Même à 84 ans, Holger Sjögren démêle agilement les noeuds de son filet de pêche qu'il fait ensuite descendre dans les profondeurs troubles de la Baltique.
Cinquième génération d'une famille de pêcheurs, M. Sjögren pêche depuis cinq décennies le hareng au large de Kotka, ville du sud-est de la Finlande.
Dans le port, des dizaines de clients fidèles attendent impatiemment son retour pour lui acheter, à bord même du bateau, la prise du jour.
Ce joyeux négoce risque de se faire plus rare.
La Baltique est caractérisée par des eaux peu profondes et donc particulièrement vulnérables au changement climatique. Sa superficie est comparable à celle de la mer Noire, mais en volume, cette dernière contient jusqu'à 20 fois plus d'eau.
La hausse des températures et la baisse de la salinité -elle-même due à l'augmentation des précipitations et à la diminution de l'afflux d'eau en provenance de l'océan Atlantique- menacent de nombreuses espèces qui peinent à s'adapter.
Dans les années 1980, la population de morue atteignait des niveaux record mais elle s'est effondrée en l'espace de quelques décennies, à tel point que l'Union européenne a dû interdire d'urgence sa pêche en 2020.
L'esturgeon noir, autrefois abondant, a lui aussi disparu à cause de la pollution et de l'obstruction de ses rivières migratoires.
Si certains préconisent des réductions importantes des quotas de pêche pour préserver les populations restantes, d'autres ne sont pas du même avis.
Selon le chercheur, ce sont le climat et les dégâts environnementaux qui, plus que la pêche, menacent les espèces.
Avec l'effondrement du cabillaud de la Baltique, le hareng se retrouve privé de son plus gros prédateur naturel.
Si la pêche intensive continue à ce rythme, les populations de hareng risquent de diminuer, ouvrant la voie à d'autres espèces telles que le sprat, qui prendront le dessus et empêcheront les harengs de se reconstituer, expose-t-il.
Du hareng fermenté aux oignons et feuilles de lauriers au hareng fumé, le "silakka" est depuis des siècles un élément important de la tradition culinaire nordique.
Pas de quoi pousser Holger Sjögren à abandonner ses filets.