Le 3 septembre 2023, 288 personnes sont arrivées sur l'île carienne d'El Hierro, via une embarcation de fortune. C'est la première fois qu'autant de personnes arrivent aux Îles Canaries à bord de la même pirogue. Mais ce jour-là, les ONG ont enregistré l'arrivée de plus de 500 migrants en provenance d'Afrique Subsaharienne. Encore un triste record battu, mais aussi et surtout, une présence majoritaire des Sénégalais bien remarquée.
Depuis plus de quatre mois, c'est le drame auquel on assiste chaque jour. Les ONG espagnoles comme Caminando Fronteras répertorient et reportent au quotidien le nombre de migrants arrivés. Ces derniers mois, ces reports font état d'arrivée de personnes par centaines au quotidien, et la plupart du temps, des Sénégalais.
Depuis mars 2021 et le début de ce qui est décrit comme une "cabale judiciaire" contre l'opposant Ousmane Sonko, presque toutes les manifestations politiques sont interdites et sévèrement réprimées. Le leader politique souverainiste et antisystème qui est particulièrement populaire auprès des jeunes, a été condamné à deux ans de prison au mois de juin pour "corruption de jeunesse", avant d'être arrêté le 28 juillet pour plusieurs chefs d'accusation différents, dont appel à l'insurrection.
Mais en dehors de ce caractère répressif du gouvernement sénégalais, le bilan et les choix économiques sous l'ère Macky Sall soulèvent des questions. Selon l'ANSD (Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie) le taux de chômage au Sénégal est désormais passé à 24% alors qu'il était d'environ 11% en 2012. Le chômage est le plus grand fléau de ce pays alors que plus 75% de la population a moins de 35 ans selon le Président Macky Sall.
Les projets conçus dans l'objectif de booster l'emploi des jeunes ont été sous le coup de scandales de corruption ou de népotisme. Les scandales financiers sur les contrats pétroliers, les 1000 milliards de FCFA (1 500 000 d'euros environ) ayant fait l'objet de rapport de la Cour des Comptes, l'inflation post-Covid et l'absence d'investissement dans le secteur industriel entre autres, ont fini de saper tout espoir pour une résilience économique du pays.
Malgré les programmes et stratégies annoncés par l'Etat du Sénégal depuis plusieurs années, la recrudescence du drame de l'immigration clandestine est manifestement une preuve des échecs de Dakar sur cette question. Alors que l'élection présidentielle aura lieu le 24 février 2024, le processus électoral qui est déjà entaché d'irrégularités et l'emprisonnement d'Ousmane Sonko qui faisait figure de favori, risquent de renforcer l'instabilité politique et économique d'un pays qui, jadis, était perçu comme la vitrine de la démocratie en Afrique de l'Ouest.