France: 30 mois de prison, dont 18 avec sursis, requis contre la militante pro-palestinienne Amira Zaiter

11:1722/10/2024, Salı
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La militante pro-palestinienne niçoise, Amira Zaiter.
Crédit Photo : X /
La militante pro-palestinienne niçoise, Amira Zaiter.

La procureure de Nice a requis une peine de 30 mois de prison, dont 18 avec sursis, à l'encontre de la militante pro-palestinienne, Amira Zaiter, poursuivie notamment pour des faits d'apologie du terrorisme, d'apologie de crimes contre l'humanité et d'incitation à la haine.

Au terme d'une longue audience à laquelle a assisté la correspondante d'Anadolu, le parquet a demandé à ce que cette peine soit accompagnée de plusieurs dispositions dont une peine d'inéligibilité de 10 ans, la confiscation des objets de scellés (ordinateur, clés USB et téléphone), et une obligation de publier sur le réseau social X son éventuelle condamnation dans l'hypothèse où elle venait à être prononcée par le tribunal correctionnel de Nice.


Malgré des réquisitions sévères, la procureure a précisé qu'elle ne s'opposait pas à un placement sous bracelet électronique pour effectuer la partie de prison ferme de la peine, ouvrant ainsi la voix à sa sortie de prison.


Alors qu'elle a été placée en détention depuis le 19 septembre, et après deux refus de ses demandes de remise en liberté, Amira Zaiter a eu à s'expliquer pendant plusieurs heures pour une série de publications diffusées sur le réseau social X et en lien avec la situation à Gaza depuis le 7 octobre 2023.

Au cours de cette audience pendant laquelle elle a été ardemment défendue par Maître Sefen Guez Guez, Amira Zaiter a longuement répondu aux questions du Président du tribunal correctionnel, de ses deux assesseurs, de la procureure, mais également des avocats du CRIF (conseil représentatif des instituons juives), de la LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme ), d'Ilan Choucroun (soldat niçois engagé dans les rangs de l'armée israélienne), et de l'OJE (organisation juive européenne) qui se sont constitués partie civile.



La jeune mère de famille a eu l'occasion d'exprimer ses regrets quant à la manière, parfois virulente dont elle a réagi à l'émotion face aux attaques israéliennes qui s'abattent quotidiennement sur Gaza depuis l'attaque du 7 octobre.


Au parquet qui la questionnait sur les motivations de son engagement, elle a répondu:


Le moteur c'est le génocide en cours, parce qu'il y a un génocide à Gaza et l'émotion. Je ne vise que le sionisme.

Et de poursuivre en réponse aux questions de son avocat:
"Cette guerre a fracturé notre société. J'aurais voulu un hommage commun aux victimes civiles du 7 octobre et aux victimes palestiniennes à Nice mais seul un hommage aux victimes israéliennes a été organisé. C'est dommage. On a besoin de paix, d'apaisement. Même sur la façade de la mairie de Nice, le drapeau israélien est accroché. On aurait pu mettre aussi le drapeau palestinien".


En toute fin d'audience, alors que le président lui redonnait la parole pour une ultime intervention, la jeune soignante a rappelé avec une vive émotion qu'un
"génocide est en cours à Gaza"
et que face à cette situation, elle a
"voulu continuer"
malgré
"les intimidations nombreuses"
et
"les agressions".

Dans le détail, Amira Zaiter, organisatrice de nombreuses manifestations pro-palestiniennes à Nice, a été arrêtée, placée en garde à vue puis en détention provisoire le 19 septembre dernier pour des publications en ligne.

Cette procédure fait suite à des plaintes déposées par les organisations qui se sont portées parties civiles mais également à un signalement effectué par le Préfet des Alpes-Maritimes, sur la base de l'article 40 du code de procédure pénale.


Parmi les publications incriminées qui valent à Amira Zaiter d'être maintenue en détention depuis 32 jours, figurent des messages dans lesquels elle rendait hommage aux dirigeants du Hamas, Ismaïl Haniyeh et à son successeur Yahya Sinouar, qu'elle qualifiait de
"nouveau visage de la résistance"
à l'été dernier.

"11 mois de génocide, 11 mois que le drapeau de la honte flotte sur le fronton de la mairie, 11 mois qu'ils nous bercent avec le 7 octobre".

Le 7 octobre était de la légitime défense.

"Le Hamas n'a pas terminé son travail",
a-t-elle notamment écrit le 7 septembre 2024 tandis que le 27 août elle publiait la photo d'un homme, torse nu, arborant un keffieh palestinien sur la tête et qui lui vaut aujourd'hui d'être accusée d'apologie d'acte de terrorisme.

Après avoir reconnu des formulations parfois maladroites, Amira Zaiter a longuement expliqué qu'elle n'était en rien
"antisémite ou anti-juive"
mais qu'elle s'opposait
"au sionisme"
qu'elle décrit comme un courant politique qui vise à
"éradiquer le peuple palestinien".

Au terme d'une audience tendue, y compris après que les avocats des parties civiles s'en sont pris ouvertement à Maître Guez Guez pour avoir mentionné dans ses conclusions que
"tout n'a pas commencé le 7 octobre 2023".
Au moment de prendre la parole, l'avocat niçois d'Amira Zaiter a réclamé la relaxe de sa cliente en faisant la démonstration que la majorité de son propos relève du débat public.

Rappelant que selon la Cour Européenne, la politique européenne relève d'un
"sujet d'intérêt général"
et s'inscrit dans
"un débat contemporain, ouvert en France notamment",
Maître Guez Guez a invoqué la liberté d'expression de sa cliente et
"le débat d'idées".

Et de marteler:
"On en a plus appris sur l'anatomie humaine avec ce qui se passe à Gaza, que pendant des cours de sciences. On a vu des crânes ouverts, des corps démembrés (…) Après son placement en détention, certains internautes ont appelé à envoyer des bipeurs à Amira Zaiter, vous savez à quoi cela fait référence".

En conclusion, Maître Guez Guez a exhorté le tribunal à relaxer la jeune femme, justifiant en outre de la faible portée des publications de son compte X, qui ne compte que 500 abonnés.

Le parquet s'est pour sa part dit
"déçu" des "éléments de conclusion soulevés par la défense"
et de la demande de relaxe formulée par Maître Guez Guez au vu de ce qu'il juge être des
"infractions incontestables".

"Nous ne sommes pas dans l'idéologie, nous ne sommes pas dans le soutien d'Israël"
, a par ailleurs assuré le Ministère public pour justifier sa demande de condamnation, estimant que ces
"tweets méritent d'être sanctionnés".

Ce dernier considère en effet que le fait, pour Amira Zaiter, d'avoir publié un message de
"condoléance"
après le décès d'Ismaïl Haniyeh, relève de la
"glorification d'actes de terrorisme"
et justifie donc sa condamnation en matière d'apologie du terrorisme.

Au cours de sa longue plaidoirie, la procureure a enfin accusé Amira Zaiter de s'en prendre
"aux sionistes" pour éviter d'avouer qu'elle rejette en réalité "les juifs".

La décision du tribunal correctionnel de Nice sera rendue le 4 novembre. En attendant, l'accusée a été maintenue en détention.


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