Londres et Paris se considèrent toujours comme des partenaires stratégiques malgré AUKUS

15:5924/03/2023, Cuma
MAJ: 24/03/2023, Cuma
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Le président américain Joe Biden (D) rencontre le Premier ministre australien Anthony Albanese (G) lors du sommet AUKUS. Crédit Photo: Jim WATSON / AFP
Le président américain Joe Biden (D) rencontre le Premier ministre australien Anthony Albanese (G) lors du sommet AUKUS. Crédit Photo: Jim WATSON / AFP

Malgré la conclusion du traité de sécurité trilatéral AUKUS, Traité qui avait suscité l’ire de la France lors de son annonce en 2021, Londres et Paris se considèrent toujours comme des partenaires stratégiques clés, selon une experte en relations internationales.

La sécurité, la défense et le soutien à l'Ukraine, ainsi que les flux de migrants traversant la Manche, étaient des questions prioritaires pour le Royaume-Uni et la France avant qu'ils ne se retrouvent le 10 mars, dans le cadre de leur premier sommet bilatéral depuis 2018.


Le très bref sommet de Paris a retenu l'attention du monde entier, alors que les liens entre les deux partenaires stratégiques traversaient une période difficile après le Brexit et surtout après l'annonce du pacte AUKUS (acronyme de l'anglais Australia, United Kingdom et United States) entre l'Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis, qui a coûté à la France un contrat de vente de sous-marins d'une valeur de plusieurs milliards de dollars.


Les migrants traversant la Manche à bord de petites embarcations constituaient un autre point fort des discussions entre le premier ministre britannique Rishi Sunak et le président français Emmanuel Macron, la migration devenant de temps à autre
"un exercice de renvoi des responsabilités"
entre les deux pays.

Amelia Hadfield, directrice du département de Sciences politiques de l'université du Surrey, a toutefois déclaré à Anadolu Ajansi qu'elle pensait que le rétablissement des traités de Lancaster House était une avancée considérable et un important résultat de ce sommet.


Les traités de Lancaster House sont deux traités sur la coopération en matière de défense et de sécurité, signés en 2010 par le premier ministre britannique de l'époque, David Cameron, et l'ancien président français, Nicolas Sarkozy.


Les deux parties ont réussi à atteindre la majorité de leurs objectifs au cours du sommet, car
"ils étaient très clairs sur ce dont ils souhaitaient discuter",
a ajouté Hadfield, experte en affaires européennes et internationales.

Evoquant l'impact d'AUKUS sur leurs relations, Amelia Hadfield a déclaré que la France a réagi avec colère lorsque la nouvelle a été annoncée, car il s'agit d'un accord qui ne l'inclut pas dans la région indo-pacifique, où la France
"a toujours le sentiment d'avoir un ancrage légitime".

"Macron et Sunak se sont heureusement mis d'accord sur un volume d'activités navales dans la région indo-pacifique, de sorte que chaque partie considère toujours l'autre comme un partenaire stratégique essentiel",
a-t-elle ajouté.

Et d’expliquer:
"Mais AUKUS est un projet de défense et un contrat qui aura probablement un impact réel sur la configuration de la sécurité dans l'Indo-Pacifique entre l'Australie d'une part et le Royaume-Uni et les États-Unis de l'autre".

Nouveau départ ?


Au cours de leurs entretiens, les deux dirigeants ont mis l'accent sur
"un nouveau départ"
dans leurs relations, tout en soulignant les nombreux liens qui les unissent.

En ce qui concerne la date du sommet, Hadfield a souligné l'événement organisé en octobre dernier à Prague par la Communauté politique européenne (CPE - instance informelle de coopération intergouvernementale, lancée à l'initiative d'Emmanuel Macron durant la présidence française du Conseil de l'Union européenne en 2022), ainsi que l'accord de Windsor, un accord conclu le mois dernier entre l'UE et le Royaume-Uni, qui remplace le protocole relatif à l'Irlande du Nord.


Elle a indiqué que la date du sommet était
"probablement inscrite dans l'agenda"
de la CPE, qu'elle a qualifiée de
"succès"
pour amorcer de meilleures relations avec Emmanuel Macron.

"Le résultat a été très bien programmé, une quinzaine de jours avant le sommet"
, a déclaré Hadfield, se référant à l'accord de Windsor qui a couronné de succès
"des préparatifs patients qui se sont déroulés en décembre, janvier et février".

