Tunisie/Ramadan 2023: Pénurie et inflation pèsent sur les ménages

17:4423/03/2023, jeudi
MAJ: 23/03/2023, jeudi
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Crédit Photo: FETHI BELAID / AFP
Crédit Photo: FETHI BELAID / AFP

Neuvième mois du calendrier hégirien, le Ramadan a toujours revêtu une particularité qui plonge les Tunisiens dans une ambiance de convivialité et de festivités nocturnes compensant la privation diurne.

Ce mois a, depuis la nuit des temps, été accueilli en grande pompe, les courses faites à l'avance, de nouveaux ustensiles de cuisine achetés, les sucreries pour accompagner les soirées ramadanesques précommandées et les maisons souvent repeintes.


Cependant, ce mois sacré marqué par le jeûne quotidien du lever au coucher du soleil et la prière nocturne et célébré cette année, le 23 mars 2023, selon le Mufti de la République tunisienne, Hichem Ben Mahmoud, est accueilli avec beaucoup d'appréhension et de stress sous-jacent, alors que le pays traverse une période de crise socio-économique sans précédent et d'instabilité politique.


Pendant la journée, les marchés et les épiceries sont bondés, créant une atmosphère chaleureuse et festive, tandis qu'au cours de la soirée, ce sont les cafés et les restaurants qui prennent la relève. Les mosquées accueillent les fidèles qui affluent la nuit pour faire la prière de Tarawih et les rues sont envahies par les marchands ambulants et par les familles et les jeunes qui dégustent les pâtisseries traditionnelles le temps de quelques heures, avant l'apparition de la première lueur du soleil levant qui commence à éclairer l'horizon.


Outre le fait qu'il soit un mois de pratique religieuse, le Ramadan a toujours été une occasion d'aider son prochain, de renouer avec les plus proches et de se rassembler autour d'une même table au moment de l'appel à la prière d'al-Maghreb. De nombreuses initiatives sont, en effet, mises en place pour soutenir les familles les plus vulnérables pendant ce mois, notamment des programmes de distribution alimentaire et des campagnes de collecte de fonds engagées par les membres de la société civile, les associations et les particuliers, solidarité et compassion étant les mots d'ordre au cours de ce mois saint.


Un Ramadan pas comme les autres


Malgré les difficultés économiques liées à l'inflation galopante
en particulier s’agissant de l’alimentation où le taux d’inflation grimpe à des niveaux record de 18,4% observés en moyenne
le Ramadan reste un mois important pour les Tunisiens qui ne lésinent pas sur les moyens même si les dépenses qui lui sont liées aplatissent leurs réserves budgétaires et vident leurs poches. Il convient de noter qu'au mois de février 2023, les prix à la consommation ont augmenté de 0,5% sur un mois. L'inflation a grimpé à 10,4%.

A la lumière de ces chiffres, le Tunisien sera-t-il fidèle à ses habitudes en adoptant le même comportement que celui des années précédentes en matière de consommation et ce, au dépens de son pouvoir d'achat limité ou compte-t-il s'adapter à la nouvelle conjoncture en rationalisant ses dépenses ?


En plus de la cherté de la vie qui pèse lourd sur les épaules du consommateur tunisien et la détérioration du pouvoir d'achat, une pénurie persistante de produits alimentaires vient freiner l'explosion de consommation subite constatée chaque année, avant et pendant le Ramadan. Le sucre, le café, le riz, le lait et l'huile végétale subventionnée sont quasi inexistants et le citoyen a du mal à s'en procurer pour ses besoins quotidiens. Bien que les œufs et les viandes (rouges en particulier) soient disponibles en quantités suffisantes, leurs prix ont considérablement augmenté en raison de la situation de sécheresse et de déficit pluviométrique dans le pays.


En effet, les changements climatiques ont eu un impact important sur l'agriculture en Tunisie, avec une sécheresse prolongée qualifiée de stress hydrique sans précédent (une demande en eau qui dépasse la quantité d'eau disponible) dans certaines régions, ayant affecté la production de fruits et légumes et fait qu'ils se vendent chers sur le marché. Cette situation s'explique par la diminution significative des précipitations ces derniers mois, ainsi que par l'épuisement des ressources en eau, en particulier dans les barrages et par l'exploitation incontrôlée des puits qui ont un impact considérable sur la nappe phréatique.


La débrouille comme mode de survie


Mounira, une cinquantenaire rencontrée à la porte du marché central de la capitale Tunis avec le couffin presque vide à la main, a confié au correspondant d'Anadolu, n'avoir pas pu acheter tout ce qu'elle avait noté sur sa liste des courses.
"Tout coûte cher, surtout la viande et le poisson. Je ferai à manger sans, on est malheureusement habitués, mes enfants et moi"
, a-t-elle déclaré, ajoutant :

Je plains les plus démunis!

Deux filles, qui ont la trentaine étaient en train de discuter devant un étalage de fruits et de légumes en contemplant les prix, nous ont fait savoir qu'elles étaient colocataires et qu'elles faisaient les courses ensemble.


"Nous partageons les frais car ceci nous revient moins cher"
, a révélé l'une d'entre elle, Nadia 33 ans, précisant que même avant le Ramadan, elles ne faisaient à manger qu'une fois par jour car sinon elles n'arrivaient pas à boucler la fin du mois.

Confrontés à une situation difficile jamais vécue auparavant, les Tunisiens ont recours à des pratiques qui leur permettent simplement de manger à leur faim, sans plus. C'est ce qui nous a dit Farouk, qui vit lui aussi en colocation avec des collègues à lui.
"Nous avons convenu mes colocataires et moi de partager les frais des diners avec un autre groupe d'amis pour réduire les dépenses. Le compte sera normalement bon d'ici la fin du mois."

Ce Ramadan sera, inévitablement, différent de celui des précédentes années en raison de la conjoncture économique difficile et de la crise socio-économique et politique qui continuent d'affecter le quotidien des Tunisiens. Les prix élevés des denrées alimentaires, les difficultés financières et les préoccupations liées à la sécurité sanitaire ajoutent une pression supplémentaire sur les familles pendant ce mois sacré.


Il représente avant tout un moment de partage, de solidarité et de spiritualité aidant à renforcer les liens communautaires et à apporter une source de réconfort par ces temps difficiles. Malgré les défis à relever, le Ramadan offre l'opportunité de se concentrer sur l'essentiel et de cultiver des valeurs de générosité et de bienveillance.


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