Somalie: avec l'essor de la construction, les femmes ingénieures démolissent les stéréotypes

11:0920/09/2023, Wednesday
AFP
L'ingénieur civil Fathi Mohamed Abdi supervise un chantier de construction à Mogadiscio, en Somalie. Crédit photo: Hassan Ali ELMI / AFP
L'ingénieur civil Fathi Mohamed Abdi supervise un chantier de construction à Mogadiscio, en Somalie. Crédit photo: Hassan Ali ELMI / AFP

Dans une capitale somalienne en plein essor, l'ingénieure en bâtiment Faduma Mohamed Ali a beaucoup de travail, supervisant des ouvriers, des hommes deux fois plus âgés qu'elle, tout en bravant les stéréotypes dans ce pays conservateur de la Corne de l'Afrique.

Elle a par exemple dû faire face à la stigmatisation sociale, à l'opposition de sa famille et au harcèlement au travail, mais assure n'avoir jamais douté de son choix de carrière. Elle explique:


J'ai toujours aimé les bâtiments et observer les structures comme celles des mosquées.

Lorsqu'elle s'est inscrite pour des études en génie civil -où elle était la seule fille de sa classe- ses proches n'ont pas compris.

"Ils disaient: comment une fille peut-elle perdre du temps à étudier le génie civil ? C'est un travail d'hommes"
, raconte Faduma Mohamed Ali.

Même quand elle a obtenu son diplôme et trouvé un emploi à Mogadiscio, les critiques ont continué:


Ils me demandaient: 'Es-tu folle ?'.

"Opportunités"


En Somalie, où les femmes représentent moins d'un tiers de la population active, selon la Banque mondiale, de nombreux parents désapprouvent de voir leurs filles collaborer avec des hommes.



Mais les mentalités évoluent.

Ingénieure depuis trois ans à Mogadiscio, Fathi Mohamed Abdi, 23 ans, assure avoir été soutenue par ses parents, qui sont
"très heureux"
qu'elle soit devenue la première à faire ce métier dans sa famille:
"Personne n'avait jamais essayé"
.

"Ils ont commencé à m'encourager pendant mes études et ils continuent à le faire maintenant que je travaille"
, raconte la jeune femme.

À l'université, elle était l'une des deux seules femmes à étudier le génie civil. Son choix s'est avéré payant.

Le secteur du bâtiment connaît un essor dans la capitale somalienne, où la situation sécuritaire s'est quelque peu améliorée à la faveur d'une offensive militaire lancée depuis un an par le gouvernement contre les islamistes radicaux shebab dans le centre du pays.


"Grâce aux investissements croissants dans le secteur de la construction, il y a de nombreuses opportunités (d'emploi)"
, souligne Fathi Mohamed Abdi.

Hassan Mohamed Jimale, maire adjoint en charge des affaires publiques de Mogadiscio, assure que les autorités souhaitent voir davantage de femmes sur le marché du travail:
"en tant qu'administration régionale, nous encourageons les femmes ingénieures. Le département en charge de l'urbanisme (emploie) des femmes ingénieures et nous avons une directrice adjointe".

Salaires inégaux


Mais les femmes ingénieures interrogées par l'AFP racontent être régulièrement confrontées au sexisme au travail.


"Les discours et les mauvaises opinions que les gens ont de nous en tant que femmes ingénieures est ce qui me déçoit le plus. Les hommes n'arrêtent pas de nous dire que ce métier n'est pas fait pour les femmes"
, déclare l'une d'entre elles, Iftin Mohamed, 26 ans.


"Les ouvriers font preuve d'insubordination lorsqu'ils sont supervisés par des femmes ingénieures, ils pensent que nous sommes faibles comparé aux hommes"
, ajoute-t-elle.

Les salaires ne sont pas à parité, souligne-t-elle également:
"les femmes sont payées moins que les hommes dans la plupart des cas, notamment dans les entreprises privées".

Maçon sous les ordres de Fathi Mohamed Abdi et d'autres ingénieures, Abukar Hussein Ibrahim dit apprécier de travailler avec des femmes, mais ce n'est, selon lui, pas le cas de beaucoup de ses collègues.


"Les ouvriers du bâtiment trouvent incroyable de voir une femme ingénieure superviser leur travail. Ils passent beaucoup de temps à en parler (...) Ils se demandent sans cesse pourquoi une femme a été choisie et non un homme"
, explique cet ouvrier de 42 ans.

Il va pourtant falloir qu'ils s'habituent à voir des femmes exercer son métier, prévient Faduma Mohamed Ali.

"J'ai participé récemment à une formation et, à ma grande surprise, il y avait plus de 100 filles",
raconte-t-elle
: "C'était rare avant. Maintenant, les choses changent"
.

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