Procès de l'attentat contre Samuel Paty: le témoignage de Chalghoumi mis à mal

11:1428/11/2024, jeudi
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L'imam de Drancy, Hassen Chalghoumi.
Crédit Photo : LUDOVIC MARIN / AFP / AFP
L'imam de Drancy, Hassen Chalghoumi.

Le procès de l'attentat qui a coûté la vie à Samuel Paty, a été marqué, mercredi, par l'audition très attendue de l'imam Hassen Chalghoumi, figure contestée par une grande partie des musulmans de France.

Devant la Cour d'Assises spécialement composée, le religieux a servi un portrait entièrement à charge d'Abdelhakim Sefrioui, l'un des accusés le qualifiant de
"fanatique religieux"
, de militant de
"l'islamisme radical"
ou de
"gourou".

Dénonçant
"une stratégie victimaire"
qu'il considère comme l'illustration de l'affiliation de Sefrioui aux Frères Musulmans, Chalghoumi est revenu, pendant plus d'une heure, sur ses griefs personnels envers Abdelhakim Sefrioui.

L'imam de Drancy, qui se sait très contesté au sein même de la communauté musulmane en raison de son positionnement politique, notamment vis-à-vis de la guerre menée par Israël à Gaza, voit en Abdelhakim Sefrioui, l'unique responsable de sa situation actuelle.


Oscillant entre colère et larmes, il a déclaré:


Sefrioui est arrivé à la mosquée avec des drapeaux palestiniens, me traitant d'imam des juifs, il me traitait d'ennemi d'Allah, de vendu, de traitre, d'ami du CRIF".

Fustigeant les
"discours victimaires"
de l'accusé, il considère que le fait d'avoir fait une vidéo pour dénoncer les cours de Samuel Paty, relève d'un
"appel au passage à l'acte".

"C'est la propagande de Sefrioui qui a provoqué tout ça. Il est connu pour émettre des fatwas sur les personnes. Il se proclame imam, mais il est un islamiste fanatique. Dès qu'il y a une voix en France qui se lève pour appeler au respect de la République, Sefrioui est là pour l'abattre, le menacer et le dénigrer.
Et de lancer sans aucune nuance:

C'est pas lui qui va passer à l'acte mais c'est lui qui motive les personnes à passer à l'acte. C'est un gourou.

Malgré sa détermination, l'imam de Drancy a, par la suite, eu de grandes difficultés à expliquer au Président en quoi Sefrioui est acquis aux thèses des Frères Musulmans comme il l'affirme.


Face à son discours parfois virulent, la Cour lui a également demandé si son témoignage était bien lié à un positionnement objectif ou si ses antécédents personnels avec l'accusé n'avaient pas altéré son positionnement.

Et très vite, celui qui a décrit sa vie comme bouleversée depuis 2010 en raison des dénonciations d'Abdelhakim Sefrioui a été mis en difficulté par la Défense du prévenu.


S'il se tenait debout, droit, parlait parfois de manière théâtrale et sur un ton ferme durant la première partie de son intervention, Chalghoumi a fini par invoquer un
"acouphène"
pour tenter de prendre congés de la Cour avant même d'avoir répondu aux questions des avocats d'Abdelhakim Sefrioui.

Maître Ouadie Elhamamouchi, qui défend le militant pro-palestinien, a, d'abord pris la parole pour lui rappeler que ses déboires n'ont pas débuté avec Sefrioui en 2010 mais qu'il avait déjà déposé plainte en 2005 pour des faits de violence, et qu'il avait été lui-même interdit d'entrer aux Etats-Unis en 2012 en raison de sa radicalité.

L'avocat parisien l'a ensuite questionné sur la qualification
"d'islamiste"
et
"d'antisémite"
qu'il utilise pour désigner Sefrioui, en le questionnant sur des publications en ligne dans lesquelles il qualifie par exemple l'humoriste Yassine Belattar, proche d'Emmanuel Macron, avec les mêmes poncifs.

"Hors sujet. Pas de commentaires. Je répondrai sur Yassine Belattar au procès de Yassine Belattar"
, a répliqué Hassen Chalghoumi.

Et les réponses identiques se sont succédées lorsqu'il a été question de ses conflits avec d'autres personnalités de la communauté musulmane, ou encore d'une agression survenue à la mosquée de Drancy et au cours de laquelle il avait prétendu avoir été présent avant d'être contraint d'avouer qu'il n'y était pas.


