Corée du Nord: côté chinois, l'attente désespérée d'une réouverture

19:1129/09/2023, Cuma
AFP
Le fleuve Yalu, à la frontière entre la ville nord-coréenne de Sinuiju et la ville de Dandong, dans la province chinoise. Crédit photo: PEDRO PARDO / AFP
Le fleuve Yalu, à la frontière entre la ville nord-coréenne de Sinuiju et la ville de Dandong, dans la province chinoise. Crédit photo: PEDRO PARDO / AFP

Des Nord-Coréens, coincés en Chine et les Chinois qui vivent du commerce transfrontalier, n'entrevoient aucun signe d'une réouverture imminente de la frontière entre leurs pays en dépit de récents voyages à l'étranger de sportifs nord-coréens et du dirigeant Kim Jong Un.

La ville chinoise frontalière de Dandong, séparée de la Corée du Nord par le fleuve Yalu, constitue depuis longtemps une fenêtre privilégiée sur ce pays très isolé sur la scène internationale et sur ses échanges avec la Chine, son principal partenaire économique et diplomatique.


Mais la circulation des biens et des personnes est très perturbée depuis janvier 2020, lorsque les autorités nord-coréennes ont fermé la frontière face à l'avancée du Covid-19. Des milliers de ses citoyens sont, depuis, bloqués à l'étranger.


Comme à Dandong, dans le nord-est de la Chine, où ils sont nombreux.


Dans les restaurants de cuisine nord-coréenne de la ville, les clients peuvent déguster fruits de mer et boeuf grillé tout en profitant des spectacles de chant et danse interprétés par de jeunes Nord-Coréennes.

Arrivées comme serveuses avant la pandémie, elles confient que leurs familles leur manque et admettent ne pas savoir quand elles pourront rentrer. Deux d'entre elles racontent être venues pour des
"stages".

Les sanctions de l'ONU interdisent aux Nord-Coréens de travailler à l'étranger, au motif qu'ils pourraient aider à financer le programme nucléaire de Pyongyang.


"Aucune idée"


Mais depuis début 2023, l'AFP a recensé en Chine une dizaine de restaurants et hôtels où travaillent des Nord-coréens.


Selon des chercheurs occidentaux, ils bénéficient souvent de mauvaises conditions de travail et une grande partie de leur salaire est saisie par Pyongyang.


Des sportifs nord-coréens ont déjà repris les compétitions à l'étranger et le dirigeant Kim Jong Un lui-même a effectué en Russie un déplacement rare et remarqué courant septembre.

Mais ce semblant d'ouverture ne se traduit pas encore au niveau des échanges de marchandises, déplorent de nombreux commerçants de Dandong.


"On n'a aucune idée de quand ça va rouvrir"
, affirme à l'AFP l'un d'eux, dans son bureau situé près du fleuve Yalu.

"On attend. On n'a pas grand-chose à faire",
explique un autre.

À proximité, des dizaines de bureaux et de magasins d'import-export tournent au ralenti ou ont leur rideau baissé.


La Chine a confirmé l'année dernière la reprise du fret ferroviaire bilatéral.

Des journalistes de l'AFP présents à Dandong en septembre ont ainsi vu un train entrer dans la ville nord-coréenne de Sinuiju, puis effectuer le trajet inverse environ 45 minutes plus tard.


Cheveux et sous-vêtements


Le volume des échanges commerciaux Chine-Corée du Nord a récemment augmenté. Mais il reste inférieur de 30% à celui du mois précédant la fermeture des frontières, selon un calcul de l'AFP basé sur les chiffres des Douanes chinoises.


"Ça fait plus de trois ans que je n'ai pas fait d'affaires"
avec la Corée du Nord, déplore un exportateur chinois d'électroménager.

Il affirme que ses revenus ont diminué de moitié environ par rapport à la période précédant la pandémie du Covid-19 et dit s'être reconverti dans la confection de vêtements pour le marché chinois.


Tous s'expriment de manière anonyme car, le sujet des relations sino-coréennes reste sensible.


Interrogé par l'AFP, le service des Douanes à Dandong n'a pas souhaité s'exprimer sur le commerce transfrontalier.


Il reste difficile de commercer avec la Corée du Nord, qui subit des restrictions sur la vente de nombreux produits, du charbon au pétrole en passant par les fruits de mer ou les équipements sportifs.

Certains à Dandong disent toutefois pouvoir continuer d'exporter certaines marchandises comme des équipements médicaux ou des sous-vêtements.


Un marchand de perruques déclare qu'il envoie des matières premières en Corée du Nord avant de les réimporter pour les vendre.


Des organisations de défense des droits de l'homme ainsi que des transfuges nord-coréens affirment que le marché des cheveux en Corée du Nord emploie en partie des prisonniers.


"Signes positifs"


Un autre commerçant déclare disposer de ses propres
"circuits"
pour importer le ginseng nord-coréen, très réputé.

La situation semble toutefois s'améliorer légèrement en matière de tourisme.

Si la frontière est toujours fermée, les visiteurs chinois sont plus nombreux à Dandong depuis l'abandon fin décembre par la Chine des mesures anti-Covid, ont indiqué à l'AFP plusieurs agences de voyages.


Deux entreprises spécialisées dans les séjours en Corée du Nord pour touristes occidentaux parient sur une réouverture l'année prochaine.


"Il y a des signes positifs"
même s'il n'y a pas de raison de
"s'emballer pour l'instant"
, explique Simon Cockerell, dirigeant de l'agence Koryo Tours.

Depuis un bateau sur le fleuve Yalu, une trentaine de touristes chinois observent les installations portuaires, les cheminées et les routes presque désertes de Sinuiju.


Une guide affirme au micro que les autorités nord-coréennes interdisent depuis le début de la pandémie à la plupart des habitants de travailler près de la rive afin de ne pas être contaminés par le Covid.

La Corée du Nord
"c'est comme la Chine des années 1970 ou 1980"
, déclare-t-elle en jugeant qu'elle est
"encore très en retard".

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