L'ex-Premier ministre thaïlandais Thaksin recouvre la liberté

10:0918/02/2024, dimanche
AFP
Portrait de l'ancien Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra, qui a quitté l'hôpital de Bangkok où il était détenu, six mois après son retour de 15 ans d'exil.
Crédit Photo : William EDWARDS, Suy SE, Sarah LAI, James HOSSACK / AFPTV / AFP
Portrait de l'ancien Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra, qui a quitté l'hôpital de Bangkok où il était détenu, six mois après son retour de 15 ans d'exil.

L'ancien Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra a recouvré la liberté dimanche matin, six mois après son retour de quinze ans d'exil volontaire.

Le milliardaire âgé de 74 ans, au pouvoir de 2001 jusqu'au coup d'Etat de 2006, a été aperçu à travers les vitres de sa voiture, portant un corset au cou et assis à côté de sa fille Paetongtarn, quittant l'hôpital de la police dans le centre de Bangkok.


Une poignée de personnes protestant contre sa libération s'étaient rassemblées devant l'hôpital.


Il a ensuite retrouvé son domicile de Bangkok, dont le portail était orné d'une banderole d'accueil confectionnée par ses petits-enfants.


"Je veux lui dire de se battre",
a déclaré aux médias locaux une sympathisante portant un t-shirt à son effigie, affirmant qu'elle attendait devant sa maison depuis deux jours.

S'il est là, le pays se développera

Initialement condamné à huit ans de prison pour corruption et abus de pouvoir, l'ancien dirigeant a bénéficié en septembre d'une grâce du roi Maha Vajiralongkorn qui a réduit sa peine à un an d'emprisonnement.


Début février, les autorités ont annoncé que le détenu remplissait les conditions d'une liberté anticipée, de par son âge et son état de santé.


Rentré d'exil le 22 août 2023 après 15 ans à l'étranger, Thaksin n'aura passé en tout que six mois en détention, en très grande partie dans un hôpital de la police, à Bangkok, en raison de problèmes de santé.


Il avait été admis à l'hôpital quelques heures seulement après son retour d'exil pour des problèmes d'oppression thoracique et d'hypertension, et sa famille a déclaré qu'il avait subi deux opérations les mois suivants.


Samedi, le Premier ministre Srettha Thavisin avait confirmé qu'il serait libéré dimanche.


Le cadre de la liberté conditionnelle de M. Shinawatra n'est pas encore connu, mais il pourrait avoir à porter un bracelet électronique ou à limiter ses voyages, selon un expert.


Dans un communiqué, le parti progressiste d'opposition Move Forward (MFP) s'est demandé s'il avait bénéficié d'un traitement spécial.


"La Thaïlande a besoin d'un système démocratique dans lequel l'Etat de droit et le système judiciaire sont appliqués de la même manière pour tous, sans qu'il y ait deux poids, deux mesures (...) pour les personnes privilégiées",
a déclaré le parti.

Ultra-populaire au début des années 2000, surtout auprès des paysans du Nord et du Nord-Est, Thaksin est soupçonné d'avoir conclu un pacte avec ses anciens adversaires, la monarchie et l'armée, pour recouvrer la liberté.


Pays divisé


Shinawatra est un vieux lion de la vie politique thaïlandaise, qui garde une influence par le biais du parti familial, Pheu Thai, dirigé par Paetongtarn, pressentie pour poursuivre la dynastie. 


Elle pourrait devenir la troisième personne à la tête du gouvernement à porter le nom de Shinawatra, après Thaksin et Yingluck, sa tante (et sœur de Thaksin) qui a dirigé le royaume de 2011 à 2014, jusqu'à un coup d'Etat.


L'évocation de ce patronyme réveille de vieilles fractures en Thaïlande. Thaksin Shinawatra a été autant adulé des campagnes, grâce à ses politiques pionnières de redistribution, que haï des élites traditionnelles de Bangkok, qui le trouvaient populiste et insolent vis-à-vis du roi Bhumibol.


Rouges contre jaunes


S'il a été crédité d'une bonne gestion de l'économie, le dirigeant, qui a fait fortune dans les télécoms, a souvent été accusé de mélanger ses affaires privées avec celles de l'Etat. 


Les tensions ont culminé au moment des mouvements de protestation opposant ses soutiens,
"les chemises rouges",
et ses opposants attachés à la monarchie,
"les chemises jaunes".
En 2010, l'armée a ouvert le feu sur une manifestation de chemises rouges, tuant plus de 90 personnes.

Certains soutiens de longue date reprochent aujourd'hui à leur ancien champion d'avoir tendu la main aux militaires afin de favoriser son retour au pays après quinze ans d'exil volontaire pour échapper à la justice.


En effet, Pheu Thai a accepté de former une coalition gouvernementale avec des formations pro-armée qui n'auraient pas pu prétendre au pouvoir à la suite de leur large défaite aux élections de 2023.

Cet accord controversé a exclu le MFP, parti vainqueur du scrutin, devenu la principale force de contestation aux yeux des nouvelles générations.


Thaksin Shinawatra fait également l'objet d'accusations de lèse-majesté pour des propos tenus en 2015, mais la justice thaïlandaise n'a pas encore décidé des suites à donner sur cette affaire.


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