L'IA pour faire la chasse aux fuites de méthane, ennemies du climat

11:298/04/2024, lundi
AFP
"Ici, un panache de méthane suit un pipeline au Mexique", explique un représentant de Kayrros, à Paris, utilisant des satellites et l'IA pour détecter ces fuites de gaz à effet de serre fossile.
Crédit Photo : X /
"Ici, un panache de méthane suit un pipeline au Mexique", explique un représentant de Kayrros, à Paris, utilisant des satellites et l'IA pour détecter ces fuites de gaz à effet de serre fossile.

"Là, c'est un panache de méthane, on peut voir qu'il suit le tracé d'un pipeline au Mexique" : à Paris, la société d'ingénierie environnementale Kayrros utilise des satellites combinés à l'intelligence artificielle pour détecter avec précision les fuites de méthane, un puissant gaz à effet de serre issu des énergies fossiles.

Inodores et invisibles dans l'air, ces panaches gazeux apparaissent sur les cartes de l'entreprise sous la forme de nuées colorées, après traitement des images satellite.


Depuis 2019, Kayrros a détecté environ 10.000 événements de concentrations de méthane dans le monde, des Etats-Unis à l'Inde, en passant par le Turkménistan et l'Algérie, à la suite de mauvaises pratiques ou d'incidents mal gérés dans des infrastructures de l'industrie fossile.

De telles fuites peuvent survenir quand
"il y a des problèmes de pression dans un gazoduc"
et que des vannes sont ouvertes
"pour éviter des risques d'explosion"
, explique Alexis Groshenry, chercheur
"data scientist"
chez Kayrros.

D'une durée de vie plus courte, mais au pouvoir bien plus réchauffant que le CO2, le méthane est responsable d'environ 30% du réchauffement planétaire depuis la révolution industrielle.

Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), environ 40% des émissions de méthane liées à la production d'énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) pourraient être évitées, pour un coût quasi nul. Encore faut-il les repérer et les quantifier correctement.


Dans ses locaux discrets, Kayrros a recours à neuf satellites opérés par des agences spatiales gouvernementales ou publiques comme l'ESA et la Nasa, qui envoient leurs images de la Terre à des fréquences variables quelques fois par semaine ou toutes les 15 minutes, avec des résolutions plus ou moins grandes selon les modèles.

"On essaie de travailler avec toutes les sources disponibles, pour vraiment essayer de densifier"
la surveillance, souligne Alexis Groshenry.

Le revers pour les
"matheux"
de la greentech, c'est qu'il y a
"une quantité de données absolument gigantesques à traiter et on ne peut simplement pas regarder toutes les images",
souligne-t-il.

C'est là que l'intelligence artificielle entre en scène.


Super-entraînement


"Pour traiter ces quantités de données, on développe des modèles d'intelligence artificielle, de deep learning, qu'on va entraîner pour qu'ils arrivent à faire cette tâche de détection"
automatiquement.

Catégorie d'IA développée depuis plus longtemps que l'IA générative du type
"ChatGPT"
, le deep learning est une méthode de super-calculs qui s'attache à entraîner des réseaux de
"neurones profonds".

Le modèle de détection doit donc apprendre des
"milliards de données"
pour se former à reconnaître tout l'éventail de panaches de méthane, même les minimes ou les plus difficiles à voir, en raison par exemple d'une faible luminosité ou d'une couverture nuageuse partielle.

"Pour bien entraîner un modèle de détection, on va générer grâce à des algorithmes de simulation une quantité de données, qui sont fictives mais qui sont physiquement plausibles"
, souligne le data scientist. Le modèle est ensuite validé après avoir été testé sur de vraies données de fuites de méthane.

La société mise aussi sur les dernières avancées de l'IA générative pour restituer des analyses à partir de questions simples.


Grâce aux nombreuses informations accumulées sur les infrastructures d'hydrocarbures dans une base de données,
"on va questionner l'IA générative pour savoir par exemple quelle est la compagnie qui a émis le plus de méthane la semaine dernière, faire des comparaisons ou attribuer telle fuite à telle infrastructure",
explique Antoine Rostand, président-fondateur de Kayrros.

Kayrros fournit ses données auprès des organisations internationales comme l'ONU, la Commission européenne, des pays (France, Etats-Unis, Arabie Saoudite), des acteurs de l'énergie mais aussi des gestionnaires de fonds qui veulent évaluer le risque climatique de leurs investissements.

Fondée en 2016, la société est née d'un
"constat d'échec collectif"
pour enrayer le changement climatique.

L'AIE, dont les estimations sur le méthane dépassent de 50% celles des Nations unies, se félicite ainsi de pouvoir compter sur
"un nombre croissant de satellites de pointe surveillant les fuites de méthane, comme le MethaneSAT",
un satellite dopé à l'IA de Google et lancé en mars.

Ce qui va permettre à l'AIE de vérifier les multiples engagements récents d'entreprises pétrogazières de réduire leurs émissions de méthane à quasiment zéro.


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