Cierges magiques, fusées ou fontaines : les magasins de feux d'artifice, tradition du Nouvel an lunaire, font le plein à Hangzhou, l'une des rares grandes villes de Chine où les habitants peuvent les tirer librement.
L'Année du Dragon débute ce samedi dans le pays.
Les villes chinoises pouvaient jadis ressembler à des zones de guerre durant les festivités, tant la coutume d'allumer fusées et pétards pour éloigner les mauvais esprits était ancrée dans les habitudes.
Mais les artifices sont désormais interdits dans de nombreuses métropoles, afin d'éviter incendies ou pollution de l'air. Ce qui alimente un débat passionné sur le patrimoine immatériel.
"Les feux d'artifice sont une tradition transmise de génération en génération. Sans eux, on a l'impression qu'il n'y a pas cette atmosphère et cette joie du Nouvel An"
, déclare à l'AFP M. Ye, propriétaire d'un magasin à Hangzhou (est de la Chine).
Cette année toutefois, les autorités centrales ont appelé à un assouplissement des règles.
En décembre, le Parlement a indiqué qu'il était
pour les autorités locales de décréter des interdictions générales, après l'annonce de restrictions par un certain nombre de petites villes.
La télévision étatique CCTV, elle, a déclaré dans un éditorial que
"les Chinois ont travaillé dur toute l'année"
et devraient ainsi
"avoir le droit de profiter de splendides feux d'artifice"
durant les fêtes.
Car malgré leur dangerosité, ils restent immensément populaires.
Début 2023, peu après l'abandon des mesures sanitaires strictes imposées contre la pandémie, les interdictions des feux d'artifices sont devenues l'étincelle du mécontentement populaire accumulé durant la pandémie.
Dans plusieurs villes, des habitants ont allumé des pétards, au mépris des restrictions.
Dans une ville de la province du Henan (centre), début janvier 2023, un groupe d'habitants s'est opposé à des policiers qui tentaient de faire respecter les règles et ont renversé une voiture de police.
Située à une heure de train de Shanghai, Hangzhou fait partie des cités qui ont étendu la zone où les habitants sont autorisés à allumer des feux d'artifice.
Résultat, un flot ininterrompu de clients se presse dans la boutique de la famille Jiang.
"L'année dernière, les restrictions n'avaient pas été complètement levées. Mais cette année, c'est le cas"
, salue Gao Li, un client âgé d'une quarantaine d'années.
"C'est ce que les gens attendaient, parce que c'est la tradition chinoise."
Dehors, un bambin facétieux lance sur le sol des pétards claque-doigts qui font sursauter les passants.
A Pékin et Shanghai, même ces petits artifices sont interdits en zone urbaine. D'autres villes imposent des règles changeantes et souvent vagues, appliquées de manière inégale.
"On s'est réveillés en pleine nuit pour allumer secrètement des artifices"
, s'est vantée courant février une femme de la province du Guangdong (sud) sur le réseau social Weibo.
On avait l'impression d'être des voleurs.
Les intérêts économiques pèsent également sur les décisions des autorités.
Le Hunan (centre), la plus grande province productrice de produits pyrotechniques en Chine, a exporté pour 4,4 milliards de yuans (568 millions d'euros) de marchandises vers d'autres pays en 2023.
Les interdictions sont néfastes aux chaînes d'approvisionnement, a estimé le professeur de droit Xie Zhiyong dans une récente interview auprès de CCTV.
Le ralentissement économique affecte toutefois la consommation des ménages et les clients dépensent moins cette année dans la boutique des Jiang à Hangzhou.
"Les artifices ne sont pas une nécessité",
déclare une vendeuse et membre de la famille, âgée de 34 ans.
"La situation économique n'est pas très bonne cette année. Les ventes ont donc baissé."
D'autres magasins font part à l'AFP d'une situation similaire.
"Les gens ne veulent pas voir, littéralement, leur argent disparaître en quelques secondes"
, résume l'un d'eux.
Les artifices restent toutefois pour beaucoup un élément indispensable des festivités.
Dans le magasin des Jiang, M. Niu, 35 ans, est venu acheter des cierges magiques afin, dit-il, de transmettre la tradition du Nouvel an à ses enfants.
"C'est pour souhaiter la paix",
a-t-il déclaré.
"C'est une sorte de bénédiction."