Le marché carbone en Amazonie: Solution durable ou greenwashing ?

10:298/01/2025, mercredi
AFP
Des ouvriers de Mombak plantent des arbres pour reboiser un ancien ranch bovin près de Mãe do Rio, dans l'État du Pará, au Brésil, le 11 décembre 2024.
Crédit Photo : Pablo PORCIUNCULA / AFP
Des ouvriers de Mombak plantent des arbres pour reboiser un ancien ranch bovin près de Mãe do Rio, dans l'État du Pará, au Brésil, le 11 décembre 2024.

En Amazonie, l'entreprise Mombak promet une reforestation durable pour lutter contre le changement climatique grâce au marché du carbone. Qu'en est il réellement ?

Un ouvrier glisse une bouture dans un tube métallique pour la planter dans la terre. Deux pas plus loin, il en plante une autre. En Amazonie brésilienne, une jeune entreprise, Mombak, veut répéter ce geste des millions de fois.


La plus grande forêt tropicale de la planète joue un rôle crucial contre le réchauffement climatique, mais est victime d'une déforestation massive.


L'ambitieuse société, soutenue même par les États-Unis, a passé des contrats juteux – pour des montants tenus secrets – avec des géants comme Google, Microsoft ou l'écurie de F1 McLaren, pour planter des arbres.

Avec une promesse : tourner la page des scandales et permettre à ces multinationales de revendiquer une contribution climatique crédible.


Opportunité en or


"Nous avons identifié une grande opportunité sur le marché : aider les entreprises à réduire leurs émissions, le grand objectif mondial des prochaines années"
, dit Gabriel Silva, cofondateur de Mombak, dont le nom signifie "éveil" en langue indigène tupi-guarani.

"Le meilleur endroit pour le faire, c'est l'Amazonie"
, où plus de 60 millions d'hectares de forêt tropicale ont été déboisés depuis 2015, explique cet ancien directeur financier de la banque en ligne Nubank.

Le marché du carbone est fondé sur la vente de "crédits" par des projets locaux qui, par exemple, replantent des arbres. Par la photosynthèse, les arbres absorbent le carbone de l'air (CO2) et le stockent dans leurs racines ou leur tronc. En achetant des crédits, les multinationales veulent "compenser" leurs propres émissions de CO2.


Mais ce mécanisme a souvent été taxé de "greenwashing", certaines entreprises étant accusées d'y avoir recours au lieu de se concentrer sur la réduction de leurs propres émissions.

D'autant plus que la plupart des projets de reforestation se sont révélés inefficaces, un grand nombre d'entre eux étant axés sur la monoculture, notamment de l'eucalyptus, qui finit par fragiliser l'écosystème à long terme.


Simuler la nature


Depuis sa fondation, en 2021, Mombak a racheté neuf fermes à des propriétaires de l'État brésilien du Pará (nord) pour y replanter des arbres.


La première d'entre elles, Turmalina, s'étend sur 3.000 hectares, dans la commune de Mãe do Rio. Elle est située à l'est de Belém, la capitale du Pará, qui recevra la conférence de l'ONU sur le climat COP30 en novembre.


En seulement 18 mois, 3 millions de boutures de 120 différentes espèces autochtones y ont été plantées.


"Il s'agit de simuler la nature"
pour ériger une forêt
"résiliente"
, explique le biologiste Severino Ribeiro.

Les premiers arbres plantés sont ceux qui peuvent pousser le mieux sous le soleil écrasant de l'Amazonie. Vient ensuite le tour des espèces plus fragiles qui pourront se développer dans leur ombre.

Parmi eux, 300.000 spécimens de
"six espèces menacées d'extinction"
selon la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), comme l'ipê jaune, arbre emblématique du Brésil.

Objectif 30 millions


Mombak a pour objectif de planter au moins 30 millions d'arbres d'ici 2032, sur une surface cinq fois plus vaste que Manhattan.


Le projet est financé par des investisseurs privés, mais aussi par des organisations comme la Banque mondiale. Le gouvernement américain a annoncé un crédit de 37,5 millions de dollars lors d'une visite du président Joe Biden en Amazonie.

Chaque contrat prévoit un tonnage précis d'émissions compensées sur une durée stipulée au préalable.


Le projet Mombak doit encore être validé selon la méthodologie la plus récente de Verra, l'un des principaux certificateurs privés de crédits carbone.


Enjeu foncier


Même si elle se montre
"prudente"
car Mombak existe depuis moins de quatre ans, Lise Vieira da Costa, de l'Institut des sciences juridiques de l'Université fédérale du Pará, voit des aspects encourageants.

"Le fait de miser sur une reforestation fondée sur la biodiversité est positif, car la grande préoccupation liée à ce genre de projets en Amazonie est la monoculture"
, affirme-t-elle.

"Un autre aspect positif est le fait que (Mombak) soit propriétaire des terres, ce qui limite les risques de conflits avec les communautés locales".

La question foncière est cruciale en Amazonie.


Impliquer la population locale


"Ce qui serait juste, ce serait que les fonds alloués à la reforestation soient destinés aux peuples amazoniens. Ils ont le savoir-faire et ils ont besoin de soutien"
, avance le spécialiste en sciences forestières Carlos Augusto Pantoja.

"Si le capitalisme est le grand responsable de la crise climatique, je ne crois pas qu'il sera à même de la résoudre",
prévient-il.

A lire également:




#marché carbone
#Amazonie brésilienne
#reforestation
#Mombak
#crédits carbone
#biodiversité
#multinationales
#COP30
#climat
#Gabriel Silva