Sénégal: Macky Sall, un ancien président en télécampagne

12:3012/11/2024, mardi
AFP
L'ancien Président du Sénégal, Macky Sall, candidat aux législatives sénégalaises du 17 novembre 2024.
Crédit Photo : Compte Officiel / Média X
L'ancien Président du Sénégal, Macky Sall, candidat aux législatives sénégalaises du 17 novembre 2024.

Quelques mois après avoir quitté le pouvoir sans gloire, l'ancien président sénégalais Macky Sall revient en politique pour faire campagne à distance en vue des législatives de dimanche, au risque de susciter l'incompréhension et le désaveu.

M. Sall, qui a quitté le Sénégal par la petite porte en avril à destination du Maroc, aussitôt après la passation de pouvoir avec son successeur Bassirou Diomaye Faye, a
"accepté"
de conduire son camp aux élections.

Depuis, la question de ses motivations est posée, de même que celle des conséquences d'un éventuel retour au pays. Son ennemi juré, Ousmane Sonko, devenu Premier ministre, brandit sans relâche la menace d’un procès pour juger les actes des anciens dirigeants.

M. Sall
"a senti qu'il lui fallait une certaine prise sur le jeu politique pour protéger ses arrières"
face à d’éventuels
"règlements de comptes politiques",
analyse Maurice Soudieck Dione, professeur de science politique.

M. Dione envisage aussi une
"dimension personnelle de non-satiété par rapport au pouvoir",
en rappelant que M. Sall avait longtemps entretenu le flou autour de sa candidature pour un troisième mandat. Il avait finalement renoncé et désigné son Premier ministre Amadou Ba pour défendre son héritage à la présidentielle de mars dernier.

Retour sur la scène politique


Dans une lettre de cinq pages, M. Sall a justifié son retour par la nécessité de défendre les
"acquis"
de ses douze années de présidence et de contrer les
"dangers"
que feraient peser, selon lui, moins de huit mois de gouvernance
"calamiteuse"
sur l'économie et la démocratie.

Le porte-parole de la présidence, Ousseynou Ly, a dénoncé sur les réseaux sociaux
"l'indécence"
de cette décision, reprochant à l'ancien chef de l'État les morts des trois années de troubles, la dette et la corruption.

Bien que respecté sur la scène internationale, M. Sall est parti réprouvé dans son propre pays. Ses dernières années au pouvoir ont été assombries par un interminable bras de fer avec M. Sonko, ayant causé des dizaines de morts et des centaines d’arrestations.


L'aspiration au changement d'une population éprouvée par les crises nationale et internationale a conduit à la victoire de Bassirou Diomaye Faye, le second de M. Sonko, à la présidentielle, quelques jours après sa sortie de prison.

En prenant aussi vite la tête de la coalition Takku Wallu Sénégal, M. Sall rompt avec la réserve traditionnellement observée, au moins provisoirement, par ses prédécesseurs.


Tandis que M. Sonko parcourt le Sénégal en cortège, promettant des transformations à des foules ferventes, M. Sall s’adresse à des rassemblements moins tapageurs via le haut-parleur d’un téléphone.


Pardonner ou non


Officiellement, M. Sall est libre de rentrer au Sénégal quand il le souhaite.

Amadou Moustapha Ndieck Sarré, porte-parole du gouvernement, a affirmé:


S'il revenait au pays, nous assurerions sa sécurité parce qu'il est un citoyen et ancien président de la République.

"Mais s'il revenait et que la justice décidait de son interpellation, ni le Premier ministre ni le chef de l'État n'y pourraient rien".

Toutefois, s'il remet les pieds au Sénégal, M. Sall ne serait pas sûr de pouvoir repartir. Le Premier ministre Sonko revendique l'intention de bloquer la sortie des anciens responsables.

M. Sonko a récemment évoqué des accusations de
"haute trahison"
liées à la situation dans laquelle il dit avoir trouvé les comptes publics, accusation qui permettrait d’engager une procédure judiciaire contre un ancien président.

"Foutaise",
rétorque Abdou Mbow, l'un des vice-présidents de l'Assemblée sortante et allié de M. Sall, affirmant que M. Sonko
"sait très bien qu'il ne peut pas arrêter le président".

El Hadji Mamadou Mbaye, enseignant-chercheur à l'université de Saint-Louis (nord), doute que le nouveau régime fasse juger M. Sall, car
"au niveau légal, ce sera très compliqué",
et M. Sall a
"des flèches à son arc"
qu'il pourrait retourner contre MM. Faye et Sonko.

M. Sall retourne en politique parce qu
'"il n'a jamais vraiment voulu quitter le pouvoir",
analyse M. Mbaye.
"Il se sent indispensable".
Mais, ajoute M. Mbaye, il n’est plus
"au centre du débat"
et c'est son ancien dauphin présomptif et désormais rival Amadou Ba
"qui s'est positionné comme chef de l'opposition".

Le retour de M. Sall pourrait néanmoins susciter des tensions. Début octobre, une passagère sénégalaise l'a interpellé dans un avion entre Casablanca et Paris, lui demandant, en référence aux violences des dernières années:


Pourquoi avez-vous tué nos enfants?

"Je ne pense pas que les Sénégalais soient (encore) prêts à pardonner",
commente M. Mbaye.

"S'il rentrait, la campagne aurait été bien plus mouvementée, voire violente. Il a mené une répression très dure contre l'opposition. Les plaies ne sont pas cicatrisées",
ajoute M. Dione.

À lire également:






#Sénégal
#élections
#parlement