À Gaza, cimetières remplis, tombes superposées et fossoyeurs surmenés

La rédaction
13:1216/08/2024, Cuma
AFP
Saadi Hassan Barakeh, 63 ans, fossoyeur palestinien au cimetière de Deir Al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, le 16 août 2024.
Crédit Photo : Mahmud HAMS / AFP
Saadi Hassan Barakeh, 63 ans, fossoyeur palestinien au cimetière de Deir Al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, le 16 août 2024.

Sous un soleil implacable, une demi-douzaine d'hommes empilent des parpaings dans le sable pour former des rangées de tombes: ce sont les sépultures des victimes futures de la bande de Gaza.

Autrefois, Saadi Hassan Barakeh était le fossoyeur en chef de deux cimetières à Deir Al-Balah, dans le centre du territoire palestinien, en proie aux bombardements israéliens depuis plus de dix mois.


"Le cimetière d'Ansar est désormais totalement saturé. Les martyrs étaient trop nombreux"
, confie ce Palestinien de 63 ans, qui a passé 28 ans à creuser des tombes minutieusement tracées.

Une fois les trois hectares et demi d'Ansar remplis, il se consacre au cimetière Al-Soueid, un site de cinq hectares et demi.


Malgré la réduction du nombre de sites de deux à un depuis le début du conflit israélo-palestinien le 7 octobre, le travail de Barakeh ne faiblit pas
. "De 06H00 à 18H00, tous les jours"
.

Avant la guerre, nous avions un ou deux enterrements par semaine, grand maximum cinq. Aujourd'hui, il y a des semaines où j'enterre 200 ou 300 personnes, c'est inimaginable.

"Jamais vu ça"


Sa jellaba retroussée sur un pantalon devenu beige sous la poussière, Barakeh constate avec amertume:
"Le cimetière est tellement rempli que nous creusons maintenant des tombes au-dessus des précédentes, nous avons mis les morts en étage".
Il ajoute avoir vécu
"toutes les guerres à Gaza"
mais n'avoir
"jamais vu ça".

En première ligne de ce drame, M. Barakeh encourage les 12 ouvriers qui l'aident à creuser, agencer et refermer des dizaines de tombes chaque jour. Pourtant, les images des corps d'enfants et de femmes déchiquetés le hantent le soir et explique:


Je n'arrive pas à dormir après avoir vu autant de corps d'enfants et de femmes tuées.

Il évoque une famille où il a enterré 47 femmes, dont 16 étaient enceintes.


"Pourquoi les enfants?"


"J'ai enterré beaucoup de femmes et d'enfants, et seulement deux ou trois membres du Hamas"
, affirme M. Barakeh.
"Si les Israéliens ont un problème avec Sinouar, pourquoi s'en prennent-ils aux enfants? Qu'ils tuent Sinouar et les autres, mais pourquoi les femmes et les enfants?"
s'interroge-t-il.

Autour de lui, des pierres tombales blanches s'étendent à perte de vue, tandis que des hommes s'affairent à creuser de nouveaux trous dans les rares espaces encore vides, le visage en sueur. D'autres transportent des parpaings dont le prix a explosé
"un shekel avant la guerre contre 10 ou 12 aujourd'hui"
, note M. Barakeh, en raison de l'arrêt des usines faute d'électricité et de matières premières.

Des tas de terre fraîchement retournée témoignent des enterrements récents. En dehors des fossoyeurs et des manœuvres, personne ne vient.
"Avant la guerre, nous avions jusqu'à un millier de personnes assistant à un enterrement. Aujourd'hui, nous enterrons parfois 100 personnes et il n'y a même pas 20 personnes pour les enterrer"
, se désole M. Barakeh.

Au-dessus de sa tête, le bourdonnement incessant des drones rappelle la dure réalité de Gaza.


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