Répétition générale. Le Tournoi 2023 aura des airs de mètre étalon pour les Bleus de Fabien Galthié, sacrés l'an dernier et grands favoris de la Coupe du monde dans quelques mois. Avec trois déplacements, à Rome, à Dublin et Londres, le XV de France voudra frapper un grand coup à quelques encablures du Mondial à domicile (8 septembre-28 octobre). Passés de chasseurs à chassés, les Français vont devoir assumer leur statut malgré de nombreuses absences (Vakatawa, Vincent, Danty, Thomas, Gros, Mauvaka...). D'autant qu'ils sont invaincus depuis treize rencontres.
Le joueur à suivre
. Yoram Moefana, 22 ans. 11 sélections. Virimi Vakatawa à la retraite, Jonathan Danty et Arthur Vincent blessés, le jeune joueur de Bordeaux-Bègles a une carte à jouer, histoire de confirmer qu'il est le nouveau couteau suisse français. Tantôt placé à l'aile, tantôt au centre, Moefana devrait être associé à Gaël Fickou pour former une doublette 12-13 aussi véloce que puissante. "C'est un poste qui s'était densifié et se fragilise", a d'ailleurs admis Galthié. Mais avec le Girondin, les Bleus peuvent voir venir.
L'objectif.
En mission. Coincé entre le Grand Chelem de 2022 et la Coupe du monde 2023, le 24e Tournoi des six nations sera la compétition de la confirmation pour les Bleus, qui n'ont plus perdu depuis l'été 2021. "Pour ce Tournoi des six nations, on va essayer de rééditer ce qu'on a réussi à faire l'an dernier", a récemment assuré le sélectionneur Fabien Galthié. Objectif victoire donc pour les coéquipiers d'Antoine Dupont qui peuvent aussi chiper la place de N.1 mondial aux Irlandais, qu'ils affrontent à Dublin pour ce qui s'annonce déjà comme une finale avant la lettre.
Sur le toit du monde. Battue seulement par la France, mais en ayant surclassé ses autres adversaires dans le Tournoi 2022, l'Irlande a surtout frappé les esprits l'été suivant en allant remporter sa série de tests en Nouvelle-Zélande (2-1) pour la première fois de son histoire et avec la manière. Avec encore trois victoires sur trois cet automne, elle trône en tête du classement mondial avec un jeu à la limite du sublime et dont on serait bien en peine de désigner le point faible. Le XV du Trèfle est une machine bien huilée, puissante devant, inspiré derrière, emmenée par une charnière à son apogée.
Le joueur à suivre:
Johnny Sexton. Malgré son âge, l'inusable capitaine reste absolument incontournable pour l'animation offensive irlandaise. Les deux défaites du XV du Trèfle l'an passé ont été concédées sans lui, en France, ou alors qu'il avait quitté le terrain dès la première période, en Nouvelle-Zélande. Mais sa contribution dans la victoire pour la Triple couronne et la tournée historique dans l'hémisphère sud est incontestable: le temps ne semble avoir de prise ni sur sa technique parfaite ni sur son sens tactique toujours aussi aiguisé. La question de sa succession, après le Mondial, sera, en revanche, un énorme casse-tête pour l'Irlande.
L'objectif.
Assumer son rang. Avec son étiquette de meilleure nation mondiale, l'Irlande sera attendue partout et rien ne lui sera pardonné. Avec un déplacement à Cardiff et la réception de la France dès la deuxième semaine, le XV du Trèfle ne bénéficiera pas de round d'observation. Mais le fait de recevoir les Bleus et l'Angleterre, lors de la dernière journée, semble une conjonction idéale pour un hypothétique Grand Chelem. Avec son groupe qui mélange presque de façon optimale expérience et jeunesse, l'Irlande semble en tout cas, armée pour résister à la pression et faire de 2023, l'année de son apogée.
Après deux Tournois décevants et des Tests d'automne durant lesquels l'Argentine et l'Afrique du sud l'ont emporté à Twickenham, la Fédération anglaise a perdu patience face au jeu médiocre proposé sous Eddie Jones, démis de ses fonctions. La RFU a décidé de s'en remettre à Steve Borthwick, 43 ans et ancien deuxième-ligne aux 57 sélections, qui officiait jusque-là à Leicester et qui avait été un assistant de Jones entre 2012 et 2020 au Japon et en Angleterre. Malgré une expérience limitée comme entraîneur principal, il devra redonner du peps à une attaque poussive et de la discipline défensive à tout le groupe.
L'homme à suivre.
