwanda tient le 15 juillet ses élections présidentielle et parlementaires, dont tout le monde attend qu'elles prolongent la mainmise de Paul Kagame sur le pays.

Cet ancien chef rebelle durant le génocide des Tutsi est devenu président en avril 2000, mais il est de fait l'homme fort du pays depuis la fin des massacres de 1994.


Le dirigeant aujourd'hui âgé de 66 ans a été réélu en 2003, 2010 et 2017, à chaque fois avec plus de 90% des voix. Son score a culminé à 98,63% il y a sept ans, lors d'un scrutin entaché, selon des organisations de défense des droits humains, d'irrégularités et d'opérations d'intimidation d'électeurs.

Seul candidat déclaré pour l'instant avec le président sortant, Frank Habineza sait que les conditions de l'élection ne seront pas
"équitables".

La course est
"déséquilibrée pour nous"
, estime-t-il, dénonçant notamment l'hégémonie du FPR sur la commission électorale.

"Représailles"


Le Parti démocratique vert a reçu l'agrément des autorités avant les législatives de 2013, et obtenu deux sièges au Parlement en 2018.


Bien que critique du pouvoir, il est parfois décrié comme une caution d'opposition, inoffensive pour le régime de Kigali.

"Nous nous sommes battus pour ce que nous avons"
, se défend Frank Habineza, soulignant que certains membres du parti
"vivent toujours en exil".

"Nous nous sommes opposés au changement de la constitution"
passé en 2015 permettant à Paul Kagame de potentiellement rester au pouvoir jusqu'en 2034, ajoute-t-il.

L'une des plus virulentes opposantes, Victoire Ingabire, qui dirige le mouvement non autorisé Dalfa Umurunzi (Développement et Liberté pour Tous), a annoncé sa volonté de se présenter. Mais elle n'en a théoriquement pas le droit en raison de condamnations antérieures.


Arrêtée en 2010 alors qu'elle voulait se présenter contre Paul Kagame, elle a été condamnée en 2013 à 15 ans de prison pour
"conspiration contre les autorités"
et
"minimisation du génocide de 1994"
visant les Tutsis, qui a fait 800.000 morts. Après huit ans de prison, le reste de sa peine avait été commué.

La Cour suprême rwandaise doit se prononcer le 13 mars sur la possibilité légale d'une candidature.


Le Rwanda se présente comme l'un des pays les plus stables de la région, avec une économie qualifiée de
"Singapour de l'Afrique".

Mais la répression de l'opposition et de la liberté d'expression sont fréquentes dans ce pays de 13 millions d'habitants, estime Frank Habineza:
"Les gens ne sont pas libres de s'exprimer comme ils le souhaiteraient parce qu'ils craignent des représailles."

"Pour le bien de la démocratie"


Frank Habineza a quitté en 2009 le FPR et créé le Parti vert démocratique pour introduire
"une véritable et authentique opposition politique"
selon le site internet de la formation.

Avant la présidentielle de 2010, le corps du vice-président du parti André Rwisereka avait été retrouvé quasi-décapité. Cette mort reste non élucidée alors que Kigali a toujours démenti toute implication.

Frank Habineza fuit en Suède un mois plus tard, avant de revenir au Rwanda en 2012
"pour le bien de la démocratie",
laissant femmes et enfants en Scandinavie.
"J'ai décidé de revenir simplement pour me confronter au pire"
, raconte-t-il.

Dans son programme, Frank Habineza entend promouvoir les droits humains et la liberté d'expression. Il ajoute:


Nous avons encore des problèmes en matière de réduction de la pauvreté. Beaucoup de gens n'ont pas d'emploi et n'ont rien à manger.

Dans un contexte de très vives tensions avec la République démocratique du Congo, qui, comme l'ONU et plusieurs pays occidentaux, accuse Kigali de soutenir des groupes rebelles sur son sol, il dit vouloir
"favoriser des relations bonnes et durables avec nos pays voisins immédiats".

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