France: le Premier ministre expose sa feuille de route sous forte pression

12:081/10/2024, mardi
AFP
Le Premier ministre de France, Michel Barnier.
Crédit Photo : THOMAS SAMSON / AFP
Le Premier ministre de France, Michel Barnier.

Impôts, immigration, proportionnelle: le Premier ministre français Michel Barnier est très attendu sur la feuille de route qu'il doit présenter mardi devant l'Assemblée nationale, mais il dispose d'une marge de manoeuvre étroite, privé de majorité et contraint par un budget serré.

Près d'un mois après sa nomination, enfin doté d'un gouvernement à l'issue de longues et douloureuses tractations, Michel Barnier prononcera sa déclaration de politique générale à 15H00 de Paris (13H00 GMT) devant les députés. Celle-ci sera suivie d'un débat.


Mais il ne sollicitera pas ensuite de vote de confiance, tant il se sait fragilisé.

Les récentes législatives anticipées en France - convoquées par le président Emmanuel Macron après l'échec cuisant de son parti aux élections européennes début juin - n'ont en effet pas permis de dégager de majorité. 


L'Assemblée est fragmentée en trois blocs irréconciliables: la gauche, dont la coalition est arrivée première aux élections mais qui est absente du gouvernement, le centre droit macroniste, et l'extrême droite de Marine Le Pen. 


Le Rassemblement national de Marine Le Pen, parti qui compte le plus de députés, se trouve en position d'arbitre. 


La pression est énorme pour le nouvel exécutif: alors que l'extrême droite l'a mis
"sous surveillance"
et peut le faire tomber à tout moment en votant une motion de censure de la gauche, cette dernière a déjà promis d'en déposer une dès cette semaine.

"Je suis là depuis 20 jours, je ne sais pas pour combien de temps"
, compte tenu
"de la situation (...) inédite à l'Assemblée nationale"
, a d'ailleurs reconnu samedi le chef du gouvernement. 
"Mais je suis là comme quelqu'un qui engage un long chemin (...) avec beaucoup de détermination"
, a-t-il ajouté.

"État de droit"


Outre les menaces de censure, plusieurs polémiques ont déjà éclaté au sein de son équipe qui penche nettement à droite, à l'instar d'une tendance largement observée en Europe, comme en témoigne la victoire historique de l'extrême droite aux législatives de dimanche en Autriche.


A peine nommé, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, issu du parti Les Républicains (LR, droite), a martelé sa volonté de
"rétablir l'ordre"
et d'appliquer une ligne très ferme sur l'immigration et la politique pénale.

Durant le week-end, le
"Premier flic de France"
a allumé un nouvel incendie. L'Etat de droit
"n'est pas intangible, pas sacré"
, a-t-il lancé, faisant passer une onde de choc parmi les partenaires macronistes de la coalition gouvernementale.


Bruno Retailleau a également cité l'idée d'une extension de la durée maximale de rétention pour les étrangers amenés à être expulsés, même si pour lui
"ce n'est pas suffisant".

La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet s'est dite, à l'instar de plusieurs autres membres du camp présidentiel,
"très inquiète"
de ces propos. Et des députés ont demandé un
"recadrage"
de Bruno Retailleau.

Le Premier ministre parlera
"prudemment"
, prédit un allié, parce qu'il a
"beaucoup d'adversaires tapis dans l’ombre". 

Si peu de choses ont filtré jusque-là, il devrait selon son entourage insister devant les députés sur deux exigences,
"la dette financière et la dette écologique".

Qui paiera la dette ?


Or, ses alliés du bloc macroniste l'exhortent aussi à ne pas détricoter la politique menée depuis sept ans, malgré la situation financière explosive.


Les arbitrages les plus délicats concerneront le budget alors que le déficit a atteint 6% du PIB cette année, loin des 3% réclamés par Bruxelles.

Michel Barnier répète avoir découvert une situation budgétaire
"très grave"
qui pourrait le conduire à réduire les dépenses et augmenter certains impôts sur les grosses entreprises et les plus riches, au grand dam des macronistes qui les ont baissés depuis 2017.

"Nous serons nombreux à ne pas pouvoir soutenir un gouvernement qui augmenterait les impôts"
, a prévenu dimanche l'ancien ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, écarté du gouvernement.

Sur le flanc gauche de la coalition, le MoDem pousse les feux sur une revendication ancienne, l'instauration de la proportionnelle aux législatives, sur laquelle la droite est très réticente.


Côté syndical, plusieurs organisations ont appelé à manifester mardi dans plus de 180 villes pour réclamer une hausse des salaires et une abrogation de la réforme des retraites, à l'origine d'un vaste mouvement de contestation populaire en 2023.

"La facture (de la dette), ce n'est pas aux travailleurs de la payer"
, a estimé lundi le leader du syndicat Force ouvrière Frédéric Souillot en sortant du bureau de Michel Barnier.

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