Yémen: qui contrôle quelles régions ?

La rédaction avec
10:1118/12/2025, jeudi
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Des Yéménites membres des tribus Sabahiha de Lahj, qui vivent le long de la bande entre le sud et le nord du pays et qui soutiennent le Conseil de transition du Sud (CTS) soutenu par les Émirats arabes unis, le 14 décembre 2025.
Crédit Photo : SALEH AL-OBEIDI / AFP
Des Yéménites membres des tribus Sabahiha de Lahj, qui vivent le long de la bande entre le sud et le nord du pays et qui soutiennent le Conseil de transition du Sud (CTS) soutenu par les Émirats arabes unis, le 14 décembre 2025.

Le conflit yéménite connaît une étape décisive, marquée par le renforcement de l’emprise territoriale des différents acteurs armés sur des zones distinctes du pays. Cette dynamique alimente les inquiétudes quant à une fragmentation politique accrue et à une partition de fait du Yémen, selon plusieurs analystes.

Cette évolution survient dans un contexte où le Conseil de transition du Sud (CTS) a intensifié et consolidé ses opérations militaires dans le sud et l’est du pays, lançant récemment une nouvelle offensive dans la province d’Abyan.


Bien que le Yémen ait été unifié en 1990, le sud du pays a toujours été traversé par des tensions politiques persistantes, ravivant les aspirations séparatistes, particulièrement depuis le début de la guerre civile en 2014.


Aujourd’hui, le pays est de facto administré par plusieurs autorités concurrentes : les rebelles houthis, le Conseil de direction présidentiel (PLC) reconnu par la communauté internationale, le CTS, ainsi que les forces de la Résistance nationale.


D’après les estimations du média Independent Arabia, corroborées par des chercheurs cités par Anadolu, le partage territorial se répartit comme suit : 52 % sous contrôle du CTS, 33 % aux mains des Houthis, 10 % pour le gouvernement reconnu, et 5 % pour les forces dirigées par Tareq Saleh.


Cartographie des forces en présence


Le CTS : domination du Sud et de l’Est (52 %)

Principale entité séparatiste, le CTS affirme contrôler la quasi-totalité des gouvernorats du sud et de l’est. Récemment, il a étendu son influence à des zones stratégiques telles que l’Hadramaout et Al-Mahra, lui permettant d’accéder à des ressources pétrolières majeures, à des infrastructures énergétiques clés, à un littoral stratégique et à la ville de Seiyun.


Selon Gamal Gasim, professeur associé de sciences politiques à la Grand Valley State University, cette expansion vise à consolider l’autorité militaire et politique du CTS sur l’essentiel du sud du pays. Pour la chercheuse Maysaa Shuja al-Deen, cette avancée territoriale rapproche désormais le CTS des frontières de l’ex-Yémen du Sud d’avant 1990, couvrant près des deux tiers de la superficie nationale.


Sur le terrain, les villes côtières de l’Hadramaout, dont Mukalla et le port historique d’Ash Shihr, sont sous le contrôle des Forces d’élite locales, alliées au CTS.


Les Houthis : contrôle du nord et poids démographique (33 %)

Si le CTS domine par l’étendue territoriale, les Houthis conservent la mainmise sur le cœur démographique du pays. Leur zone d’influence, estimée à 33 % du territoire, englobe la capitale Sanaa, des provinces densément peuplées comme Ibb et Dhamar, ainsi qu’une large partie d’Al-Hudaydah, sur la côte de la mer Rouge.


Bien que plus limitée géographiquement, cette région concentre la majorité de la population yéménite, ainsi que les principales institutions étatiques et économiques.


Le PLC et ses alliés : un contrôle restreint (10 %)

Le gouvernement yéménite reconnu internationalement, désormais structuré autour du Conseil de direction présidentiel, exerce une autorité fragmentée sur environ 10 % du territoire. Ses zones d’influence comprennent notamment une province stratégique riche en pétrole et en gaz dans le nord-est, ainsi que certaines parties du sud-ouest.


Marib, importante région énergétique, et de larges secteurs de Taïz demeurent sous le contrôle de forces opposées aux Houthis, soutenues par le parti Al-Islah, précise Gamal Gasim. Créé en 2022 et dirigé par Rashad al-Alimi, le PLC s’appuie sur des forces alliées dont l’influence reste localisée.


Les forces de Tareq Saleh : la façade maritime occidentale (5 %)

À l’ouest du pays, Tareq Saleh dirige des forces qui contrôlent plusieurs segments du littoral de la mer Rouge, notamment au sud d’Al-Hudaydah et autour du port stratégique de Mokha.


Malgré leur superficie limitée, ces zones revêtent une importance stratégique majeure en raison de leur proximité avec le détroit de Bab el-Mandeb, axe vital du commerce maritime international. Ces forces, connues sous le nom de Résistance nationale yéménite, sont officiellement alignées avec la coalition anti-houthie et contrôlent environ 5 % du territoire.


Vers une fragmentation accrue ?


Pour de nombreux experts, la situation actuelle marque un tournant décisif dans le conflit. Selon Maysaa Shuja al-Deen, ces évolutions pourraient profondément redéfinir les équilibres internes et régionaux, voire entraîner une recomposition des alliances.


Le Yémen connaît déjà l’existence de près de quatre autorités politiques de facto, une réalité qui accentue la fracture institutionnelle du pays, souligne Gamal Gasim. Toute tentative de partition formelle, notamment dans le sud, risquerait selon lui d’aggraver les crises sécuritaires et humanitaires, avec des répercussions potentielles sur la stabilité politique et économique de l’ensemble de la région.


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