ÉDITION:

Sénégal: l'immigration clandestine, un drame politique et économique sans fin

La rédaction
13:075/10/2023, Perşembe
MAJ: 18/10/2023, Çarşamba
Yeni Şafak
Crédit Photo: Handout / SPANISH RED CROSS / AFP
Crédit Photo: Handout / SPANISH RED CROSS / AFP

Depuis plus de quatre mois, les embarcations de fortune en provenance d'Afrique de l'Ouest arrivent quotidiennement sur les côtes espagnoles. Parmi les voyageurs en quête d'une meilleure vie, une majorité de jeunes sénégalais, symboles d'une situation politico-économique préoccupante dans ce pays d'Afrique de l'Ouest, jadis perçu comme un îlot de stabilité et de démocratie.

Le 3 septembre 2023, 288 personnes sont arrivées sur l'île carienne d'El Hierro, via une embarcation de fortune. C'est la première fois qu'autant de personnes arrivent aux Îles Canaries à bord de la même pirogue. Mais ce jour-là, les ONG ont enregistré l'arrivée de plus de 500 migrants en provenance d'Afrique Subsaharienne. Encore un triste record battu, mais aussi et surtout, une présence majoritaire des Sénégalais bien remarquée.


Depuis plus de quatre mois, c'est le drame auquel on assiste chaque jour. Les ONG espagnoles comme Caminando Fronteras répertorient et reportent au quotidien le nombre de migrants arrivés. Ces derniers mois, ces reports font état d'arrivée de personnes par centaines au quotidien, et la plupart du temps, des Sénégalais.



Un drame "politique"


"Le phénomène s'est accentué depuis la fin du mois de mars, à cause de l'instabilité politique au Sénégal. Toutes ces arrestations au Sénégal poussent les jeunes à partir",
souligne l'association espagnole. Le Sénégal est en effet tombé dans une répression des manifestations politiques sans précédent depuis l'avènement du Président Macky Sall en 2012. Répression ayant mené à plus de 1500 détenus politiques et plus de 60 morts selon l'opposition.

Depuis mars 2021 et le début de ce qui est décrit comme une "cabale judiciaire" contre l'opposant Ousmane Sonko, presque toutes les manifestations politiques sont interdites et sévèrement réprimées. Le leader politique souverainiste et antisystème qui est particulièrement populaire auprès des jeunes, a été condamné à deux ans de prison au mois de juin pour "corruption de jeunesse", avant d'être arrêté le 28 juillet pour plusieurs chefs d'accusation différents, dont appel à l'insurrection.


Ces épisodes politiques ont mis le Sénégal dans une situation d'instabilité sans précédent qui a restauré la vague d'exil vers l'Europe. Pour Saliou Diouf, président de Boza Fii, une association travaillant sur les politiques migratoires, cette situation était
"prévisible"
.

"Cette année, le Sénégal a traversé une situation politique qui a dégénéré, qui a vraiment augmenté le manque d’espoir des Sénégalais pour pouvoir essayer de s’organiser dans le pays et (aussi), ce manque de sécurité aussi de vivre là où ils habitent. Récemment, on sent nettement que, même pour une petite publication, tu peux te retrouver à la police. Et c’est cette situation-là qui frustre les populations. Donc, les gens vont chercher d’autres alternatives. Et l’alternative la plus visible, c’est de pouvoir quitter le pays",
a expliqué Diouf dans un podcast sur RFI.


Un drame économique


Pour Boubacar Seye, président de l’organisation de défense des migrants Horizon sans frontières,
"cette recrudescence ne nous surprend pas vu la situation économique et politique du pays. Le doute a tellement perforé notre environnement socio-culturel, au point que les gens pensent qu’ils ne peuvent plus vivre dignement dans ce pays".

Mais en dehors de ce caractère répressif du gouvernement sénégalais, le bilan et les choix économiques sous l'ère Macky Sall soulèvent des questions. Selon l'ANSD (Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie) le taux de chômage au Sénégal est désormais passé à 24% alors qu'il était d'environ 11% en 2012. Le chômage est le plus grand fléau de ce pays alors que plus 75% de la population a moins de 35 ans selon le Président Macky Sall.


Aussi, la majeure partie des candidats à l'exil vers l'Europe viennent surtout des quartiers où l'activité dominante est la pêche. Mais depuis plusieurs années, la rareté du poisson attribuée à la surpêche intensifiée par les licences attribuées aux étrangers, a mis en situation de détresse les familles qui en vivaient.

Les projets conçus dans l'objectif de booster l'emploi des jeunes ont été sous le coup de scandales de corruption ou de népotisme. Les scandales financiers sur les contrats pétroliers, les 1000 milliards de FCFA (1 500 000 d'euros environ) ayant fait l'objet de rapport de la Cour des Comptes, l'inflation post-Covid et l'absence d'investissement dans le secteur industriel entre autres, ont fini de saper tout espoir pour une résilience économique du pays.


Malgré les programmes et stratégies annoncés par l'Etat du Sénégal depuis plusieurs années, la recrudescence du drame de l'immigration clandestine est manifestement une preuve des échecs de Dakar sur cette question. Alors que l'élection présidentielle aura lieu le 24 février 2024, le processus électoral qui est déjà entaché d'irrégularités et l'emprisonnement d'Ousmane Sonko qui faisait figure de favori, risquent de renforcer l'instabilité politique et économique d'un pays qui, jadis, était perçu comme la vitrine de la démocratie en Afrique de l'Ouest.


Par
Alioune Aboutalib LO

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