En Éthiopie, le miel du Tigré tente de retrouver des couleurs

10:197/11/2024, Thursday
MAJ: 7/11/2024, Thursday
AFP
Un client achète du miel dans la boutique de Birhanu Araya à Mekele, le 8 octobre 2024.
Crédit Photo : Michele Spatari / AFP
Un client achète du miel dans la boutique de Birhanu Araya à Mekele, le 8 octobre 2024.

Dans sa maison en pierre juchée sur une colline dans le nord de l'Éthiopie, Amanuel Hiluf enfile une combinaison intégrale, ajuste le voile et les gants: "il faut se dépêcher car il commence à faire chaud et les abeilles vont être énervées", lance l'apiculteur.

À Hawidela, village situé à environ une heure de Mekele, la capitale du Tigré, Amanuel Hiluf possède dans un jardin une quarantaine de ruches, d'où s'échappent des nuées d'abeilles.


Depuis près de vingt ans, il produit du miel blanc, une variété onctueuse et prisée qui fait la renommée de cette région septentrionale de l'Éthiopie.


Cet homme de 42 ans se rappelle d'un temps où il en produisait
"en abondance".

Mais c'était avant la guerre du Tigré, qui a vu s'affronter entre novembre 2020 et novembre 2022 des forces fédérales et des rebelles.

Lorsque les combats se sont rapprochés de sa maison, Amanuel Hiluf a dû fuir avec sa femme et ses enfants.


"Dans la région, il y a eu d'importants dégâts",
se remémore-t-il, pointant du doigt une colline d'où il affirme que des obus ont été tirés.

À son retour quelques mois plus tard, toutes ses ruches étaient décimées, réduisant à néant son moyen de subsistance.


Avant la guerre, il pouvait produire chaque année environ 600 kilos de miel blanc et gagner quelque 900 000 birrs (environ 7 000 euros au taux actuel), une somme considérable dans un pays où près de 36 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale.

Quand il a repris la production, Amanuel Hiluf ne gagnait plus que 5 % de cette somme. Sa récolte augmente cependant peu à peu, et il parvient aujourd'hui à produire 100 kilos.


Une situation qui est loin d'être isolée à travers cette région meurtrie par le conflit.


"Selon nos estimations, entre 40 % et 60 % des colonies d'abeilles ont été détruites",
souligne Goshu Welealeabzgi, spécialiste de l'apiculture pour le Bureau de l'agriculture et des ressources naturelles des autorités du Tigré.

Avant le conflit, il estime qu'il y avait 500 000 colonies, et que 200 000 personnes dépendaient directement de l'apiculture, dans une région qui compte environ 6 millions d'habitants.

Biodiversité


Les abeilles ont également été victimes des conséquences environnementales du conflit.


Les habitants de la région, sans aucun revenu, ont coupé de nombreux arbres, notamment des acacias qui habillaient les collines, pour les vendre ou pour se chauffer, ce qui a eu un impact sur la biodiversité.


Amanuel Hiluf a souligné:


Il y avait beaucoup moins de fleurs, et la production (de miel) a baissé.

"Les armes se sont tues, mais il y a toujours de la misère",
estime-t-il à côté de ses ruches d'abeilles 'Apis mellifera monticola'. Cette espèce, qui résiste à l'altitude, Mekele étant perchée à plus de 2 200 mètres, est
"la plus productive",
souligne Goshu Welealeabzgi.

L'Éthiopie, pays d'Afrique de l'Est d'environ 120 millions d'habitants, est le plus grand producteur de miel du continent. Et le nectar est important dans la culture éthiopienne, le miel jaune étant notamment utilisé pour produire le tej, un hydromel local très populaire.

Régulièrement, Amanuel Hiluf va vendre son miel à Birhanu Araya, un commerçant qui tient dans un marché de Mekele une petite boutique où s'entassent des dizaines de bidons contenant le précieux nectar.


"Les abeilles manquent en ce moment, nous en avons perdu beaucoup à cause de la guerre et de la sécheresse"
l'année dernière, se plaint l'homme de 61 ans, qui tient son commerce depuis 25 ans.

En conséquence, la production es
t "faible et les prix s'envolent".

Mais pour Goshu Welealeabzgi, si
"les ressources sont allouées en conséquence et les communautés impliquées",
il estime que la production peut retrouver ses niveaux d'avant-guerre
"d'ici cinq ans".
"
Nous devons regarder vers l'avenir",
conclut-il.

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