France: un enseignant dénonce la dégradation des services publics
18:1621/03/2024, الخميس
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Crédit Photo : BERTRAND GUAY / AFP
Le militant français Jean-Baptiste Redde, connu sous le nom de Voltuan, tient une pancarte lors d'une manifestation de la fonction publique dans le cadre d'un appel national lancé par les syndicats pour de meilleurs salaires, à Paris, le 19 mars 2024.
Les travailleurs de fonction publique étaient en grève dans toute la France, ce mardi, pour la revalorisation des salaires des agents publics, l'amélioration de leurs conditions de travail, et contre la dégradation des services publics.
Annoncée dès le 24 février par l'intersyndicale réunissant la CGT (Confédération générale du travail), la CFDT (Confédération française du travail), la CFE-CGC (Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres), la Fédération Autonome, Force ouvrière (FO), l'UNSA (Union nationale des syndicats autonomes) Solidaires et le Snes-FSU (Syndicat national des enseignements de second degré), la mobilisation a touché l'ensemble du secteur public représentant jusqu'à 5,7 millions de fonctionnaires.
Ce mardi, le correspondant d'Anadolu (AA) à Paris, s'est rendu place Edmond Rostand à Paris, où des dizaines de milliers de personnes ont manifesté. Au micro d'AA, Martin, un enseignant du collège Maréchal Leclerc à Puteaux dans les Hauts-de-Seine, a partagé ses préoccupations et les difficultés concrètes rencontrées dans le service public français.
Une mobilisation continue
Selon Martin, la mobilisation fait suite à une série de grèves entamées depuis le début du mois de février.
Aujourd'hui, on manifeste parce qu'on est mobilisé dans l'Éducation nationale depuis plusieurs semaines déjà, avant les vacances.
"Dès le premier février, on a fait une première journée de grève qui était très suivie"
, a-t-il indiqué.
Pour rappel, le jeudi 1ᵉʳ février, la grève des enseignants dans les collèges et lycées français avait atteint un niveau record de participation depuis 2022, avec 47 % de grévistes, selon le syndicat SNES-FSU.
Cette forte mobilisation était intervenue dans un contexte de mécontentement croissant vis-à-vis des conditions de travail et de la politique éducative actuelle du Gouvernement français.
Ce mardi, dans l'Éducation nationale, 6,77 % des enseignants étaient en grève dans le premier degré et 10,65 % dans le second degré, selon les chiffres du ministère de l'Éducation nationale, qui a fait état d'une mobilisation de 8,8 % des enseignants.
Le 7 mars courant, Anadolu avait interrogé, ce jeudi, le député la France Insoumise (LFI) Alexis Corbière, professeur de métier, qui était également présent à la manifestation des enseignants de Seine-Saint-Denis, place de la Sorbonne, sur les raisons de cette mobilisation. Le député de gauche avait dénoncé le
"séparatisme scolaire"
dont est victime son département, qui ne jouit pas de moyens égaux aux autres territoires du pays.
Réduction des moyens dans l'Éducation
Interrogé ce mardi par AA, Martin évoque spécifiquement les réductions de moyens alloués à l'Éducation nationale, citant une perte de 50 heures d'enseignement par semaine dans son propre établissement, conduisant à la suppression d'une classe de sixième et à l'augmentation des effectifs dans les autres classes.
Martin critique également la réforme dite
"du choc des savoirs"
, annoncée par le gouvernement, qui vise à établir des groupes de niveaux en français et mathématiques.
C'est une sorte de tri des élèves entre les bons, les élèves moyens et les élèves plus fragiles.
"Ils vont être regroupés. Alors, l'idée est de les regrouper, mais dans des classes qui ne seront pas à effectifs réduits"
, explique-t-il, soulignant la difficulté d'adapter cette réforme aux réalités du terrain, notamment du fait de moyens réduits.
En outre, Martin aborde la question plus large de la dégradation du service public en France, notamment en termes de salaires et de conditions de travail. Il dit:
Il y a un gel du point d'indice, qui n'a pas du tout été débloqué depuis des années. Et donc, en pouvoir d'achat, on a perdu énormément d'argent avec l'inflation notamment.
Il souligne que les promesses de revalorisation salariale n'ont pas été tenues, conduisant les professionnels, y compris ceux du secteur hospitalier, à se tourner vers le secteur privé.
Dégradation du service public
Martin porte un regard critique sur les réductions budgétaires récemment annoncées par le gouvernement, les considérant comme une stratégie pour privilégier le secteur privé au détriment des services publics. Il mentionne la forte distribution de dividendes dans le secteur privé et suggère l'instauration d'une taxe sur les marchés financiers comme solution potentielle pour financer le service public.
Pour rappel, le Gouvernement français a acté, le mois dernier, dans un décret paru au Journal officiel, des économies de dix milliards d'euros, annoncées quelques jours plus tôt par le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, après une révision en baisse de la prévision de croissance 2024.
Les programmes
"écologie, développement et mobilité"
sont les plus touchés avec plus de deux milliards d'euros en moins, déduits notamment du programme Énergie, climat et après-mines et du fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires.
Les catégories
"travail et emploi"
et
"recherche et enseignement supérieur"
sont, par ailleurs, concernés respectivement par 1,1 milliard et plus de 900 millions d'euros de crédits annulés. Plusieurs autres domaines sont concernés par ces coupes budgétaires, notamment la justice, l'économie ou encore la culture.
Ma vision, c'est que, clairement, il y a une rigueur budgétaire qui est d'assécher les services publics, ce qui permet de renforcer évidemment aussi le privé.
"On ne peut pas ne pas s'empêcher de penser que ça va être des parts de marché pour le privé, puisque dans l'Éducation nationale, si on a des conditions d'enseignement qui baissent, on sait qu'il y a une partie de la population qui ne pourra plus se le permettre et qui partira dans le privé".
"Pareil pour la médecine, beaucoup de gens vont vers des cliniques [privées]. Pour le marché privé, c'est très bien. Et puis, nous, cette rigueur, on est contre, parce que c'est à nous de payer, alors qu'on sait très bien que, sans faire de démagogie, que le CAC 40 a battu des records de dividendes cette année",
a estimé Martin, ce mardi, avant d'appeler à taxer ces dividendes.