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Les plans budgétaires allemands censurés par la Cour constitutionnelle

Camouflet pour le gouvernement d'Olaf Scholz: la plus haute juridiction allemande a considéré mercredi qu'il avait enfreint les strictes règles budgétaires constitutionnelles du pays, compliquant fortement les plans de l'exécutif en matière d'investissements.

16:46 - 15/11/2023 Wednesday
MAJ: 18:40 - 15/11/2023 Wednesday
AFP
Crédit photo: Pixabay / geralt
Crédit photo: Pixabay / geralt
La Cour constitutionnelle a considéré que la réaffectation de 60 milliards d'euros initialement destinés à la lutte contre le coronavirus, à un fonds
"climat et transformation"
, était
"incompatible avec la Loi Fondamentale"
nationale, selon les détails de son jugement.

Cette décision, qui supprime purement et simplement ces moyens financiers, devrait compliquer sérieusement les plans de la coalition pour concilier à la fois respect du sérieux budgétaire et investissements verts, essentiels pour la transition énergétique du pays.


L’institution était saisie par le principal parti d'opposition, les conservateurs CDU. Ils estimaient que le gouvernement avait agi en violation de la règle constitutionnelle dite du
"frein à l'endettement".

Inscrite dans la Loi fondamentale allemande depuis 2009, elle limite les nouveaux emprunts publics, donc le déficit, à 0,35 % du PIB chaque année.


Tour de passe-passe


Suspendu entre 2020 et 2022 en raison de la pandémie de Covid, ce frein est de nouveau en vigueur depuis cette année.


Mais l'Allemagne a des besoins massifs d'investissements, notamment pour atteindre ses objectifs climatiques. La coalition s'est engagée à atteindre 80% d'électricité renouvelable d'ici 2030.

Pour concilier ces deux impératifs, Berlin a réalisé un véritable tour de passe-passe budgétaire. 


Après s'être rendu compte, fin 2021, que 60 milliards d'euros de dettes permises par cette suspension de la limitation des déficits n'avaient pas été utilisées, le gouvernement a décidé de les intégrer à un fonds spécial pour
"le climat et la transformation"
, non comptabilisé dans le budget.

Une manœuvre illégale selon les juges constitutionnels. Ils ont fait valoir que l'exception au frein de l'endettement était circonscrite aux
"situations d'urgence"
, en l’occurrence la pandémie de coronavirus.

Devant la Cour, le gouvernement s'est justifié en avançant que le fonds pour le
"climat et la transformation"
contribuait à faire face aux conséquences économiques durables de la crise sanitaire.

Un argument qui n'a pas convaincu les juges:


Le législateur n'a pas suffisamment démontré le lien entre l'urgence et les mesures prises.

Ils ont aussi critiqué la date d'utilisation de ces fonds: prévus pour 2021, ils ont été intégrés à l'enveloppe climat début 2022.


"L'adoption du budget rectificatif (...) après la fin de l'exercice 2021 viole le principe (...) selon lequel le budget doit être déterminé à l'avance"
de l'année budgétaire, a estimé la Cour.

Débat sur la dette


Le gouvernement devra désormais
"compenser"
avec d'autres moyens budgétaires les 60 milliards d'euros censurés, a prévenu mercredi la vice-présidente du tribunal, Doris König.

Le fonds
"Climat et transformation",
actuellement évalué à 212 milliards d'euros, vise à accélérer la transition de l'Allemagne vers une économie sans émissions, en finançant des mesures telles que le remplacement des chaudières à gaz par des pompes à chaleur plus respectueuses du climat.

Mais son utilisation a été élargie au fur et à mesure des besoins ces derniers mois. Des aides de plusieurs milliards d'euros pour financer l’installation d'usines de puces électroniques et de semiconducteurs dans le pays ont été promises.


Et le gouvernement comptait sur cette enveloppe pour financer une partie de son plan à 30 milliards d'euros visant à abaisser le prix de l'électricité de son industrie.


La sanction pourrait aussi avoir un impact sur l'utilisation d'autres fonds spéciaux, que Berlin a multipliés pour contourner les règles budgétaires, notamment dans le secteur de la défense en raison de la guerre en Ukraine.


La Cour indique en effet que
"l'utilisation illimitée des autorisations d'emprunt d'urgence sans les compter dans la règle du frein à la dette (...) est inadmissible".

Ce rappel à l'ordre relance du coup un débat récurrent dans le pays sur l'opportunité d'assouplir, voire de supprimer le frein constitutionnel à l'endettement, jugé obsolète et trop rigide par ses détracteurs. 


Le ministre de l’Économie Robert Habeck a appelé fin octobre à
"repenser"
ces règles
"fixées en des temps de mondialisation heureuse et de gaz russe bon marché".
Une réforme refusée par les libéraux du FDP, qui détiennent le portefeuille des Finances.

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