Au Soudan en guerre, les trésors des musées au coeur de pillages
10:1513/09/2024, пятница
AFP
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Crédit Photo : ASHRAF SHAZLY / AFP
Des ouvriers déplacent, le 14 janvier 2023 à Khartoum, la statue du roi Taharqa de la 25e dynastie kouchite, datant du VIIe siècle avant J.-C., vers un nouvel emplacement à l'intérieur du musée national du Soudan dans le cadre des rénovations en cours.
Au Soudan, en proie à la guerre, des statuettes et des morceaux de palais anciens jusque-là conservés dans des musées sont pillés, transportés à bord de camions, voire vendus en ligne, suscitant l'inquiétude des spécialistes.
L'Unesco a exprimé jeudi son inquiétude face à un
"niveau sans précédent"
des
"menaces sur la culture"
au Soudan, en se basant sur
"des rapports de pillage de musées, de sites patrimoniaux et archéologiques et de collections privées".
Selon Ikhlas Abdel Latif, directrice des musées à l'Autorité nationale des Antiquités du Soudan, le musée national à Khartoum a subi un
"important pillage".
Récemment réaménagé, il abritait des collections datant du paléolithique, avec des pièces uniques de Kerma, des dynasties antiques égyptiennes, de Napata, de Méroé, des antiquités chrétiennes et des objets d'art de l'islam.
Ouvert en 1971, ce musée devait initialement protéger des antiquités menacées par la construction d'un barrage.
Aujourd'hui, la menace est toute autre, alors que la guerre fait rage depuis avril 2023 entre l'armée et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), plongeant le Soudan dans l'une des pires catastrophes humanitaires de l'histoire récente, selon l'ONU.
Des objets archéologiques entreposés au musée national ont été
"chargés dans de grands camions",
qui, selon des images satellites, se sont dirigés vers l'ouest, notamment vers des zones frontalières proches du Soudan du Sud, a déclaré à l'AFP Ikhlas Abdel Latif.
Il est difficile d'évaluer l'ampleur exacte des vols au musée national en raison de l'accès restreint au site, situé dans une zone de la capitale contrôlée par les FSR, souvent désignés comme responsables par des experts en archéologie.
Sollicités par l'AFP, les porte-parole des FSR n'ont pas souhaité réagir.
En mai, les FSR avaient pourtant assuré de leur
"vigilance"
quant à la
"protection et à la préservation des antiquités du peuple soudanais".
Conformément aux inquiétudes, le musée national est considéré comme le principal sanctuaire des antiquités soudanaises, souligne Mme Abdel Latif.
"Mais à cause de la guerre, le musée et les antiquités ne sont pas surveillés",
déplore Hassan Hussein, chercheur et ancien directeur de l'Autorité des Antiquités, interrogé par l'AFP.
D'autres établissements subissent le même sort.
Le musée de Nyala, dans le Darfour du Sud, a fait l'objet d'importants vols d'antiquités, mais aussi d'outils servant à la présentation des collections, relève Mme Abdel Latif.
Elle indique que le musée Khalifa à Omdurman, ville adjacente à Khartoum, a également été pillé, avec une partie du bâtiment, datant de l'époque mahdiste (fin du XIXe siècle), détruite.
En juin, l'Unesco estimait que plus de dix musées, centres culturels et autres institutions avaient été pillés ou vandalisés au Soudan.
L'organisation onusienne a exhorté jeudi
"le public et les membres du marché de l'art (...) à s'abstenir d'acquérir ou de participer à l'importation, à l'exportation ou au transfert de biens culturels en provenance du Soudan",
car cela pourrait entraîner
"la disparition d'une partie de l'identité culturelle soudanaise et compromettrait le redressement du pays".
Des chercheurs s'inquiètent également du sort des antiquités volées, après avoir découvert certaines d'entre elles en vente sur Internet.
Sur le site Ebay, un internaute propose des objets présentés comme des antiquités égyptiennes, mais qui ont en réalité, d'après des médias soudanais, été pillés au Soudan.
Ces objets sont vendus pour quelques centaines de dollars, a constaté l'AFP.
Au moins une statuette, selon un archéologue soudanais sous couvert d'anonymat, est une imitation, mais certaines poteries, objets en or ou tableaux semblent provenir du musée national, affirme-t-il à l'AFP.
Il s'inquiète du sort des statues les plus massives, qui
"doivent être manipulées par des spécialistes d'une manière précise"
mais risquent d'être endommagées si des pilleurs mettent la main dessus.
Ce sujet sera abordé lors d'un colloque sur les études méroïtiques, langue des anciens rois soudanais de Méroé qui ont régné de 592 avant J.C. à 350 de notre ère, cette semaine à Münster, en Allemagne, auquel participe notamment Hassan Hussein.
"L'état actuel des collections préoccupe tous ceux qui s'intéressent au patrimoine humain",