En réponse à plusieurs questions successives formulées par Ouadie Elhamamouchi, suscitant les rires de la salle, il a frénétiquement répété:


Hors sujet. Pas de commentaires. Je ne suis pas accusé, je suis témoin.

Et de conclure:
"Vous êtes fort comme votre client".

La séance a finalement été suspendue autour de 19 heures, avant que Chalghoumi ne quitte la salle accompagné de son avocate, le visage fermé.


Pour rappel, c'est un procès qui se veut historique, qui s'est ouvert le 4 novembre à Paris, et qui doit durer jusqu'au 20 décembre selon le calendrier prévisionnel transmis par le PNAT (Parquet National Antiterroriste) à Anadolu.

Et pour cause, quatre ans après les faits, la justice doit déterminer les responsabilités des huit accusés, dans l'assassinat, le 16 octobre 2020, de Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie au collège du Bois d'Aulne à Conflans-Sainte-Honorine, décapité à la sortie des cours par un ressortissant russe, d'origine tchétchène, âgé de 18 ans.


Son bourreau, Abdoullakh Anzorov, abattu dans la foulée par les forces de l'ordre, reprochait à l'enseignant d'avoir montré à ses élèves, des caricatures issues du journal satirique Charlie Hebdo et mettant en scène le prophète Mohammed nu.


L'attentat avait provoqué une onde de choc dans tout le pays, et le nom de Samuel Paty fait depuis office de symbole. Six mineurs ont déjà été condamnés par le tribunal pour enfants, au terme d'un procès intervenu fin 2023.


Au cours des sept semaines prévues pour ce procès présidé par un juge assisté de quatre assesseurs, le rôle des huit accusés âgés de 22 à 65 ans, dont cinq comparaissent détenus, est examiné en détail pour déterminer les responsabilités de chacun, conformément à un arrêt de mise en accusation daté du 13 septembre 2023.

Parmi les accusés, figurent deux des proches d'Abdoullakh Anzorov, Azim Epsirkhanov et Naim Boudaoud, qui répondent de faits qualifiés de complicité d'assassinat terroriste et encourent une peine de prison à perpétuité. Tous deux âgés respectivement de 23 et 22 ans, sont soupçonnés d'avoir accompagné le tueur de Samuel Paty, en l'accompagnant dans l'achat d'armes. Naim Boudaoud l'a par ailleurs déposé sur les lieux de l'attentat.


Brahim Chnina et Abdelhakim Sefrioui, âgés de 52 et 65 ans, et tous deux également détenus depuis les faits, ont à répondre à des accusations d'association de malfaiteurs terroriste.


Dans le détail, Abdoullakh Anzorov, qui n'était aucunement lié à l'établissement ni à Samuel Paty, a vraisemblablement eu connaissance des faits suite à la polémique engendrée par la diffusion d'une vidéo, devenue virale et diffusée par Brahim Chnina, l'un des parents d'une élève, dénonçant la démarche du professeur d'histoire-géographie.


Ce dernier, alerté par sa fille (dont l'enquête démontrera par la suite qu'elle n'était en fait pas présente au cours), est alors soutenu par le militant associatif Abdelhakim Sefroui, qui publiera, le 11 octobre, une autre vidéo qualifiant Samuel Paty de
"voyou".

Leurs vidéos génèrent de très nombreux commentaires, et le nom de l'enseignant ainsi que celui de son établissement sont finalement divulgués, permettant à Abdoullakh Anzorov de l'identifier, le localiser, avant de se rendre sur les lieux pour le décapiter.


Yusuf Cinar, Ismaïl Gamaev, et Louqmane Ingar, tous trois âges de 22 ans et membres de divers groupes Snapchat auxquels participait Abdoullakh Anzorov, sont accusés de lui avoir apporté un soutien idéologique.


Le premier a notamment relayé le message de revendication de l'attentat ainsi que la photo de Samuel Paty décapité, le second est accusé d'avoir conforté son procès d'assassinat et d'avoir publié des messages de satisfaction après l'annonce de la décapitation de Samuel Paty. Le troisième, également âgé de 22 ans, comparait libre mais sous contrôle judiciaire pour avoir participé aux groupes Snapchat et évoquait un éventuel départ vers des zones de guerre pour y rejoindre une organisation terroriste.


Priscilla Mangel, la seule femme à comparaître devant la Cour d'Assises spéciale, est pour sa part âgée de 36 ans. Il lui est reproché d'avoir longuement et régulièrement échangé avec le terroriste en le confortant dans son projet.


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