Afrique du Sud: inscriptions poussives en amont d'un vote crucial

11:4620/10/2023, пятница
MAJ: 20/10/2023, пятница
AFP
Crédit photo: Phill Magakoe / AFP
Crédit photo: Phill Magakoe / AFP

Sous une tente bleue dans un quartier résidentiel de Johannesburg, sept militants d'opposition papotent en attendant de potentiels électeurs à inscrire pour le scrutin crucial de l'an prochain.

"Ça ne démarre pas fort"
, soupire l'une d'entre elles, un brin découragée. Ce samedi matin ensoleillé d'octobre, le stand de l'Alliance démocratique (DA), premier parti d'opposition à l'ANC au pouvoir depuis l'avènement de la démocratie qui a triomphé de l'apartheid il y a trente ans, reste désert.

Difficile pour les partis sud-africains de lutter contre le désenchantement et l'apathie politique alors même que ce scrutin, autour d'avril 2024, devrait être le plus disputé.


Selon les sondages et nombre d'observateurs, le Congrès national africain (ANC) risque, pour la première fois de son histoire, de ne pas décrocher la majorité au Parlement et donc la présidence.

Mais pour déloger le parti de Nelson Mandela, qui s'est abîmé entre corruption et mauvaise gestion, il faudrait transformer les critiques en électeurs.


"La plupart des gens perdent espoir, pas seulement dans l'ANC, mais la politique en général"
, souligne auprès de l'AFP la politologue Hlengiwe Ndlovu.

Lors des élections de 2019, neuf millions de Sud-Africains, soit un électeur sur quatre, n'étaient pas inscrits. En ajoutant les abstentions, seuls 49% des citoyens en âge de voter avaient déposé un bulletin dans l'urne.

Ces chiffres confirment une baisse progressive tous les cinq ans, depuis un pic à 84% pour l'élection du premier président noir.

Ils reflètent l'effondrement de la popularité de l'ANC, qui a perdu un tiers de ses partisans en vingt ans, selon le politologue Sandile Swana.
"On s'attend à ce qu'il perde encore plus lors des prochaines élections"
, résume-t-il.

Selon un rapport de l'ANC présenté en décembre, le nombre d'adhérents a chuté de plus de 30% ces cinq dernières années.

Pour arrêter l'hémorragie, le parti de la lutte contre l'apartheid a lancé une vaste campagne.
"C'est crucial pour nous de recueillir le plus grand nombre possible d'inscriptions sur les listes électorales"
, reconnaît auprès de l'AFP sa porte-parole Mahlengi Bhengu-Motsiri.

Si les plus anciens éprouvent une reconnaissance tenace envers l'ancien mouvement de libération, les jeunes qui ont grandi dans une Afrique du Sud démocratique sont ceux qui ont le plus besoin d'être convaincus, souligne Mme Ndlovu.


En 2019, seuls 15% des 18 à 19 ans ont voté, et seulement 30% des 20 à 29 ans, avait relevé Konrad-Adenauer-Stiftung, un groupe de réflexion allemand.

"Les plus âgés comprennent très bien d'où ils partaient et où ils se situent aujourd'hui"
, relève la porte-parole de l'ANC, qui cherche à restructurer sa ligue jeunesse et à renforcer sa présence sur
"beaucoup de nouveaux médias"
.

Sans surprise, d'autres partis courtisent aussi les jeunes électeurs. Les Economic Freedom Fighters (EFF), troisième parti du pays (gauche radicale), cible activement les universités.


Dirigé par le charismatique et incendiaire Julius Malema qui, à 42 ans, en a 28 de moins que l'actuel président Cyril Ramaphosa, l'EFF fait aussi appel à des célébrités et influenceurs pour faire passer le message. Son jeune porte-parole Sinawo Tambo affirme:


Compter sur la seule désillusion des électeurs de l'ANC est un piège dans lequel les partis d'opposition ne doivent pas tomber.

Dégradation des services publics, crise énergétique paralysante, corruption et une économie affaiblie nourrissent la colère de nombreux Sud-Africains à l'égard de leur gouvernement.


"S'inscrire pour sauver l'Afrique du Sud"
est le slogan des affichettes du DA qui fleurissent depuis un mois sur le bord des routes.

"Plus l'électeur est désengagé, plus il est susceptible de voter pour l'opposition et... nous en serions le principal bénéficiaire"
, estime auprès de l'AFP Ashor Sarupen, directeur adjoint de la campagne du DA.

Le DA a annoncé en août avoir rallié plusieurs petits partis pour former une coalition visant à détrôner l'ANC.


Mais ces efforts ne suffiront probablement pas à vaincre l'apathie, estime Naledi Modise, professeure de sciences politiques.


"Les électeurs ne croient pas à l'efficacité politique de leur vote"
, dit-elle, estimant que c'est le résultat
"d'années de déclin constant en raison des besoins non entendus"
de la population.

"Quand les gens verront leurs besoins matériels satisfaits, ils se réengageront probablement dans le processus politique, mais pour les élections de 2024, il est déjà trop tard."

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