Au Zimbabwe, El Nino fait ressurgir le spectre de la faim

12:0320/03/2024, Çarşamba
AFP
Ladias Konje, une agricultrice communale, traverse son champ de maïs flétri, qui a souffert d'un stress hydrique au moment de la floraison pendant une longue période de sécheresse à la mi-saison, dans le village de Kanyemba à Rushinga, le 3 mars 2024.
Crédit Photo : JEKESAI NJIKIZANA / AFP
Ladias Konje, une agricultrice communale, traverse son champ de maïs flétri, qui a souffert d'un stress hydrique au moment de la floraison pendant une longue période de sécheresse à la mi-saison, dans le village de Kanyemba à Rushinga, le 3 mars 2024.

Normalement d'un vert vigoureux à cette époque de l'année, les champs de maïs de Ladias Konje restent tristement jaunis par la sécheresse : le phénomène climatique El Niño fait resurgir le spectre de la faim pour des millions de Zimbabwéens.

"Nous devrions compter sur du maïs fraîchement récolté, des citrouilles et des arachides. Mais cette année, rien ne pousse dans les champs",
se désole l'agricultrice de 38 ans rencontrée dans le village de Kanyemba, dans le nord-est du pays.

Selon les Nations unies, plus de 13 millions de personnes en Afrique australe manquent de nourriture, et ce nombre devrait augmenter dans les prochains mois à mesure que se feront sentir les conséquences de plusieurs mois de pluies insuffisantes.


Au Zimbabwe, les autorités ont exhorté la population à se serrer la ceinture:
"Les familles ne doivent pas gaspiller. Elles doivent être prudentes et ne préparer que la nourriture nécessaire à chaque repas"
, a conseillé Leonard Munamati, à la tête de l'agence gouvernementale de conseil en développement agricole et rural.

Le président Emmerson Mnangagwa a promis qu'aucun Zimbabwéen ne mourrait de faim. Mais Ladias Konje raconte que déjà, comme beaucoup d'autres, ses enfants partent chaque matin pour l'école le ventre vide. La plantation de tabac, qui lui permet habituellement de gagner un peu d'argent, n'a pas non plus donné autant qu'escompté.


"Les familles dépendent de la cueillette de fruits sauvages"
, a alerté le député Tendai Nyabani lors d'une visite à Kanyemba, bastion du parti ZANU-PF au pouvoir depuis l'indépendance du pays en 1980.

Certains en sont désormais réduits à faire de la farine à partir de semences traitées chimiquement et à l'origine uniquement destinées à être plantées, s'est désolé l'élu.


"Maïs OGM"


Le gouvernement a le soutien d'ONG et de l'ONU pour acheminer de l'aide. Et l'opposition a appelé à ne pas privilégier les fiefs du ZANU-PF lors des distributions, ce dont le gouvernement a été accusé par le passé.


Les autorités envisagent aussi d'augmenter les importations de denrées alimentaires. Mais El Niño, qui provoque un réchauffement d'une grande partie du Pacifique tropical et entraîne des températures plus élevées dans le monde, fait également des ravages dans les pays voisins.

"Traditionnellement, nous achetions du maïs biologique à la Zambie. Aujourd'hui, la Zambie n'en a pas et le Malawi non plus",
explique Tafadzwa Musarara, président de l'Association des meuniers du Zimbabwe.

En février, l'état de catastrophe a été déclaré en Zambie en raison de la sécheresse.

"Désormais nous achetons tous du maïs OGM d'Afrique du Sud"
, poursuit M. Musarara. L'importation de céréales génétiquement modifiées a été réintroduite au Zimbabwe en 2020 lors d'un précédent épisode de sécheresse.

Avec les difficultés d'approvisionnement, les prix ont par ailleurs grimpé en flèche, nourrissant encore l'inflation galopante.


À Kanyemba et ses environs, un sac de maïs de 25 kg peut désormais coûter jusqu'à 15 dollars. Inabordable dans un pays où 42% de la population vit dans l'extrême pauvreté avec moins de 2,15 dollars par jour, selon le Programme alimentaire mondial.

Le secteur agricole au Zimbabwe a été durement affaibli par la réforme agraire lancée par Robert Mugabe après l'indépendance, avec l'éviction de milliers de fermiers blancs pour redistribuer la terre à des fermiers noirs sous-équipés et insuffisamment formés.


Le gouvernement incite désormais les agriculteurs à réorienter les cultures vers des céréales plus résistantes comme le sorgho et compte sur la construction de deux barrages lancée en 2018 dans la région de Kanyemba mais qui a pris du retard avec le Covid.


"Avec l'achèvement de ces deux barrages, nous aurons une solution durable en termes d'eau et de production de nourriture"
, espère le député Nyabani.

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