Italie: le gouvernement Meloni enterre le salaire minimum

17:276/12/2023, Çarşamba
MAJ: 6/12/2023, Çarşamba
AFP
La Première ministre italienne, Giorgia Meloni.
Crédit Photo : FILIPPO MONTEFORTE / AFP
La Première ministre italienne, Giorgia Meloni.

L'Italie continue de résister à l'introduction d'un salaire minimum: les députés de la majorité de droite et d'extrême droite ont enterré mercredi une proposition de loi de l'opposition de centre gauche prévoyant un seuil de 9 euros brut de l'heure.

Les députés ont voté à la place un projet de loi accordant au gouvernement Meloni six mois pour prendre des mesures visant à rendre les rétributions des salariés plus
"équitables"
en Italie.

La Chambre des députés a adopté le texte par 153 voix pour, 118 voix contre et trois abstentions, sous les huées des représentants de l'opposition qui criaient en chœur
"honte, honte!"
en brandissant des pancartes.

Le gouvernement a été chargé de trouver des solutions pour garantir des
"rémunérations proportionnées et adéquates"
aux salariés, comme prévu par la Constitution, mais aucun seuil minimum n'a été fixé.

Avec la Finlande, la Suède, le Danemark et l'Autriche, l'Italie figure parmi les cinq derniers pays de l'Union européenne où les salaires sont déterminés par la seule négociation collective entre patronat et syndicats.

Afin de mettre fin aux
"salaires de misère"
, l'opposition de centre gauche avait soumis en juillet une proposition de loi visant à instaurer un seuil légal de 9 euros brut de l'heure, une initiative rejetée par la coalition dirigée par Giorgia Meloni qui y voit de
"l'assistanat".

"Un jour triste"


La secrétaire nationale du Parti démocrate, première formation de gauche, Elly Schlein a lancé à l'adresse du gouvernement:


C'est un jour triste pour la République. Vous n'êtes que du côté des exploiteurs, vous avez donné une gifle aux exploités!

Au cours de vifs échanges avec l'opposition, le gouvernement avait proposé d'étendre les conventions collectives aux quelque 20% des salariés non couverts par le millier d'accords en vigueur.


Or de nombreuses conventions restent nettement en dessous des 9 euros brut en Italie, comme celles des services de nettoyage (6,52 euros), de la restauration (7,28) ou encore du tourisme (7,48).


Dans une ambiance survoltée, Giuseppe Conte, ancien Premier ministre et président du Mouvement 5 Étoiles, est allé jusqu'à déchirer le texte gouvernemental, sous les applaudissements des députés de l'opposition.

Le gouvernement a
"fini par jeter le masque en disant non au salaire minimum"
, s'est-il exclamé. Selon lui,
"la majorité a tourné le dos à 3,6 millions de travailleurs"
, qui gagnent moins de 9 euros de l'heure.

Pour Giorgia Meloni, au contraire, la fixation d'un seuil
"risque paradoxalement de faire baisser les salaires, car 95% des travailleurs ont un salaire horaire plus élevé".

"Nous risquerions d'arriver au paradoxe où un employeur dirait: Si je peux le baisser à 9 euros, pourquoi dois-je payer plus?"
, a assuré la Première ministre mercredi.

La création d'un
"salaire décent"
ne passe pas forcément par
"la définition d'un chiffre"
, a fait aussi valoir la ministre du Travail, Marina Elvira Calderone.

Syndicats divisés


Le gouvernement mettra l'accent sur
"la dignité de la négociation collective"
et les
"niveaux de couverture de la protection globale à accorder aux travailleurs"
, a-t-elle assuré.

Selon les sondages, 70% des Italiens, dont les électeurs du gouvernement Meloni, plébiscitent cependant l'instauration d'un salaire minimum.

Mais des petits commerçants, restaurateurs et agriculteurs, qui font également partie de l'électorat de la coalition de droite, sont opposés au salaire minimum, jugé trop contraignant.


Quant aux syndicats, ils sont divisés. Le premier d'entre eux, la CGIL, a estimé mercredi que
"le gouvernement a commis une grave erreur"
en s'opposant au salaire minimum.

À l'inverse, la CISL, l'autre grand syndicat, y est opposée, redoutant que l'État n'empiète sur les prérogatives des partenaires sociaux qui négocient les conventions collectives.


L'Italie est selon l'OCDE le seul pays européen où les salaires réels (hors inflation) ont diminué entre 1990 et 2020 (-2,9%).

Une directive de l'Union européenne en vigueur depuis novembre 2022 fixe des règles encadrant le salaire minimum, sans toutefois obliger les États réfractaires à adopter ce système.


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