Présidentielle au Sénégal: à Saint Louis, les étudiants ont soif de changement

La rédaction
15:0315/03/2024, vendredi
AFP
Un homme spirituel se produit avant l'inauguration de la pirogue de son équipe dans le village de pêcheurs de Guet N'Dar, à Saint-Louis, le 23 juillet 2022.
Crédit Photo : JOHN WESSELS / AFP (Archive)
Un homme spirituel se produit avant l'inauguration de la pirogue de son équipe dans le village de pêcheurs de Guet N'Dar, à Saint-Louis, le 23 juillet 2022.

Hamza Soumboundou et ses camarades sont à quelques jours de leurs examens mais se soucient plus de la présidentielle que de réviser. Dans la deuxième université du Sénégal, à Saint-Louis dans le nord, ces étudiants sont surtout pressés de voter et de voir émerger "un nouveau système".

"Cette élection est la plus importante de toutes celles qu'on a déjà connues par le passé",
estime ce jeune de 20 ans, inscrit en 1ère année de Lettres, à l'université Gaston Berger de Saint-Louis (UGB), la deuxième du pays après celle de Dakar, avec quelque 16 000 étudiants.

L'UGB a été particulièrement affectée par la grave crise née du report surprise du scrutin présidentiel en février. Deux étudiants y ont été tués et plusieurs blessés dans des manifestations. L'émotion reste vive sur le campus.

Après un mois d'incertitudes, le président Macky Sall, au pouvoir depuis 2012, a fixé la nouvelle date du vote au 24 mars.
"Beaucoup de personnes sont mortes, la vie est devenue plus chère et les Sénégalais sont fatigués. Il nous faut un nouveau système",
poursuit Hamza Soumboundou.

Du futur nouveau président, il attend qu'il crée des emplois, lutte contre la corruption et l'injustice, développe l'agriculture, rompe les accords de pêche avec les pays étrangers, rétablisse l'État de droit bafoué selon lui sous le président sortant.


Avec ses bâtiments en crépi marron au milieu de grands espaces parsemés d'arbres, l'UGB, bâtie en périphérie de Saint-Louis, est moins souvent secouée par des troubles que celle de Dakar mais se singularise par la férocité des affrontements lors des manifestations. Un étudiant avait déjà été tué en 2018 lors de protestations pour le paiement des bourses.


Pressés de voter


Hamza Soumboundou raconte avoir frôlé le pire en février. Il a été blessé aux jambes par des balles en caoutchouc et a dû se faire opérer. Depuis, ce jeune originaire de Casamance (sud) boite et peine à rester longtemps en position assise. Mais rien ne l'empêchera d'aller voter, dit-il.


Outre la répression des manifestations, les conditions de vie à l'université et le chômage reviennent souvent dans les discussions avec ses camarades.

Le Sénégal, dont les trois-quarts de la population a moins de 35 ans, compte 19% de chômeurs selon le taux officiel. Ils sont des milliers à tenter de rejoindre l'Europe malgré les périls et innombrables drames.

"Les jeunes ont perdu tout espoir en leur pays. Ils se disent que s'ils restent ici ils ne vont jamais réussir, c'est pourquoi l'émigration clandestine s'est beaucoup intensifiée"
, assure Angelle Preira, 25 ans, étudiante en Économie, inquiète pour son avenir.

Comme de nombreux jeunes interrogés, elle est acquise à l'opposant Ousmane Sonko, disqualifié par le Conseil constitutionnel.


Elle votera pour le candidat que ce dernier a choisi, Bassirou Diomaye Faye, autorisé par les sept "Sages" à se présenter. Les deux hommes sont sortis de prison jeudi soir, provoquant des scènes de liesse dans les rues de Dakar.

Pour son camarade Oumar Goudjaby, la coalition
"Diomaye président"
présente le projet le plus ambitieux parmi les 19 candidats. Il énumère:

Elle (la coalition) accorde par exemple une place importante à l'agriculture, à la souveraineté économique du pays, à la justice, des préoccupations majeures pour les Sénégalais.

"En plus, Ousmane Sonko est un homme de parole qui est resté constant depuis ses débuts en politique. S'il a choisi Diomaye, c'est parce qu'il partage les mêmes valeurs",
veut-il croire.

Dépression


"Ces jeunes, c'est une majorité sociologique, mais ce n'est pas une majorité électorale",
nuance Sidy Diop, directeur adjoint des rédactions du quotidien Le Soleil. Les moins de 35 ans représentent les deux tiers de la population, mais seulement 28% du fichier électoral, fait-il observer. Or,
"je n'ai pas vu Sonko développer un argumentaire pour convaincre l'électorat"
des plus de 35 ans, dit-il.

Étudiant en communication, Adama Ndiaye, lui, n'a pas encore fait son choix. Il dit se méfier des hommes politiques et préfère parcourir les programmes des 19 concurrents avant de se décider ou même de s'abstenir.

En ce début de ramadan, les allées de l'université ont retrouvé leur animation mais le douloureux épisode des manifestations hante encore les esprits.
"Certains étudiants souffrent de dépression et n'arrivent même plus à dormir car ils font des hallucinations. Ils voient des policiers qui leur tirent dessus",
assure Adama Mamadou Kane, président de la coordination des étudiants de Saint-Louis.

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