Et si la campagne électorale bat son plein dans la plupart des régions, l'est du pays demeure confronté à des défis
, mais
, selon les dires de Bintou Keita, cheffe de la mission onusienne dans ce pays, lundi dernier devant le Conseil de sécurité.
Les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l'Ituri, en particulier, sont citées par les Nations unies comme des régions instables, aussi bien au niveau sécuritaire que social et humanitaire.
À plusieurs reprises, des voix se sont élevées appelant au report de ces élections, mais les autorités de Kinshasa, le président Félix Tshisekedi en tête, ont insisté sur leur organisation dans les délais prévus, soit à la fin de l'année en cours, question de rompre avec d'anciennes pratiques, reportant les élections pour divers prétextes, parfois sanitaires, parfois sécuritaires, etc.
Dans quelles conditions vont, donc, se dérouler ces élections dans l'est de la RDC ?
Un défi sécuritaire persistant
Qui dit RDC, dit au moins 100 groupes armés actifs depuis au moins deux décennies, que les autorités n'ont pu éradiquer, malgré l'assistance des Casques bleus onusiens déployés dans le cadre de la Mission de l'Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco), qui s'apprête, d'ailleurs, à plier bagage avant la fin de 2023, faute de résultats satisfaisants, malgré la persistance du défi sécuritaire dans la région.
Kinshasa, considérant que cette mission n'a pas atteint ses objectifs, a demandé au Conseil de sécurité de l'ONU de mettre fin à son mandat, qui n'a pas tardé à donner une réponse favorable, bien que convaincu que la situation est loin d'être sous contrôle.
Dans la foulée de ce processus de désengagement, les autorités congolaises ont demandé à la Communauté est-africaine de déployer une force conjointe dans les régions en tension. A peine une année après son déploiement, cette force n'a pas donné satisfaction et Kinshasa a refusé de renouveler son mandat qui a pris fin le 8 décembre courant.
Jugée
et
, cette force sera remplacée par des soldats de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), qui avait examiné la situation sécuritaire dans l'est de la RDC lors de son sommet du 4 novembre dernier, débouchant sur un accord de déploiement d'une force conjointe, signé deux semaines après, le 17 novembre.
A l'opposé de cette agitation, côté forces congolaises, régionales et onusiennes, la situation se complique davantage côté groupes armés, avec la résurgence notamment des rebelles du M23 (Mouvement du 23 mars) qui, après leur démantèlement en 2013, ont repris les armes en 2022 et réussi à s'emparer de plusieurs localités au sous-sol riche en minerais dans le Nord-Kivu, défiant aussi bien les forces armées congolaises que celles de la Monusco et semant la terreur au sein des populations, contraintes au déplacement par milliers.
La particularité de la menace que représente le M23 trouve justification dans le soutien apporté par le Rwanda à ce groupe, malgré les condamnations et les appels au retrait lancés aussi bien dans le cadre du processus de paix de Luanda que par les instances onusiennes.
Kinshasa et Kigali se jettent mutuellement les accusations de vouloir déstabiliser l'un l'autre, à travers des groupes rebelles transfrontaliers. Le M23 en particulier est pointé par les autorités congolaises comme auteur d'une salve d'attaques meurtrières assez fréquentes.
Selon Bintou Keita, Représentante spéciale du Secrétaire général en RDC et cheffe de la Monusco,
"le risque d'une escalade militaire entre les deux pays demeure important"
tout comme le risque de contagion vers d'autres pays voisins.
Keita a souligné, dans ce sens, que "
l'engagement des forces burundaises contre le M23 au Masisi"
était une source supplémentaire de préoccupation pour la sécurité dans la région.
La situation sécuritaire étant telle, les populations civiles quittent massivement leurs terres et leurs demeures en direction de régions plus paisibles et plus vivables. Les chiffres concernant les déplacements internes pour des raisons sécuritaires sont, ainsi, alarmants.
Selon le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, sur les 6,3 millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays, 5,5 millions sont concentrées dans les trois provinces sus-indiquées.
Selon les chiffres publiés à l'occasion d'une réunion d'information sur la RDC, tenue le 11 décembre courant au Conseil de sécurité de l'ONU,
"plus de 500 000 personnes ont fui leurs foyers, suite à la reprise des hostilités entre le M23 et les Forces armées congolaises depuis début octobre".
Ces déplacements massifs des populations contribuent, selon la même source, à l'aggravation des risques sanitaires comme l'amplification de maladies déjà existantes, telles que la rougeole et le choléra, mais aussi à l'amplification de violences d'une autre dimension, touchant le genre et l'exploitation sexuelle.
"Les incidences de violences basées sur le genre et d'exploitation sexuelle ont atteint des niveaux alarmants, avec plus de 90 000 cas documentés depuis le début de l'année, dont 39 000 dans le seul Nord-Kivu"
, s'alarme le Conseil de sécurité dans son communiqué du 11 décembre courant, jugeant que la situation est
.
Et pour terminer le tableau, le plan de réponse humanitaire pour 2023 demeure considérablement sous-financé, selon l'ONU,
"avec seulement 37,5 % des 2,25 milliards de dollars requis jusqu'à présent".
Face à ce contexte, aussi complexe soit-il, les autorités congolaises n'ont pas annoncé de mesures spéciales pour les zones en tension.
Toutefois, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a réitéré sa volonté d'organiser des
"élections crédibles, inclusives, transparentes et apaisées"
, appelant les candidats
"à la responsabilité et à la tolérance"
et mettant tout en œuvre pour que les acquis démocratiques de 2018 soient renforcés en 2023.
Certains candidats n'ont pas dissimulé leurs inquiétudes, pour autant, concernant d'éventuelles fraudes, notamment après avoir relevé des irrégularités depuis l'enrôlement des électeurs, jusqu'au retrait des cartes d'électeur, par exemple, au Masisi et au Rutshuru, territoires occupés en partie par le M23, et où de nombreux Congolais n'ont pu être inscrits sur les listes électorales.
Certains acteurs de la société civile évoquent également des manquements d'ordre logistique, surmontables, certes, mais à condition que tout puisse rentrer dans l'ordre au plus vite, avant le 20 décembre.
Dans les camps de réfugiés, la priorité partagée par une grande majorité de déplacés ne va pas plus loin qu'un retour apaisé à la maison et les élections ne font pas partie des priorités.
"Les autorités sont venues. Elles nous ont promis que nous allons rentrer chez nous. On a attendu, sans succès. Et, aujourd'hui, nous sommes surpris, ils nous disent de voter pour eux, alors qu'ils refusent de nous faire retourner à la maison"
, s'exclame Aline Nsabimana, dans un reportage de TV5Monde réalisé début décembre dans le camp de Kanyaruchinya.
"Pourtant, nous souffrons ici..."
déplore-t-elle, déçue.