"Il y a deux corps enregistrés à la morgue avec des blessures par balle"
, a déclaré à la presse par téléphone George Rae, le patron de l'hôpital Jaramogi Oginga Odinga, à Kisimu (ouest), un fief de l'opposant Raila Odinga. Quatorze personnes ont par ailleurs été hospitalisées, a-t-il ajouté, à la suite d'affrontements avec la police.
"Plus de 300 personnes ont été arrêtées dans tout le pays et seront inculpées de divers délits, notamment de pillage, de dégradation malveillante de biens, d'incendie volontaire, de vol avec violence et d'agression contre les forces de l'ordre"
, avait auparavant déclaré le ministre de l'Intérieur, Kithure Kindiki.
La mobilisation a semblé relativement plus calme que lors des dernières semaines. La précédente journée de protestation, le 12 juillet, avait ainsi vu 9 personnes tuées et plus de 300 arrêtées.
Ce mouvement de protestation lancé en mars par la coalition d'opposition Azimio, emmenée par le vétéran Raila Odinga, a donné lieu ces dernières semaines à des actes de vandalisme, des pillages et des violences qui ont fait au moins une vingtaine de morts.
Déployées en nombre mercredi, les forces de l'ordre ont dispersé à coups de gaz lacrymogènes des petits groupes qui les harcelaient de jets de pierres, notamment à Kibera, bidonville de la capitale Nairobi, et dans les villes de Kisumu, Homa Bay, Kisii et Migori, bastions pro-Odinga dans l'ouest du pays.
Saluant une journée
, Azimio a appelé
"les Kényans à sortir de manière encore plus forte"
jeudi, deuxième des trois journées d'action prévues jusqu'à vendredi contre la politique du gouvernement Ruto.
Elu en août 2022 en promettant de soutenir les plus défavorisés, William Ruto fait face à une contestation croissante, notamment depuis la promulgation début juillet d'une loi instaurant de nouvelles taxes qui viennent ajouter aux difficultés quotidiennes des Kényans.
En déplacement dans la ville de Kericho, le chef de l'Etat a dénoncé l'attitude de son rival lors de la dernière présidentielle d'août 2022, qu'il accuse d'inciter au
.
"Nous ne voulons pas d'un pays de violence, de combats ou de destruction de biens
(...)
La police doit s'assurer qu'elle est ferme envers les criminels, les gangs, les anarchistes et toutes ceux qui veulent semer le chaos"
, a-t-il déclaré.
Le gouvernement, estimant que ces manifestations ne sont
"rien d'autre qu'une menace à la sécurité nationale"
, avait placé sous haute surveillance policière Nairobi, ainsi que Mombasa (sud-ouest) et Kisumu.
Il avait également ordonné la fermeture des écoles publiques dans ces trois villes. Les établissements scolaires rouvriront jeudi.
Dans la capitale kényane, les rues habituellement animées étaient calmes et de nombreux commerces avaient gardé leurs rideaux baissés, ont constaté des journalistes.
Ce mouvement divise la population du Kenya, locomotive économique d'Afrique de l'Est qui se bat contre une inflation continue (8% sur un an en juin) mais se retrouve également paralysée à chaque journée de mobilisation.
Chômeur de 47 ans, Fred Onzere soutient la contestation car, estime-t-il, le Kenya
"va dans la mauvaise direction".
Monica Njoki veut, elle, que ces rassemblements
.
"Les manifestations ont grandement affecté ma vie, je ne peux pas aller travailler librement"
, explique cette commerçante de 45 ans, estimant qu'il faut
"donner au président le temps de tenir ses promesses"
.
"Niveaux élevés de violence"
C'est la troisième fois depuis début juillet que l'opposition organise de telles journées d'action.
La police a été vivement critiquée pour sa répression, avec notamment des tirs à balles réelles, après la mobilisation du 12 juillet.
L'ONG Human Rights Watch avait exhorté les autorités kényanes à protéger le droit des citoyens à manifester pacifiquement.
Treize pays occidentaux, dont les Etats-Unis et le Royaume-Uni, ont exprimé mardi dans une déclaration commune leur inquiétude face aux
"niveaux élevés de violence"
lors des dernières manifestations, exhortant les différentes parties à
"résoudre pacifiquement leurs différends"
.
Selon une association d'organisations du secteur privé (Kepsa), chaque journée de mobilisation fait perdre l'équivalent de 3 milliards de shillings (environ 19 millions d'euros) à l'économie du pays.