L'auteur Charles Onana jugé pour contestation du génocide des Tutsi au Rwanda

10:518/10/2024, mardi
AFP
L'écrivain franco-camerounais Charles Onana sera jugé à Paris à partir du jeudi 3 octobre 2024 pour complicité de contestation du génocide des Tutsi au Rwanda, un procès qui s’annonce historique en raison du manque de jurisprudence sur ce sujet en France.
Crédit Photo : Média X / Archive
L'écrivain franco-camerounais Charles Onana sera jugé à Paris à partir du jeudi 3 octobre 2024 pour complicité de contestation du génocide des Tutsi au Rwanda, un procès qui s’annonce historique en raison du manque de jurisprudence sur ce sujet en France.

L'auteur franco-camerounais Charles Onana est jugé à partir de lundi devant le tribunal correctionnel de Paris pour complicité de contestation du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, le second procès de ce type en France.

Dans un livre paru en octobre 2019, intitulé
"Rwanda, la vérité sur l'opération Turquoise. Quand les archives parlent",
M. Onana affirme notamment que
"le conflit et les massacres du Rwanda n'ont rien à voir avec le génocide des Juifs!"
(p.43).

"La thèse conspirationniste d'un régime hutu ayant planifié un 'génocide' au Rwanda constitue l'une des plus grandes escroqueries du XXe siècle",
ajoute-t-il (p.198).

Charles Onana, âgé de 60 ans, qui se présente comme politologue et journaliste d'enquête, s'est surtout fait connaître pour ses écrits controversés sur le génocide des Tutsi au Rwanda.

À la suite d'une plainte déposée en 2020 par les associations Survie, la Ligue des droits de l'Homme (LDH) et la Fédération internationale des droits humains (FIDH), M. Onana et le directeur de publication des Éditions du Toucan au moment de la parution, Damien Serieyx, ont été mis en examen en 2022 pour
"contestation publique de crime contre l'humanité"
, selon l'ordonnance de renvoi que l'AFP a pu consulter.

L'éditeur est poursuivi à titre principal et l'auteur pour complicité, conformément aux règles du droit de la presse.


"Nous sommes face à un négationniste assumé qui ne peut se réfugier derrière aucun prétexte",
a déclaré à l'AFP Me Sabrina Goldman, avocate de la Licra, également partie civile.

Elle a souligné:


Pour qu'il y ait un génocide, il faut un plan concerté, ce qu'il récuse.

De plus, l'accusé met
"systématiquement entre guillemets le terme 'génocide'"
et soutient la thèse d'un
"double génocide"
concernant les Tutsi et les Hutu.

Le génocide commis en 1994 au Rwanda, à l'instigation du régime extrémiste hutu alors au pouvoir, a fait environ 800.000 morts entre avril et juillet 1994, principalement parmi la minorité tutsi, mais aussi des Hutu modérés, selon l'ONU.

Historique


Certaines personnalités controversées évoquent régulièrement un autre génocide, prétendument perpétré par les Tutsi du Front patriotique rwandais (FPR), toujours au pouvoir à Kigali, en représailles contre les Hutu.


"M. Onana ne conteste pas du tout le génocide",
a réagi auprès de l'AFP son avocat, Me Emmanuel Pire.

"Il s'agit d'un travail de politologue issu de 10 ans de recherches visant à comprendre les mécanismes du génocide avant, pendant et après, mais M. Onana ne remet pas en question le fait que les Tutsi étaient particulièrement visés"
, a-t-il ajouté.

Depuis janvier 2017, la loi sur la liberté de la presse punit la négation, la minimisation ou la banalisation de façon outrancière de tous les génocides reconnus par la France.


Le premier procès pour contestation du génocide des Tutsi s'est tenu en 2022. La journaliste française Natacha Polony avait alors été poursuivie pour des propos controversés où elle évoquait
"le genre de cas où on avait des salauds face à d'autres salauds".
Elle avait été relaxée, les juges estimant que ses propos ne constituaient pas une contestation de l'existence du génocide.

Le procès de M. Onana est qualifié d
'"historique"
puisqu'il n'existe pas encore de jurisprudence précise liée au génocide des Tutsi au Rwanda, a expliqué Camille Lesaffre, chargée de campagne de l'association Survie.
"On va surtout se baser sur la jurisprudence liée à la Shoah".

Et d'ajouter:


Ce procès permettra de clarifier les limites légales des propos que l'on peut tenir sur ce crime contre l'humanité.

Une vingtaine de témoins, dont d'anciens officiers militaires français et rwandais, ont été cités par la défense, tandis que les parties civiles feront appel à des historiens et professeurs de droit.


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