Cameroun: procès rituel du roi des Bamoun, désormais inscrit à l'Unesco

10:5510/12/2024, Salı
AFP
Les habitants de Foumban réagissent à l'appel du roi Nabil Mouhamed Nfonrifoum Mbombo Njoya (invisible) à se rassembler autour de lui lors de la 548e édition de la fête du Nguon du peuple Bamoun à Foumban, le 8 décembre 2024.
Crédit Photo : Daniel Beloumou Olomo / AFP
Les habitants de Foumban réagissent à l'appel du roi Nabil Mouhamed Nfonrifoum Mbombo Njoya (invisible) à se rassembler autour de lui lors de la 548e édition de la fête du Nguon du peuple Bamoun à Foumban, le 8 décembre 2024.

Silence ! Les membres de la société secrète Moungouo, masqués et enveloppés dans des toges jaunes, s’avancent dans la cour d’apparat de Foumban, capitale historique du royaume Bamoun, situé dans les hauts plateaux de l’ouest du Cameroun.

À l’arrivée de leur juge suprême, l’un des rares à montrer son visage, les
"lances de la justice"
sont solennellement plantées dans le sol. Le sultan Mouhammad Nabil Mfourifoum Mbombo Njoya, vingtième roi des Bamoun, quitte son trône pour redevenir, l’espace d’un procès rituel, un sujet parmi les autres.

Ce rituel de gouvernance a attiré dignitaires et touristes à Foumban la semaine dernière. Il constitue le moment fort de la 548ᵉ édition du Nguon, célébration emblématique du royaume Bamoun, fondé en 1384. Après une interruption de six ans, cette tradition a été reconnue en décembre 2023 comme patrimoine immatériel de l’humanité par l’Unesco.

Pour le jeune sultan, couronné en 2021 à l’âge de 28 ans, c’est une première. La tradition veut que le roi soit jugé par son peuple, mettant son titre en jeu. Les Fonanguon, députés du peuple Bamoun, n’ont pas épargné les critiques:
"Majesté, le peuple est très préoccupé par la dilapidation du patrimoine foncier du royaume",
a déclaré l’un d’eux. Un autre a ajouté sous les rires:
"Il n'existe qu'une seule reine aux côtés du roi dans la cour."

Malgré les reproches, le sultan a obtenu l’approbation de son peuple. Son maintien à la tête du royaume a été célébré par des tirs de fusil.

Parmi les spectateurs, Roly Allen, un homme d’affaires britannique, a confié:
"J’ai adoré ce renversement de rôle, le roi est jugé par son peuple, et les critiques étaient plutôt sévères."

Un sentiment partagé par les habitants, comme Amadou Njoya, 21 ans, fier de cet héritage:


Ce sont des moments qui permettent d'apprendre notre culture et de la transmettre à nos enfants.

Le défi de la restitution du patrimoine


Malgré le faste des cérémonies, le royaume Bamoun aspire à récupérer son patrimoine historique spolié durant la colonisation. Le trône Mandu Yene, joyau historique, est exposé au musée Humbolt-Forum à Berlin. En 2023, lors d’une visite, le jeune sultan s’est assis sur ce trésor appartenant à son arrière-grand-père.


Une réplique du trône a été utilisée pour la cérémonie, mais l’ambition de rapatrier l’original est claire. Le royaume a inauguré en avril un musée conçu pour abriter ses précieuses reliques, un bâtiment dont l’architecture reflète les armoiries royales.


Azize Mbouho, conseiller en communication du palais, souligne:

L’ambition est forte, elle a été exprimée ouvertement.

Alexis Njivah Mouliom, secrétaire général de la fondation Nguon, espère que la reconnaissance de l’Unesco renforcera le lobbying pour ce retour.


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