Maro Itoje, 28 ans. 62 sélections. Bien que le capitanat ait été confié une nouvelle fois à Owen Farrell et compte tenu du retour récent de Marcus Smith d'une blessure à une cheville, Maro Itoje, qui évolue au poste qu'occupait Borthwick, pourrait bien être l'homme-clé pour les débuts du nouveau sélectionneur. Véritable baromètre des années Jones - quand Itoje allait bien, tout allait bien -, le puissant et talentueux deuxième-ligne doit pouvoir se relancer avec le nouveau staff. Mais cela passera aussi par davantage de discipline pour le joueur des Saracens qui, là aussi, devra donner l'exemple.
L'objectif.
Retrouver l'ambition. Si l'Angleterre ne se présente jamais sur la pointe des pieds à un Tournoi, elle ne partira pas favorite pour la victoire finale, devancée dans les pronostics par la France et l'Irlande. Mais c'est peut-être ce qui sera son plus grand atout. La fin de règne pesante d'Eddie Jones pourrait être suivie d'un choc psychologique libérateur pour que tout le potentiel d'un groupe complet et talentueux s'exprime enfin à nouveau. Le calendrier, avec une entame à domicile contre l’Écosse avant un déplacement en Italie et surtout avec les deux matches les plus redoutables - la réception de la France et un déplacement en Irlande - à la fin, permettra peut-être à cette Angleterre "new look" de faire naître quelques promesses dans l'optique du Mondial français à l'automne.
Équipe probable: St
eward - Murley (ou Hasel-Collins), Tuilagi, O. Farrell (cap.), Marchant - (o) Smith, (m) van Poortvliet - Dombrandt, Curry, Earl - Itoje, Ribbans - Cole, George (ou Walker), Genge
ECOSSE
Sélectionneur
: Gregor Townsend (SCO, depuis juin 2017)
Capitaine:
Jamie Ritchie (26 ans, 36 sélections, troisième ligne, Edimbourg)
Palmarès:
15 victoires non partagées
3 Grands Chelems
(1925, 1984, 1990)
Tournoi 2021: 4e (2 victoires, 3 défaites)
Le contexte.
Se rattraper. Les exploits récents (victoires contre l'Angleterre ou l'Argentine, bons matches contre l'Australie ou les All Blacks) n'occultent rien: toujours aussi inconstant, le XV du Chardon stagne dans le Tournoi des six nations. Quatrièmes en 2020, 2021 et 2022, les Écossais aspirent à mieux. Cette édition 2023, la sixième et dernière de Gregor Townsend, doit leur permettre de démontrer qu'ils ont appris de leurs erreurs. Comme chaque année...
Le joueur à suivre.
Finn Russell, 30 ans. 65 sélections. Quel Finn Russell sera aligné avec le XV du Chardon? Celui, brillant, qui illumine les matches par ses inspirations et ses éclairs de génie, comme samedi soir face à la Rochelle avec le Racing 92 en Top 14, ou bien celui qui enchaîne les coups durs et les maladresses? Le fantasque ouvreur a le talent pour porter l'équipe d'Ecosse vers des sommets oubliés depuis les années 1990. Mais pas toujours l'envie ou la constance pour. Récemment devenu père, Russell doit désormais mettre de côté ses soucis avec le sélectionneur Gregor Townsend et prendre le jeu à son compte.
L'objectif.
Gagner en régularité. "On a débuté les deux derniers Tournoi par une victoire mais sans être capables d'enchaîner lors de la deuxième semaine", a récemment reconnu Townsend. Comme en 2021 et en 2022 (victoires 11-6 et 20-17), l'Ecosse débute son Tournoi contre l'Angleterre. Pour un troisième succès de rang, ce qui serait une première depuis les années 70? "Ce sera un gros test pour nous, dès le premier match", a prophétisé Townsend, avant d'assurer que ses hommes sont "prêts à relever ce défi". Il s'agira ensuite de confirmer, face au pays de Galles, vainqueurs lors de leurs deux dernières oppositions.
Équipe probable:
Hogg – Maitland, C. Harris, Tuipulotu, van der Merwe - (o) Russell, (m) Price - H. Watson, M. Fagerson, J. Ritchie (cap.) – R. Gray, Gilchrist - Z. Fagerson, Turner (ou Brown), Sutherland
PAYS DE GALLES
Sélectionneur:
Warren Gatland (NZL, 59 ans, depuis décembre 2022)
Capitaine:
Ken Owens (36 ans, 86 sélections, talonneur, Scarlets/WAL)
Gatland en sauveur. Vainqueur en 2021 mais avant-dernier en 2022, avec notamment une défaite humiliante à domicile contre l'Italie (22-21), le pays de Galles a enchaîné avec des tests d'automne guère plus brillants, en étant notamment battu par la Géorgie (13-12) à Cardiff. A moins d'un an de la Coupe du monde, la WRU a frappé fort en limogeant Wayne Pivac pour rappeler son prédécesseur Warren Gatland, qui avait mené entre 2007 à 2019 le XV du Poireau à trois Grands Chelems. Mais, avec un staff largement remanié, le temps est compté pour les Gallois, demi-finalistes du Mondial en 2011 et 2019, s'ils veulent briller en France à l'automne.