L'accord de Windsor vise à maintenir l'Irlande du Nord dans le giron des règles commerciales de l'UE, tout en réduisant les inspections de certaines marchandises traversant la mer d'Irlande en provenance du reste du Royaume-Uni et les séparer des marchandises risquant d'entrer dans le marché commun de l'UE.


Elle a ajouté que le sommet avait été globalement une réussite pour les deux pays, qui ont réussi à surmonter la plupart des différends bilatéraux.

Expliquant comment la CPE a ouvert la voie au rétablissement des liens, Hadfield a précisé qu'il s'agissait de la première occasion pour le Royaume-Uni
"d'être réhabilité"
sur le plan politique après le Brexit.

Et d'ajouter:
"A cause de la COVID, en fait, beaucoup d'occasions ont été manquées pour se rencontrer face à face. Je pense que les relations étaient si tendues, si toxiques sous l'ancien premier ministre britannique Boris Johnson, qui n'a pas engagé la moindre initiative diplomatique. Truss
(L’ex-Première ministre britannique Liz),
a elle-même littéralement mis les pieds dans le plat en qualifiant Macron d''ennemi potentiel', ce qui en soit est une déclaration ridicule".

Amelia Hadfield estime que le Royaume-Uni commençait à retrouver ses marques et qu'il s'efforcerait probablement d'établir de meilleures relations, bien qu'il ne s'agisse pas d'un chemin vers le cœur de Bruxelles, notant que:
"Cela n'arrivera pas parce que le désengagement a eu lieu à presque tous les niveaux, y compris sur le plan diplomatique".

De son côté, Emmanuel Macron a affiché sa volonté de
"remettre à plat les relations avec le Royaume-Uni"
, faisant de ces deux pays de très bons partenaires bilatéraux, a-t-elle noté, ajoutant que le président français avait soigneusement cherché à rééquilibrer la position du Royaume-Uni, sans provoquer le courroux des tenants de la ligne dure du Brexit dans ce pays.

Traversée de la Manche par les embarcations de migrants


La traversée de la Manche par des petites embarcations est un sujet brûlant pour les britanniques, les données officielles indiquant que plus de 44 000 migrants sont arrivés au Royaume-Uni l'année dernière en traversant la Manche.


Au cours du sommet, Sunak a déclaré que le Royaume-Uni contribuerait à hauteur de 480 millions de livres sterling (près de 580 millions de dollars) sur une période de trois ans, en partenariat avec la France, pour aider à lutter contre les traversées illégales de la Manche par les migrants.


À ce sujet, Amelia Hadfield a déclaré que les relations entre le Royaume-Uni et la France s'étaient détériorées en partie à cause de ces traversées de la Manche, Londres reprochant à Paris l'augmentation du nombre de petites embarcations illégales.


"Il est certain que le Royaume-Uni semble avoir débloqué beaucoup d'argent pour s'attaquer au problème de la traversée de la Manche. C'est un montant qui n'a pas vraiment été évoqué dans la presse parce qu'il est beaucoup plus élevé que ce qui avait été annoncé au départ"
, a-t-elle fait remarquer.

Et Hadfield de souligner que les deux pays doivent travailler ensemble dans le cadre de plateformes plus larges, telles que le G-7, le G-10, l'UE ou l'ONU, pour résoudre ce problème, car les causes profondes de ce
"problème épineux"
sont mondiales.

Soutien à l'Ukraine


La guerre que la Russie mène actuellement contre l'Ukraine a été un autre point important à l'ordre du jour des discussions entre les deux dirigeants, qui ont réaffirmé leur soutien indéfectible à Kiev.


Au cours de leurs entretiens, Rishi Sunak a annoncé que la France et le Royaume-Uni avaient accepté de former les soldats ukrainiens, afin d'aider l'Ukraine à avoir
"un avantage décisif sur le champ de bataille"
et à
"gagner cette guerre".

Le Royaume-Uni et la France partagent un
"lien particulier et une responsabilité commune"
lorsque la sécurité de l'Europe est menacée, a-t-il souligné, ajoutant que les deux pays seront toujours à l'avant-garde de la défense de l'Europe.

Hadfield a également souligné l'importance des développements concernant le soutien à l'Ukraine, en mentionnant l'importance du renouvellement des traités de Lancaster House.


"Il s'agit d'une étape importante, car elle a débouché sur des accords de coopération dans le domaine du nucléaire civil, qui n'ont pas vraiment fait la une des journaux, mais aussi sur la capacité de moderniser et de rendre opérationnelle leurs forces armées et de former ensemble les forces armées ukrainiennes"
, a-t-elle déclaré, ajoutant que
"rien ne pouvait être plus important à l'heure actuelle".

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