Depuis le Canada, un professeur palestinien s'efforce de maintenir vivante une université de Gaza

La rédaction
10:325/12/2024, Perşembe
AFP
Le professeur palestinien Ahmed Abu Shaban, professeur invité à la faculté des changements environnementaux et urbains, donne une conférence sur Gaza à l'université York de Toronto, au Canada, le 26 novembre 2024.
Crédit Photo : JORGE UZON / AFP
Le professeur palestinien Ahmed Abu Shaban, professeur invité à la faculté des changements environnementaux et urbains, donne une conférence sur Gaza à l'université York de Toronto, au Canada, le 26 novembre 2024.

Le réveil d'Ahmed Abu Shaban, professeur d'université à Toronto, sonne souvent à 3 heures du matin pour qu'il puisse enseigner à distance à ses étudiants de Gaza. C'est pour ce Palestinien une question de loyauté envers ses élèves mais aussi de culpabilité.

Il a du quitter la bande de Gaza quelques jours après le 7 octobre 2023.


Mais même à des milliers de kilomètres, il ne veut pas et ne peut pas oublier ses étudiants pris au piège de la guerre génocidaire menée par Israël. Et il se dévoue donc pour ceux qui n'ont pas été tués et veulent continuer d'apprendre malgré les difficultés.

"Je me sens coupable d'être parti"
, lâche à l'AFP ce quinquagénaire.
"Comme si nous avions abandonné notre pays, notre peuple, nos institutions".

Ahmed Abu Shaban est le doyen de la faculté d'agriculture et de médecine vétérinaire de l'Université Al-Azhar, qui a été détruite comme la plupart des bâtiments universitaires de Gaza par des frappes aériennes israéliennes.


Le professeur est passé en Egypte peu après le début de la guerre. Ces contacts canadiens lui permettent ensuite de rejoindre l'Université York de Toronto, où il est désormais professeur invité à la Faculté des changements environnementaux et urbains.


"Nous continuerons"


Dans son bureau aux étagères vides et aux murs presque nus dans le nord de Toronto, Ahmed Abu Shaban explique vouloir
"envoyer un message très clair au monde entier".

Ils viennent de détruire nos infrastructures. Ils ont détruit nos bâtiments... mais nous sommes toujours en vie et nous continuerons.

Au moins 30 Palestiniens ont été tués lors des attaques israéliennes dans la bande de Gaza, portant le bilan total depuis l'an dernier à 44 532 morts, a indiqué mercredi le ministère de la Santé de l’enclave.


Frustrations


Le nombre d'étudiants toujours inscrits à l'Université Al-Azhar est pour lui la preuve de la résilience des Palestiniens: avant la guerre, la faculté comptait 14.000 étudiants et ils étaient encore 10.000 à s'inscrire en début d'année. Il n'en espérait pas plus de 1.000.


"C'est dingue!",
explique-t-il, avant de rappeler leur réalité:
"vous vivez dans une tente, vous n'avez pas d'électricité, vous n'avez pas d'internet, vous n'avez rien du tout".
Et de raconter:

Mais vous faites quand même cinq kilomètres de marche pour avoir une connexion internet et étudier. Et parfois, vous risquez même votre vie pour cela.

Le programme est évidemment flexible, compte tenu des difficultés d'accès à internet. Les étudiants regardent les cours et font leurs devoirs lorsqu'ils peuvent se connecter.


Des conditions évidemment très frustrantes
. "Parfois, on a l'impression que les étudiants nous regardent comme si nous pouvions faire des choses qui ne sont pas faisables"
. Mais l'homme à la voix lente et posée dit comprendre leurs frustrations.

"J'essaie de leur fournir le soutien que je peux"
, ajoute celui qui enregistre ses cours les soirs et les week-ends pour les envoyer et travaille sur deux fuseaux horaires.

Quand il se sent
"stressé"
par son emploi du temps surchargé, il se souvient du privilège qu'il a de vivre dans un pays en paix et repense à ses étudiants décédés.

Il évoque notamment cinq élèves ingénieurs tués alors qu'ils s'étaient rassemblés pour travailler sur un devoir à un endroit où internet fonctionnait.

Mais aussi le cas de Bilal al Aish, son
"étudiant vedette"
, qui venait de recevoir des propositions de bourses pour étudier en Allemagne ou aux Etats-Unis quand la guerre a éclaté.

Ce jour-là, il avait
"vu l'espoir dans ses yeux"
. L'annonce de sa mort au début du conflit a été un choc, raconte Ahmed Abu Shaban.
"J'ai eu l'impression qu'ils tuaient l'avenir".

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