Des Indiens enrôlés pour la guerre russe en Ukraine

18:1027/02/2024, mardi
AFP
Au moins 100 Indiens ont signé des contrats avec l'armée en 2023 et se sont battus du côté de la Russie contre l'Ukraine.
Crédit Photo : X /
Au moins 100 Indiens ont signé des contrats avec l'armée en 2023 et se sont battus du côté de la Russie contre l'Ukraine.

Un agriculteur, un employé d'une société de restauration aérienne et un chômeur figurent parmi les Indiens recrutés par Moscou pour les besoins de l'armée russe en Ukraine.

Deux ans après le début de l'invasion, Moscou recrute des combattants dans le monde, parfois avec l'aide d'intermédiaires.


Un traducteur indien, employé dans un centre de recrutement militaire russe à Moscou, affirme à l'AFP avoir supervisé l'enrôlement de
"70 à 100"
Indiens, précisant que les Népalais étaient nettement plus nombreux.

"Chaque grande ville dispose d'un centre de recrutement où sont traités les ressortissants étrangers"
, explique cet homme ayant requis l'anonymat par crainte de représailles.

Des recrues indiennes ont déclaré à l'AFP qu'on leur avait promis qu'ils ne combattraient pas. Pourtant, ils ont été entraînés à manier des armes, avant leur déploiement sur le front en Ukraine.


Selon des analystes, le recrutement en Inde vieille alliée de Moscou, qui a refusé de condamner explicitement l'invasion de l'Ukraine entre dans le cadre de la campagne russe de recrutement mondial.


Cinq Indiens ont raconté à l'AFP avoir réagi à des vidéos faisant la promotion d'emplois de
"soutien de l'armée"
russe, payés quelque 1.200 dollars par mois. Aucun n'avait d'expérience militaire.

Les vidéos ont été postées sur Youtube, Instagram et TikTok sous le nom de BabaVlogs, alias de Faisal Khan, un agent de recrutement basé à Dubaï.


Dans l'une d'elles, toujours en ligne, M. Khan apparaît dans une rue de Saint-Pétersbourg, où il propose un emploi de
"soutien"
dans l'armée russe contre 3.600 dollars.

"Vous n'êtes pas obligé de vous battre"
, dit-il face à la caméra de son téléphone portable.
"Tout ce que vous aurez à faire sera de déblayer les bâtiments détruits, d'entretenir les armureries et au bout d'un an de service, vous serez éligible à la résidence permanente."

Il assure avoir reçu une avalanche de demandes de renseignements et avoir aidé 16 ressortissants indiens depuis l'Inde et Dubaï à se rendre en Russie entre novembre et décembre.


Lors d'une conversation ultérieure, il reconnait avoir été
"déconcerté lorsque des rapports ont commencé à arriver sur des corps rapatriés et (...) nous avons décidé de mettre un terme au processus de recrutement".

J'ai peur


L'une des recrues de M. Khan, un diplômé sans emploi de l'Uttar Pradesh, affirme à l'AFP avoir combattu dans la région de Donetsk, en Ukraine occupée par la Russie.


"J'ai été blessé et je me suis échappé de l'hôpital"
raconte-t-il depuis Moscou où il espère être rapatrié par les autorités indiennes. Un autre, originaire de Gulbarg, dans l'État du Karnataka, explique qu'il est stationné à Kherson et attend de partir au front, avec un compatriote et neuf Cubains.

"Je peux être appelé au combat à tout moment"
, ajoute cet ancien employé d'une société de restauration aérienne, âgé de 27 ans.
"J'ai peur, je veux rentrer chez moi."

Plusieurs des recrues interrogées par l'AFP ont envoyé leur portrait en tenue militaire à leurs familles.


L'AFP a géolocalisé de nombreuses photos dans une installation militaire russe près de Moscou. L'un d'eux arrivé à Moscou en décembre, Cheikh Mohammad Tahir, originaire d'Ahmedabad dans le Gujarat, déclare s'être enfui dès le début de l'initiation militaire.


Ni la Russie ni l'Ukraine ne disent combien d'étrangers servent dans leurs armées ni combien de prisonniers de guerre elles comptent, mais Moscou aurait embauché plus de 15.000 combattants étrangers, dont des centaines venus du Népal depuis l'invasion.

"Selon certaines informations, des mercenaires du Moyen-Orient et d'Asie prennent part aux combats du côté russe"
, déclare Oleg Ignatov, analyste à l'International Crisis Group ajoutant que la Russie "essayait aussi de recruter des mercenaires en Afrique".

Une vie meilleure


Le ministère des Affaires étrangères indien a confirmé que certains de ses ressortissants s'étaient enrôlés pour des
"emplois de soutien"
dans l'armée russe, sans préciser s'il s'agissait de missions de combat. Selon le ministère, certains ont reçu leur congé depuis son intervention auprès des autorités russes.

Mais des familles reprochent aux autorités indiennes de ne pas en faire assez pour les tirer d'affaires. Mohammad Imran, commerçant à Hyderabad, n'a plus de nouvelles de Mohammad Afsan, son frère cadet âgé de 30 ans, depuis bientôt deux mois.

Il se trouvait à Rostov-sur-le-Don, dans le sud de la Russie et venait d'être appelé au front.
"L'un des garçons qui était avec lui a réussi à s'enfuir et nous a dit que mon frère avait été blessé",
raconte M. Imran.

"Il était parti pour offrir une vie meilleure à sa famille, et nous ne savons même pas s'il est en vie aujourd'hui".

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