Birmanie: des bombes larguées par drones pour reprendre le contrôle du ciel à la junte

17:4430/12/2023, samedi
MAJ: 30/12/2023, samedi
AFP
Les membres des Forces de défense du peuple de Mandalay (MDY-PDF) lâchent un drone près de la ligne de front lors d'affrontements avec l'armée du Myanmar dans le nord de l'État de Shan, le 11 décembre 2023.
Crédit Photo : AFP /
Les membres des Forces de défense du peuple de Mandalay (MDY-PDF) lâchent un drone près de la ligne de front lors d'affrontements avec l'armée du Myanmar dans le nord de l'État de Shan, le 11 décembre 2023.

Un groupe de combattants birmans pro-démocratie prépare des drones pour attaquer une base militaire, dernière cible d'une vague d'attaques à l'aide de bombes aériennes artisanales qui marque un tournant dans la guerre contre la junte au pouvoir.

Un
"Bomber VIII"
, transportant une charge explosive de six kilos, s'envole au-dessus des arbres.
"La position militaire est à quatre kilomètres"
, indique Soe Thuya Zaw, le chef de l'unité des drones, en entrant les coordonnées sur son téléphone.

C'est à notre portée.

Quelques minutes plus tard, les drones atteignent la position et, sur pression d'un bouton, lâchent leurs bombes.


L'équipe n'a compté que deux explosions, l'une des charges n’a pas explosé. Mais les trois drones sont revenus intacts.

Avec ces attaques, les combattants veulent disputer la domination du ciel à la junte et ses avions et hélicoptères russes et chinois.


"Pendant que les pilotes de l'armée aux commandes d'avions de combat nous attaquent, nous essayons également de conquérir le ciel"
, explique Soe Thuya Zaw, des Forces de défense du peuple (PDF) de Mandalay.

C'est la
"génération Z"
(née entre 1997 et 2010 environ) qui est en charge des drones dans son groupe, souligne-t-il.

Le chef de la junte birmane, Min Aung Hlaing, a reconnu que les barrages de drones avaient forcé l'armée à battre en retraite sur plusieurs fronts.

L'alliance de groupes armés issus de minorités ethniques birmanes qui combat la junte a utilisé 25.000 bombes aériennes lors de sa récente offensive, a-t-il déclaré le mois dernier.


Soe Thuya Zaw admet que ses drones ont une portée limitée, ce qui rend chaque attaque risquée.


Nous sommes dans la zone rouge et les militaires peuvent nous frapper à tout moment.

Mais ces dernières semaines, des opérations à travers la Birmanie ont chassé la junte de ses positions, touché des aéroports et tué un haut gradé près de la frontière chinoise.


Faire cuire la poudre


Dans un atelier de fabrication de bombes artisanales, caché dans les collines du nord de l'État Shan, des générateurs au diesel crachotent, à côtés d'outils électriques, bobines de fil et tuyaux en plastique.


De la poudre cuit dans une poêle sur un feu de bois. Elle sera ensuite versée dans des coques en plastique avec du shrapnel.

L'unité de drones des PDF de Mandalay, qui utilise aussi des imprimantes 3D pour produire des prototypes, a été créée par deux étudiants en ingénierie. Elle compte désormais plus de 50 membres, dont environ un tiers de femmes, selon Soe Thuya Zaw.


Moe Moe, 18 ans, l'a rejointe après la répression brutale de manifestations pacifiques par l'armée dans sa ville natale de Mandalay.
"Nous avons repris une partie du territoire, nous devons continuer"
, dit-elle.

Ces dernières semaines, le groupe a largué des centaines de bombes artisanales dans l'État Shan, explique Soe Thuya Zaw. Son unité s'est alliée à des groupes armés de minorités ethniques de la région pour mener des opérations conjointes.

Selon les analystes, il s’agit du plus grand défi auquel l'armée birmane est confrontée depuis qu’elle a renversé en 2021 le gouvernement élu démocratiquement d'Aung San Suu Kyi.


"L'ère des drones"


A la nuit tombée près de la ville de Namhsan dans l'État Shan, au début du mois, un commandant de l'armée de libération nationale des Ta'ang (TNLA) a fait larguer des bombes contre les troupes de la junte qui occupaient une usine de thé.


Après plusieurs frappes, les combattants du TNLA ont pris le contrôle des rues criblées de balles de Namhsan, dernière ville à tomber aux mains de l'alliance.


Le TNLA est l'un des nombreux groupes armés issus des minorités ethniques de Birmanie, dont beaucoup combattent l'armée depuis des décennies pour obtenir leur autonomie et le contrôle des ressources.

Certains ont hébergé et formé les nouveaux groupes de combattants qui ont émergé après le coup d’État.


"Lorsque nous avons commencé notre révolution (pour l'autonomie), nous avons utilisé des armes à feu artisanales"
, explique le porte-parole du TNLA, Tar Aik Kyaw. "Maintenant, on peut dire que c'est l'ère des drones".

Sans vouloir indiquer où et comment le groupe s'est procuré drones et munitions, le TNLA assure n'être sous le contrôle d'aucun pays étranger.


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