Niger: les forces américaines perdent une position stratégique en Afrique

13:0316/05/2024, jeudi
MAJ: 16/05/2024, jeudi
AFP
Un homme tient un drapeau du Niger alors que des manifestants se rassemblent lors d'une manifestation pour le départ immédiat des soldats de l'armée américaine déployés dans le nord du Niger à Niamey, le 13 avril 2024.
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Un homme tient un drapeau du Niger alors que des manifestants se rassemblent lors d'une manifestation pour le départ immédiat des soldats de l'armée américaine déployés dans le nord du Niger à Niamey, le 13 avril 2024.

Avec l'envoi d'une délégation américaine à Niamey pour discuter des modalités de retrait des troupes du sol nigérien, une exigence du régime militaire arrivé au pouvoir en juillet, les États-Unis s'apprêtent à abandonner une position stratégique au Sahel, où la Russie et l'Iran gagnent du terrain en coopération.

Les autorités nigériennes avaient dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les États-Unis, estimant que la présence des soldats américains déployés dans le cadre de la lutte antiterroriste était désormais
"illégale".

Position stratégique


La base aérienne 201, située en périphérie d'Agadez dans le nord du Niger, permettait depuis 2019 aux drones et aéronefs américains de mener des missions de surveillance dans une vaste région aux frontières poreuses où prolifèrent les groupes armés, notamment terroristes, ainsi que les trafics d'armes, de drogue et d'êtres humains.


Les drones Reaper en service dans l'armée américaine pouvaient ainsi survoler le territoire du Niger jusqu'aux confins de la Libye, du Tchad, du Nigeria, et du Mali, des pays qui disposent de capacités de surveillance aérienne limitées.

Avancée russe et iranienne


Les militaires au pouvoir à Niamey ont exigé le départ des forces américaines après que des responsables de Washington ont exprimé leur préoccupation concernant "
les relations potentielles du Niger avec la Russie et l'Iran".

Après le Mali et le Burkina Faso, le Niger est le troisième pays du Sahel à connaître un coup d'État et à rompre ses partenariats avec des pays occidentaux pour se tourner vers la Russie.

Le sort des réserves d'uranium du Niger, 7ème pays producteur mondial, inquiète les officiels américains. L'Iran a fortement augmenté ces derniers mois son stock d'uranium enrichi selon l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et multiplie les signes de rapprochement avec les autorités nigériennes depuis le coup d'État du 26 juillet 2023.


Le Premier ministre nigérien Ali Mahaman Lamine Zeine a toutefois assuré mardi dans une interview au Washington Post que
"rien"
n'avait été signé avec l'Iran concernant l'uranium.

Effectifs limités


Le nombre de soldats américains déployés au Niger était estimé fin 2023 à 650, auxquels s'ajoutent quelque centaines de contractuels.


Une partie de ces soldats est stationnée dans la base aérienne d'Agadez, une autre à l'intérieur de la base aérienne 101 des forces armées nigériennes, située dans la capitale Niamey, aux côtés d'autres contingents étrangers.


Lutte antiterroriste


Les militaires étaient principalement déployés au Niger ainsi qu'au Tchad voisin dans le cadre de la lutte anti-terroriste, mais toute coopération militaire avait été suspendue au Niger dans la foulée du coup d'État.


Des forces spéciales américaines intervenaient discrètement aux côtés de l'armée nigérienne contre les groupes terroristes avant le coup d'État de juillet.


Le 4 octobre 2017, quatre soldats américains et cinq militaires nigériens avaient été tués dans une embuscade du groupe État islamique (EI) à Tongo Tongo, un village de la région de Tillabéri dans la zone des "trois frontières", et à une vingtaine de kilomètres de la frontière avec le Mali.

Les drones américains appuyaient également l'armée nigérienne contre les groupes terroristes de Boko Haram et de Daesh en Afrique de l'ouest dans le sud-est proche du Nigeria.


Les États-Unis menaient également des opérations de renseignement, de surveillance et de reconnaissance, qui avaient repris en septembre 2023 mais uniquement à des fins de
"protection des forces"
américaines, selon le Département de la Défense (DOD).

Matériel et formation


Les États-Unis fournissent du matériel militaire au Niger depuis 1962, au lendemain de l'indépendance de cette ancienne colonie française.


Véhicules blindés, avions de surveillance et de transport militaire, centre de communication et de transmissions... Ces livraisons avaient augmenté dans le cadre de la lutte contre les terroristes.

L'armée nigérienne et ses officiers ont également accès depuis 1980 au programme International Military Education and Training (IMET) qui permet le financement des études et la formation de militaires étrangers, y compris dans les centres et académies aux États-Unis.


Présence militaire impopulaire


L'opinion nigérienne est depuis longtemps hostile à la présence de forces étrangères sur son territoire. En 2022, environ deux tiers des Nigériens n'étaient
"pas d'accord que le gouvernement ait recours aux forces militaires étrangères pour sécuriser le pays",
selon un sondage Afrobarometer.

Le départ des forces françaises en décembre avait suscité peu de controverses dans ce pays où les groupes armés continuent de perpétrer des attaques malgré l'engagement des partenaires occidentaux.

En matière de sécurité,
"la région d'Agadez ne trouve aucune utilité à la présence des Américains",
affirme Amodi Arrandishou, président d'une plateforme d'organisations de la société civile à Agadez.

"Les Américains sont restés sur notre sol, sans rien faire quand les terroristes tuaient nos populations et brûlaient des communes",
a renchéri mardi le Premier ministre Zeine.

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