ÉDITION:

Sénégal, affaire Sonko: le ministre de la Justice à contre-courant du Droit ?

La rédaction
12:3127/09/2023, Çarşamba
MAJ: 27/09/2023, Çarşamba
Yeni Şafak
Crédit Photo: KIRAN RIDLEY / AFP.
Crédit Photo: KIRAN RIDLEY / AFP.

Le ministre sénégalais de la Justice, Ismaila Madior Fall, a affirmé il y a quelques jours que la condamnation d'Ousmane Sonko par contumace pour "corruption de jeunesse" est "définitive". Ce qui rend inéligible le principal opposant sénégalais. Mais selon la quasi-totalité des juristes sénégalais, Ismaila Madior Fall a tout faux.

"Pourquoi ne s’est-il pas constitué prisonnier s’il entendait obtenir que sa condamnation par contumace soit anéantie ? Celle-ci est entretemps devenue définitive"
, a affirmé le ministre sénégalais de la Justice dans une interview avec le journal Jeune Afrique parue le 30 août.

Ousmane Sonko a été jugé par contumace dans l'affaire l'opposant à une masseuse du nom d'Adji Sarr. Il a écopé de deux ans d'emprisonnement pour
"corruption de jeunesse"
alors qu'il était poursuivi pour des faits de
"viols et menaces de mort"
. Cependant, le leader du PASTEF (parti depuis dissout) a ensuite été arrêté et écroué pour d'autres faits en fin juillet, partis d'
"un vol de téléphone"
, pour aboutir à plusieurs chefs d'accusation dont
"appel à l’insurrection, association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste et atteinte à la sûreté de l’État"
.

Mais 2 août, depuis sa cellule de la prison de Sébikhotane, Ousmane Sonko a envoyé un document manuscrit de non-acquiescement de sa condamnation par contumace au Greffe du Tribunal de Grande instance de Dakar qui a accusé réception.

Ismaila Madior Fall à contre-courant du Droit ?


Mais si pour le ministre de la Justice cette arrestation n'annule pas la condamnation pour contumace car étant
"dans le cadre d’une autre affaire",
la loi dit clairement autre chose selon ses pairs.

"Le code électoral dit clairement, si on est jugé par contumace, on perd ses droits civils et politiques mais aujourd’hui, la contumace de Ousmane Sonko est tombée du simple fait qu’il a été arrêté. Le code pénal dit clairement lorsque le contumax se rend ou s’il est arrêté, la contumace est tombée et la loi ne précise pas dans quel cadre, il est arrêté ou non,"
explique l'enseignant-chercheur Mamadou Salif Sané, maître de conférences agrégé à l’Unité de formation et de recherches (UFR) de l’Université Gaston Berger (UGB) de Saint Louis.

"En ce moment, le jugement doit être repris dans son entièreté et c’est ce qui n’est pas encore le cas. Présentement, il n’y a aucune décision judiciaire définitive à l’encontre de monsieur Ousmane Sonko. À partir de ce moment, il jouit de toutes ses facultés civiles et politiques et rien ne peut l’empêcher au vu de la loi à être candidat à l’élection présidentielle de février 2024"
, ajoute-t-il dans une interview accordée à Seneplus.

Même son de cloche du côté de Babacar Niang, professeur agrégé des facultés de Droit et enseignant-chercheur à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar qui, dans une contribution intitulée
"Les errements du ministre de la Justice à propos du supposé caractère définitif de la condamnation de Sonko…"
publiée le 5 septembre, ne partage pas la position d'Ismaila Madior Fall.

Pour Pr Niang,
"la condamnation par contumace d’Ousmane Sonko ne peut être définitive qu’à partir du 2 juin 2028, s’il ne se constitue pas prisonnier ou s’il n’est pas arrêté. Or, à ce jour, il est factuellement entre les mains de la justice".

Le Professeur agrégé en Droit public, Sidy Alpha Ndiaye, par ailleurs directeur de l’Institut des droits de l’Homme et de la paix (Idhp), renie lui aussi la position du ministre de la Justice.
"En tant que juriste, on ne peut pas distinguer là où la loi ne distingue pas. La loi pénale dit clairement que l’arrestation du contumax anéantit la décision. Donc, en termes de techniques juridiques pures, d’orthodoxie du droit, la décision qui a été rendue est anéantie dès l’instant que le contumax a été arrêté"
.

Les avocats d'Ousmane Sonko ont par ailleurs annoncé la semaine dernière, avoir saisi la Haute Cour de Justice de la CEDEAO pour que les droits de leur client soient respectés.


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