COP16 en Colombie: un sommet sur la biodiversité sous la menace de la guérilla

19:4319/10/2024, samedi
MAJ: 19/10/2024, samedi
AFP
La ministre colombienne de l'Environnement, Susana Muhamad, s'exprime lors de la rencontre internationale des peuples autochtones du bassin amazonien, dans le cadre du sommet COP16 sur la biodiversité qui se tient à Cali entre octobre et novembre, à Bogota le 14 août 2024.
Crédit Photo : Raul ARBOLEDA / AFP
La ministre colombienne de l'Environnement, Susana Muhamad, s'exprime lors de la rencontre internationale des peuples autochtones du bassin amazonien, dans le cadre du sommet COP16 sur la biodiversité qui se tient à Cali entre octobre et novembre, à Bogota le 14 août 2024.

La ville colombienne de Cali, placée en état d'alerte sous la menace d'une guérilla, accueille à partir de lundi la COP16 sur la biodiversité avec l'ambition de stimuler la mise en oeuvre encore timide d'objectifs de sauvegarde de la nature d'ici 2030.

Les 12.000 participants de quelque 200 pays, dont 140 ministres et sept chefs d'Etat, à cette 16e conférence des parties (COP16) à la convention des Nations unies sur la diversité biologique (CDB), seront sous la protection d'environ 11.000 policiers et soldats colombiens, soutenus par du personnel de sécurité de l'ONU et des Etats-Unis.


Car la plus grande faction dissidente de la défunte guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), qui rejette l'accord de paix historique signé en 2016, fait planer une menace sécuritaire sur ce vaste forum diplomatique et économique.

L'Etat-major central (EMC), en guerre ouverte avec le gouvernement du président de gauche Gustavo Petro, a recommandé aux
"délégués de la communauté nationale et internationale de s'abstenir d'assister"
à la COP16, promettant qu'elle serait un
"fiasco".

Ce groupe armé, divisé entre partisans et adversaires des négociations de paix en cours, est accusé par le gouvernement de narcotrafic et d'avoir profité des négociations pour accroître son influence territoriale.


Le week-end dernier, l'armée a pris le contrôle d'une localité du département de Cauca, bastion de l'EMC dans une zone montagneuse à 120 kilomètres au sud-ouest de Cali.


Les autorités colombiennes, le président Petro en tête, l'assurent: la sécurité du forum sera
"garantie".

Mais vendredi, le président colombien a reconnu être
"nerveux, afin que rien de grave ne se produise, car il s'agit du plus grand événement que la Colombie ait jamais organisé".
"Il y a ceux qui voudraient que ce soit une vitrine de la violence et de la mort. Et il y a ceux comme nous qui veulent que ce soit une vitrine des plus belles choses de la Colombie",
a-t-il dit sur une base militaire voisine de Cali.

Promesses tenues ?


La Colombie, forte de l'une des biodiversités les plus riches au monde, entend à cette occasion prendre la tête de la mobilisation mondiale pour la nature, tout en étant elle-même aux prises avec les ravages de la déforestation, de l'exploitation minière illégale et du trafic de cocaïne.


Dans sa promotion autour de ce forum mondial, le pays à la croisée des Andes, du Pacifique et des Caraïbes, a fait étalage de sa faune diverse et de sa nature exubérante et colorée, choisissant une fleur endémique amazonienne connue pour sa résistance et sa capacité d'adaptation, l'Inirida, comme emblème d'une COP sur le thème "Paix avec la nature".


"L'heure de l'Amérique latine est venue",
a déclaré la ministre colombienne de l'Environnement Susana Muhamad à New York fin septembre. D'autant que l'Union européenne, auparavant moteur avec son ambitieux "Pacte vert", arrive cette année lestée par des reculs liés à la crise agricole.

Mais il ne reste que cinq ans pour atteindre les objectifs convenus lors de l'accord historique de Montréal.


A la COP15 il y a deux ans, les 196 pays (sans les Etats-Unis) membres de la CBD ont adopté "l'accord de Kunming-Montréal", une feuille de route destinée à
"stopper et inverser"
d'ici 2030 la destruction des terres, des océans et des espèces vivantes, indispensables à l'humanité.

Les pays s'étaient engagés à présenter d'ici la COP16 une
"stratégie nationale biodiversité"
reflétant leur part des efforts pour tenir les 23 objectifs mondiaux fixés: protéger 30% des terres et mers, restaurer 30% des écosystèmes dégradés, réduire de moitié les pesticides et le taux d'introduction d'espèces exotiques envahissantes, mobiliser 200 milliards de dollars par an pour la nature, etc.

Au 16 octobre, seuls
"29 parties ont soumis"
une stratégie complète et
"91 ont soumis des cibles nationales",
selon la secrétaire exécutive de la CDB, Astrid Schomaker.

Un rapport jeudi d'un groupe d'ONG a révélé que seulement 2,8% de la superficie de l'océan est protégée
"efficacement"
et qu'au rythme actuel seulement 9,7% le seraient d'ici 2030.

L'IPBES, organisme scientifique et politique intergouvernemental, indique que les trois-quarts de la surface terrestre ont été considérablement modifiés depuis 1970 et que 66% des océans sont dégradés.


Selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui tient une liste rouge des animaux et plantes menacés, plus d'un quart des espèces sont menacées d'extinction.

La question des peuples autochtones et de ses enseignements sur le rapport que l'homme doit entretenir avec la nature, son respect, sera particulièrement mis en avant par l'organisation colombienne.


L'engagement financier du Nord pour aider les pays en développement - qui abritent la majeure partie de la biodiversité mondiale - à sauver leurs écosystèmes sera placé sous les projecteurs.


"Nous espérons entendre beaucoup plus de promesses lors de cette COP",
a déclaré Dao Nguyen, chef de programme pour l'UICN.
"S'il n'y en a pas, ce sera une COP assez décevante".

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