En Ouganda, les rêves de gloire des "catcheurs de boue"

13:2914/03/2024, Perşembe
MAJ: 14/03/2024, Perşembe
AFP
Des membres de l'équipe ougandaise Soft Ground Wrestling s'affrontent lors d'une séance d'entraînement dans leur camp de Mukono, le 28 février 2024.
Crédit Photo : BADRU KATUMBA / AFP
Des membres de l'équipe ougandaise Soft Ground Wrestling s'affrontent lors d'une séance d'entraînement dans leur camp de Mukono, le 28 février 2024.

Dans un ring de boue creusé à même le sol et délimité par quatre poteaux de bambou et deux ficelles, jeunes hommes et jeunes femmes s'affrontent, enchaînant plongeons et chutes avec force cris et grimaces.

À la Bumbash Wrestling Academy créée il y a un an dans la ville de Mukono, à une trentaine de kilomètres de la capitale ougandaise Kampala, 200 adeptes - dont 30 femmes - s'entraînent à la "lutte sur terrain mou" ("soft ground wrestling").


Cette réplique locale du catch a été imaginée par Daniel Bumba, qui commente depuis 18 ans en langue luganda les combats du célèbre championnat américain (WWE) à la télévision locale, et son ami Arthur Asiimwe.

Les deux trentenaires rêvent de faire de cette parcelle marécageuse au milieu des eucalyptus et des ignames le centre d'une future discipline professionnelle dans ce pays d'Afrique de l'Est.



"Les garçons et les filles ici seront les Hulk Hogan et Sasha Banks de demain",
lance Daniel Bumba, en référence à deux des plus célèbres catcheurs et catcheuses américains.

Rêve américain


Ici, trois lettres sont sur toutes les bouches: WWE, la World Wrestling Entertainment, référence mondiale du catch.


Dans des conditions rudimentaires, on reproduit les mises en scène de la ligue américaine.


Comme dans la WWE, les combats, annoncés par un speaker qui reprend les gimmicks des shows américains, sont supervisés par un arbitre en tenue rayée noir et blanc, avec en jeu une réplique de la célèbre ceinture frappée du "WW".

Dans un coin du ring, un escalier bricolé avec une planche et deux bâtons permet de prendre de la hauteur pour réaliser les sauts les plus spectaculaires, popularisés par The Undertaker, John Cena, Randy Orton...


"On regardait ceux (les combats) des Blancs mais on ne pensait jamais qu'un jour, nous aussi, les Ougandais, pourrions avoir une chance de faire du catch. Dès que j'ai découvert qu'il y avait une académie en Ouganda, j'ai foncé parce que c'était mon rêve qui devenait réalité",
raconte Bridget Nahoba, l'une des jeunes femmes du groupe.


"Mon rêve est de rejoindre la WWE"
, affirme cette ancienne étudiante infirmière de 25 ans, fan de la catcheuse Bianca Belair:

Les gens pensent que les femmes ne peuvent pas faire de catch mais nous sommes ici pour montrer l'exemple.

"J'adore le catch, j'adore Sasha Banks, je veux devenir comme elle"
, résume une autre, Nevia Hope Nabwire, ancienne vendeuse de rue de 18 ans, passionnée de WWE depuis son enfance.

Aucune protection


Cinq jours sur sept, les stagiaires, majoritairement issus de milieux modestes, suivent un entraînement intensif.


Sous un soleil de plomb, ils travaillent la musculation et s'exercent aux
"chokeslam", "powerbomb"
et autres techniques de projection au sol, leurs lourdes chutes seulement amorties par une couche de boue.

Ces figures acrobatiques pratiquées sans protection suscitent l'inquiétude dans le milieu médical.

Face à la popularité de vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, des orthopédistes ont récemment mis en garde à la télévision sur les risques de commotion et de blessures, notamment à la colonne vertébrale.



"Vous êtes en sécurité lorsque vous savez comment chuter. Il y a une formation d'environ huit mois pour apprendre à chuter",
veut rassurer Daniel Bumba.

Les deux fondateurs, qui ont reçu début mars la visite de l'armée pour s'assurer que leur structure n'était pas un camp d'entraînement pour rebelles antigouvernementaux, affirment avoir lancé le processus pour faire homologuer la
"lutte sur terrain mou".

Ils espèrent qu'un agrément officiel leur permettra d'attirer des fonds, car
"nous manquons de matériel, nous risquons d'être expulsés par le propriétaire du terrain (...), les stagiaires souffrent fréquemment du paludisme parce que nous sommes dans une brousse infestée de moustiques, ils ont besoin de nourriture..."
, énumère Daniel Bumba.

Les conditions précaires n'altèrent pas le rêve des apprentis catcheurs.

Justice Omadi assure ne pas être motivé
"uniquement par l'argent". "Mon souhait est que si une ou plusieurs organisations venaient soutenir notre sport ici, (...) on puisse avoir la chance d'aller combattre dans des pays étrangers"
, explique-t-il:
"J'aimerais vraiment rencontrer Roman Reigns (star de la WWE, ndlr) un jour et combattre dans le même (ring) que lui".

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