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L'Allemagne demande "pardon" pour les massacres en Tanzanie à l'époque coloniale

L'Allemagne a demandé "pardon" mercredi pour les exactions commises par ses forces coloniales en Tanzanie, poursuivant un travail de mémoire sur cette période sombre de son histoire longtemps occultée par les guerres mondiales et la Shoah.

La rédaction
16:13 - 1/11/2023 mercredi
MAJ: 18:36 - 1/11/2023 mercredi
AFP
Le président d'Allemagne, Frank-Walter Steinmeier. Crédit photo: ODD ANDERSEN / AFP
Le président d'Allemagne, Frank-Walter Steinmeier. Crédit photo: ODD ANDERSEN / AFP

Ce mea-culpa, intervenu lors de la visite du président allemand en Tanzanie, est concomitant à la condamnation par le roi Charles III des abus coloniaux au Kenya de son pays, le Royaume-Uni.


À Songea (sud du pays), lieu d'un massacre de Maji-Maji (Maï-Maï) au début du XXe siècle, le chef de l'État allemand Frank-Walter Steinmeier a déclaré
"s'incliner devant les victimes de la domination coloniale allemande",
dans un discours prononcé sur place.

"En tant que président allemand, je voudrais demander pardon pour ce que les Allemands ont fait subir ici à vos ancêtres"
, a ajouté le président, dont la fonction est essentiellement honorifique en Allemagne mais qui a un rôle de caution morale du pays. 

Massacre


Entre 1905 et 1907, les troupes coloniales allemandes ont massacré entre 200.000 et 300.000 représentants des Maji-Maji après un soulèvement de ces derniers, selon des estimations fournies par les historiens.

Lors de sa visite, Steinmeier a rencontré les descendants du chef Songea Mbano, un chef de la rébellion à l'époque, pendu et décapité par les Allemands avec 66 de ses combattants.


Ses descendants sont toujours à la recherche du crâne de ce chef, très probablement transporté ensuite en Allemagne dans un musée ou une collection ethnologique, comme de nombreux ossements d'Africains à l'époque coloniale.


"Je vous promets que nous nous efforcerons de le retrouver en Allemagne. Mais je ne vous promets pas de réussir"
, a dit Steinmeier, soulignant la difficulté du travail d'identification des ossements.

Interrogé au téléphone par l'AFP, John Mbano, avocat de 36 ans vivant à Songea, a salué le discours du président. 


"Nous avons pleuré pendant des années. Maintenant il est tant d'arrêter de pleurer et d'ouvrir un nouveau chapitre de bonne relation entre la Tanzanie et l'Allemagne"
, a dit John Mbano, après avoir rencontré Steinmeier avec d'autres membres de sa famille, dont son frère Michael Mbano, maire de Songea.

Dans son discours, Steinmeier s'est adressé personnellement aux descendants, disant avoir
"honte de ce que les soldats coloniaux allemands ont fait subir".

Il a rendu hommage au
"courageux"
chef Songea Mbano qui a refusé de trahir son peuple: les colons allemands lui avait proposé de le laisser en vie à condition qu'il les serve. 

Le président allemand s'est également engagé à un meilleur travail de mémoire dans son pays sur la période coloniale: dans les écoles notamment, elle est longtemps passée au second plan en raison de l'étude très poussée de la dictature du IIIème Reich et des horreurs commises à l'époque.


"Quiconque en Allemagne en sait plus sur l'histoire coloniale allemande doit être horrifié par l'ampleur de la cruauté"
avec laquelle elle a agi, a dit Steinmeier.

L'empire colonial allemand, plus petit que ceux des Français ou des Britanniques, s'étendait sur plusieurs pays africains, dont le Burundi, le Rwanda, la Tanzanie, la Namibie et le Cameroun. Il a cessé d'exister après la défaite allemande lors de la Première Guerre mondiale.


Namibie


Au cours des deux dernières décennies, l'Allemagne a néanmoins entamé un travail de mémoire, qui l'a conduit à procéder à des restitutions.


Elle a notamment rendu des ossements de membres des tribus Herero et Nama en Namibie, colonisée de 1884 à 1915, où Berlin a reconnu en mai 2021 avoir commis un
"génocide".

Steinmeier a déclaré:


Nous (...) devons faire face à cette histoire afin de pouvoir construire ensemble un avenir meilleur.

"C'est aussi pour cela que je suis venu ici à Songea: pour emporter ces histoires avec moi en Allemagne, afin que davantage de personnes dans mon pays en prennent connaissance. Ce qui s'est passé ici est notre histoire partagée - l'histoire de vos ancêtres et l'histoire de nos ancêtres en Allemagne",
a ajouté le chef de l'État. 

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