L'avocat et conseiller politique franco-libanais, spécialiste des questions africaines, Robert Bourgi.
L'avocat et conseiller politique franco-libanais, spécialiste des questions africaines, Robert Bourgi, est revenu, dans une interview accordée à Brut, sur son livre "Ils savent que je sais tout : Ma vie en Françafrique", dans lequel il déballe tout sur les années durant lesquelles il était au cœur de la politique française en Afrique.
"Je suis Robert Bourgi, 79 ans, acteur et témoin de la Françafrique (...)"
C'est ainsi que se présente celui qui avait
"accompagné les émissaires"
avec des valises de cash, des décennies durant. Ce livre paru en septembre dernier est aussi, quelque part, une sorte de mea culpa.
Il faut espérer la fin définitive de la Françafrique, celle dont j'ai été le témoin, dont j'ai été l'acteur, et dont j'ai été le complice.
"Ça fait beaucoup de choses négatives",
lance-t-il au micro de Brut.
Et d'ajouter:
"M. Chirac, en 1981, avait fait de moi le rouage essentiel. Bien sûr le reproche m'en a été fait, à juste titre, mais aussi à tort. Pourquoi avoir accepté ? Il m'était difficile moi, professeur de droit, en coopération à Abidjan, de dire à M. Chirac, ancien Premier ministre de Giscard d'Estaing, maire de Paris, de lui dire: non, monsieur le maire, je ne veux pas. Il m'était difficile, alors je l'ai fait".
Bourgi, qui fut l'homme qui précipita la chute politique de François Fillon en révélant en 2017 l'affaire dite des costumes, assure avoir été l'intermédiaire entre des dirigeants africains et les plus hautes sphères de l'Etat français.
"J'ai vu des choses, j'ai voyagé à travers tous les pays africains. Souvent je me disais: Robert, tu as été chargé d'accompagner un émissaire qui avait 10 millions d'euros, 5 millions d'euros, ça aurait fait des puits, ça aurait fait des écoles, ça aurait fait un dispensaire, ça aurait servi à quelque chose de plus utile pour les populations. Je ne le referai jamais".
Après toutes ces années passées au service de la Françafrique, il
"demande très humblement"
à ses
"frères africains" "de ne plus le faire"
parce que
"ça ne sert à rien de financer les hommes politiques de l'ancienne puissance coloniale (...) C'est de l'argent - comme on dit en Afrique - gâté, gâté complet, mais il vaut mieux éviter de faire ce que j'ai vu faire par leurs aînés".
"La seule garantie aux grands moments de la Françafrique, c'était d'être maintenu au pouvoir, parce qu'il y avait des bases militaires, des accords de défense, mais en fait, les chefs d'Etat africains - je le dis - c'étaient de grands naïfs, ils n'auraient jamais dû le faire",
insiste-t-il.
A la question de savoir pourquoi a-t-il choisi de tout déballer aujourd'hui, Bourgi répond:
"Au début de l'année 2009, le président Omar Bongo m'a dit: 'Fiston, tu sais tout ce que j'ai fait pour les hommes politiques de droite et pour les autres depuis 40 ans. Depuis quelques années, je sens que l'accueil qui m'est réservé en France est de moins en moins chaleureux".
"Parfois, je cherchais à avoir Jacques Chirac au téléphone, on ne me le passait pas ou j'avais difficilement des rendez-vous. Mais ce n'est pas grave. Je te demande une seule chose, je ne vais pas tarder à partir (…) je voudrais qu'un jour, tu sois ma mémoire et que tu puisses tout révéler de ce que j'ai fait'. Et c'est ce que j'ai fait. (…) C'est la promesse que j'avais faite au président Bongo mourant".
Ce que les Africains ne supportent plus, c'est l'arrogance, l'arrogance du président Macron.
"Quand il s'adresse à ses pairs africains, c'est comme s'il s'adressait à des étudiants, vous voyez. S'ils tournent le dos à la France, dans certaines Républiques, c'est par la faute des dirigeants politiques français"
, affirme-t-il encore. Et de conclure:
J'ai souvent été connaisseur de choses pas très honnêtes, pas conformes à la morale, à la morale humaine. Gardons ça pour le tome 2.
Invité des "Grandes Gueules" sur RMC peu de temps après la sortie de son livre, l'avocat franco-libanais avait évoqué un système mis en place, selon lui, depuis 1958 avec Jacques Foccart, le monsieur Françafrique du général de Gaulle, pour se poursuive sous Georges Pompidou, Valéry Giscard-d'Estaing, François Mitterrand et Jacques Chirac, avant de s'arrêter en 2007.
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