En Tunisie, une présidentielle pratiquement jouée d'avance pour Kais Saied

10:323/10/2024, Perşembe
AFP
Le président Kais Saied célèbre avec ses partisans sur l'avenue Habib Bourguiba dans la capitale Tunis le 26 juillet 2022 après l'annonce des résultats projetés.
Crédit Photo : Anis MILI / AFP Archive
Le président Kais Saied célèbre avec ses partisans sur l'avenue Habib Bourguiba dans la capitale Tunis le 26 juillet 2022 après l'annonce des résultats projetés.

Près de dix millions de Tunisiens sont invités à voter dimanche lors d'une présidentielle qui paraît jouée d'avance, selon les experts, en faveur du président sortant Kais Saied, accusé de dérive autoritaire par ses opposants et la société civile.

Pas de meetings électoraux, ni débats ou posters dans les rues, seulement quelques affichettes sur des bâtiments publics, la plupart avec une simple photo de M. Saied.


Rien à voir avec l'enthousiasme d'il y a cinq ans autour de cet expert en Constitution, réputé pour sa probité, qui s'était fait connaître par ses interventions télévisées et avait été élu avec près de 73% des voix (et une participation d'environ 58%), en promettant de restaurer l'ordre après une décennie de déclin socio-économique et d'instabilité politique.

M. Saied jouissait encore d'une forte popularité le 25 juillet 2021 lorsqu'il s'est emparé des pleins pouvoirs, limogeant son gouvernement et suspendant le Parlement, avant de réformer la Constitution en 2022 pour instaurer un régime ultra-présidentialiste.


Ces dernières années, l'opposition et des ONG tunisiennes et internationales ont dénoncé une régression des libertés, la mise sous tutelle de la justice et l'arrestation des principaux opposants, dont le chef du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, et, à l'autre extrémité du spectre politique, Abir Moussi, cheffe du Parti destourien libre (PDL), nostalgique des anciens autocrates Ben Ali et Bourguiba.

Le gouvernement est également accusé d'avoir muselé la presse via un décret controversé sur les
"fausses nouvelles"
et d'étouffer la société civile en procédant à des arrestations de syndicalistes, de militants ou de commentateurs politiques.

Pour l'élection de dimanche, seuls trois des 17 candidats ont été retenus, après un processus électoral critiqué pour le nombre élevé de parrainages requis et l'exclusion des principaux rivaux de M. Saied par l'Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie).

"Depuis le 25 juillet 2021, la parenthèse de démocratisation a commencé à se refermer",
estime l'expert politique tunisien Hatem Nafti, qui souligne que
"tout a été fait pour qu'il n'y ait pas de second tour".

M. Saied, 66 ans, fera face à Zouheir Maghzaoui, 59 ans, un défenseur du panarabisme, qui, bien qu'ayant une base électorale, reste associé au coup d'État de 2021, qu'il a soutenu.

Selon Pierre Vermeren, politologue français spécialiste du Maghreb,
"laisser concourir une personnalité de même obédience idéologique que M. Saied est un moyen de neutraliser son potentiel d'opposition".

Le troisième candidat, Ayachi Zammel, un industriel de l'agroalimentaire âgé de 47 ans, a été emprisonné le jour de la validation de sa candidature le 2 septembre pour falsification de parrainages. Il a déjà été condamné à plus de 14 ans de prison, ce qui n'empêche pas sa participation à l'élection.

Malgré des appels de formations de gauche et de proches d'Ennahdha à voter pour M. Zammel, son statut de prisonnier condamné risque de décourager les électeurs et d'amplifier l'abstention, déjà notable lors des précédents scrutins, avec une participation de seulement 11,3% aux législatives de début 2024.


La majorité des 12 millions de Tunisiens se concentre surtout sur la crise économique, marquée par une inflation de 7%, une faible croissance de 1% et un taux de chômage élevé de 16%, particulièrement chez les jeunes, dont sept sur dix souhaitent quitter le pays, selon une étude d'Arab Barometer d'août 2024.

La question migratoire, cruciale pour les Européens, semble expliquer la passivité de Bruxelles face aux atteintes aux droits humains, Kais Saied étant perçu comme un
"excellent garde-frontières".

Pour M. Vermeren, les Occidentaux restent focalisés sur d'autres crises internationales, notamment en Ukraine, Israël-Palestine et Liban.


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