Le joueur à suivre.
Jac Morgan, 23 ans. 6 sélections. Dans un pack vieillissant - le capitaine Ken Owens a 36 ans, Alun Wyn-Jones reste incontournable à 37 ans, Justin Tipuric a 33 ans -, et en l'absence probable du jeune ailier Louis Rees-Zammit, blessé, pour le début du Tournoi, le flanker des Ospreys incarne presque à lui seul le renouveau après lequel court le pays de Galles. Parmi les rares Gallois à surnager cet automne, avec notamment, deux essais inscrits contre la Géorgie puis face aux Australiens, malgré la défaite (34-39), il a été élu joueur de l'année 2022.
L'objectif.
Exister. Difficile d'être trop ambitieux pour les Gallois qui ne semblent pas en mesure de rivaliser avec la France, l'Irlande ou même l'Angleterre. Mais la foi en Gatland est telle et la base de comparaison avec l'an dernier si basse que tout progrès sera bon à prendre. Après tout, Gatland avait mené la sélection à un Grand Chelem en 2008 pour sa première année à sa tête. La bonne saison des Ospreys, équipe la mieux représentée dans la sélection et qui s'est qualifiée pour les huitièmes de finale de la Champions Cup en battant notamment Montpellier, champion de France, ainsi que Leicester, champion d'Angleterre, est aussi un signe encourageant.
Équipe probable:
L. Williams - Cuthbert, North, Tompkins, Adams - (o) Biggar, (m) T. Williams - Faletau, Tipuric, Morgan - Wyn Jones, Beard - Francis, Owens (cap.), Thomas
ITALIE
Sélectionneur:
Kieran Crowley (NZL, depuis juillet 2021)
Capitaine:
Michele Lamaro (23 ans, 21 sélections, troisième ligne, Benetton Trévise/ITA)
Palmarès:
néant
Tournoi 2022: 6e et dernier (une victoire, quatre défaites)
Le contexte.
Avec l'esprit de Cardiff. La victoire arrachée à Cardiff (22-21) en clôture du Tournoi 2022 a enlevé un sacré poids au rugby italien, qui n'avait plus gagné une rencontre dans la compétition depuis 2015 et restait sur une édition 2021 désastreuse. Cette confiance nouvelle, incarnée par les chevauchées décomplexées d'Ange Capuozzo, a porté les Azzurri à un autre exploit en novembre: la toute première victoire d'une équipe d'Italie contre l'Australie (28-27). De quoi mettre en sourdine, au moins pour cette année, la légitimité des Azzurri à figurer parmi les Six nations, même s'ils restent évidemment encore loin sur le papier.
Le joueur à suivre.
Ange Capuozzo, 23 ans. 7 sélections. "Capu" s'est offert des débuts inoubliables sous le maillot azzurro lors du Tournoi 2022: l'ailier ou arrière évoluant alors à Grenoble, en Pro D2, a marqué deux essais lors de son entrée en jeu contre l’Écosse au stadio Olimpico (défaite italienne 33-22) puis fait basculer l'ultime rencontre gagnée à Cardiff une semaine plus tard, avec une percée solitaire suivie d'un décalage décisif pour envoyer à l'essai Edoardo Padovani juste avant la sirène.
Avec son 1,77 m et ses 82 kg, le joueur parti à l'intersaison grandir à Toulouse, en Top 14, n'est désormais plus un inconnu, récompensé en fin d'année dernière du titre de révélation masculine mondiale 2022. Le Tournoi 2023 doit être celui de la confirmation mais il ne pourra pas, cette fois, compter sur un quelconque effet de surprise.
L'objectif.
"Outsiders, et ce n'est pas grave." Kieran Crowley le sait: "si on faisait un sondage aujourd'hui pour savoir qui sera dernier du Tournoi, tout le monde dirait l'Italie, compte tenu du classement. Nous serons toujours les outsiders, et ce n'est pas grave." Le but de l'Italie et de son sélectionneur est d'essayer de continuer à construire, sans trop se focaliser sur les résultats, pour montrer qu'elle peut aussi "proposer un rugby spectaculaire" et pas seulement défendre pour limiter les dégâts.
L'idée est aussi, évidemment, de préparer le Mondial-2023 que les Azzurri aborderont, là encore, sans grands espoirs de tenir les premiers rôles puisqu'ils auront dans leur poule la France et la Nouvelle-Zélande (outre l'Uruguay et la Namibie).